- Accueil /
- Recherche/
- Comprendre les orages/Les derechos
Les derechos
On désigne par "derecho" les épisodes orageux qui se distinguent par une production de rafales descendantes particulièrement durable, forte et étendue. Ces épisodes de rafales descendantes en série ne peuvent constituer un derecho qu'à la condition qu'ils soient générés par un système convectif de méso-échelle (MCS) extratropical, ce qui exclue de cette catégorie les cyclones et autres typhons.
Les signatures radar associées présentent généralement des caractéristiques linéaires, avec des portions arquées (bow echo). Il n'est pas rare d'observer des signatures en LEWP au cours des derechos (développement d'une ondulation de la zone précipitante principale, puis d'un bombement associé à un creusement méso-dépressionnaire).
Origine du mot
Le terme "derecho" a été défini pour la première fois en 1888, dans un article paru dans la revue "American Meteorological Journal", rédigé par Gustavus Hinrich, d'origine danoise et professeur de physique à l'Université de l'Iowa. Dans cette publication, consacrée à un épisode orageux très venteux survenu dans l'Iowa en 1877, Hinrich utilise cette dénomination par opposition aux tornades. Issu directement du terme espagnol "derecho", qui signifie "tout droit", ce terme désigne spécifiquement les vents rectilignes provoqués par des orages organisés et étendus, contrairement aux vents rotatifs générés par les tornades.Cette première apparition de la notion de derecho en météorologie est présentée ci-dessous :
Le terme de "derecho" n'a toutefois pas été utilisé couramment par les spécialistes par la suite, et il est tombé en désuétude. Ce n'est finalement que dans les années 1980 que ce terme est réapparu, notamment dans une étude publiée en 1987 et consacrée aux épisodes orageux très venteux dans le centre et l'est des Etats-Unis. A cette occasion, les auteurs (Robert Johns et William Hirt) présentent une série de critères afin de définir ces épisodes de derecho, ce qui permet de les identifier et de les distinguer des épisodes orageux plus ordinaires.
Ces critères, détaillés ci-dessous, ont été unanimement adoptés par les météorologues et, depuis cette date, couramment utilisés dans la littérature scientifique.
Quels sont les critères d'un derecho ?
Pour remplir les critères d'un derecho, le MCS (ou le MCC) doit répondre positivement à l'analyse d'une série de paramètres définis par Fujita et Wakimoto (1981), puis par Johns et Hirt (1987).En l'occurrence :
+ présence d'une zone concentrée de dommages consécutifs à des rafales descendantes de nature convective, ou de rafales convectives supérieures ou égales à 90 km/h ;
+ cette zone de vents convectifs forts doit s'étendre sur une zone dont le grand axe dépasse 400 km
+ les rafales convectives doivent répondre à une logique de progression spatio-temporelle identifiable
+ au moins 3 rafales supérieures ou égales à 120 km/h doivent être mesurées ou expertisées sur la base de dégâts au sein de la zone couverte par l'épisode
+ ces 3 rafales doivent être séparées d'au moins 64 km les unes des autres
+ il ne doit pas exister d'interruption de plus de 3 heures entre deux rafales convectives supérieures à 90 km/h
On le voit : les critères qui définissent un derecho sont précis et restrictifs. De ce fait, seuls quelques derechos sont enregistrés chaque année dans le monde.
Une proposition de nouvelle définition
En 2016, Corfidi propose dans un article du Bulletin of American Meteorological Society (A proposed revision to the definition of “derecho”) de réviser la définition d'un derecho afin de lui attribuer des critères de taille supérieurs ainsi que des critères liés à certaines caractéristiques identifiables grâce aux images radar. Les critères proposés sont les suivants :* présence de dommages venteux continus ou intermittents dans une zone longue d'au moins 650 km et large d'au moins 100 km ;
* observation d'échos en arc durables, accompagnés de mésovortex de type "book-end vortices" et de jets arrières ("rear-inflow jets")
Ces critères ont été retenus comme nouvelle référence par l'American Meteorological Society, mais l'utilisation des critères de Johns et Hirt reste néanmoins répandue sur tous les continents, y compris dans la littérature scientifique. Les deux séries de critères tendent donc à cohabiter actuellement.
Au niveau de Keraunos, ce sont les critères de Johns et Hirt qui continuent à être retenus comme référence, notamment pour les deux raisons suivantes :
* les critères liés aux signatures radar ne peuvent être vérifiés pour les cas anciens, ce qui rend cette nouvelle définition quasi impossible à appliquer dans le cadre de l'étude climatologique des derechos sur une période longue ;
* les critères de taille sont extrêmement élevés et rendraient les derechos quasi inexistants en France et même en Europe, ce qui ne serait pas représentatif de l'existence réelle d'épisodes orageux particulièrement venteux et étendus sur notre continent.
L'approche de Corfidi est néanmoins intéressante, et pourrait permettre de distinguer les épisodes de sévérité extrême, que l'on pourrait alors qualifier de "super derechos", par opposition aux derechos "classiques" que nous continuons à définir avec les critères de Johns et Hirt de 1987.