Supercellules et violents orages de grêle entre Lorraine et Alsace le 13 mai 2015
Des orages producteurs de grêle et de phénomènes venteux destructeurs ont frappé le nord-est de la France le mercredi 13 mai 2015. Le département des Vosges a été le plus sévèrement touché.
Marie-Christine Guérin a également photographié la convection le long de la convergence de basse couche :
Mickaël Ray a photographié une cellule orageuse depuis Saint-Denis-lès-Bourg vers 00h :
Supercellule sur la Haute-Marne, le 13 mai 2015 en fin d'après-midi, avec puissant "overshooting top".
Résumé de l'épisode
Dès 16h locales, les premiers développements convectifs s'initient sur l'Yonne et l'Aube, mais une intrusion d'air sec dans les basses couches inférieures et un forçage d'altitude peu marqué empêchent temporairement une évolution orageuse sous ces foyers convectifs bien développés :
En fin d'après-midi, la première cellule active se développe au nord de Châtillon-sur-Seine (Côte-d'Or) et prend une ampleur considérable en Haute-Marne, en devenant rapidement supercellulaire. Les sommets outrepassants sont particulièrement vigoureux, et des chutes de grêle sont rapidement reportées :
Cette supercellule gagne le département des Vosges où des grêlons de 5 cm de diamètre sont observés :
Par la suite, de nouvelles supercellules (près d'une dizaine au total sur l'épisode) se développent rapidement entre les Vosges, la Haute-Marne et l'Alsace (Haut-Rhin et Bas-Rhin). Sur le plateau de Langres, un gustnado est observé par Guillaume Randon alors qu'une tornade s'abat sur le relief des Vosges, dans le secteur de Gerbépal.
A l'arrière, dans la convergence de basse couche, de nouvelles cellules éclosent entre 20h et 22h locales. Une supercellule LP est observée par Nicolas Gascard et David Dumas (Keraunos) près de Chaumont. Elle présente une forte mais brève rotation :
Tous ces orages s'évacuent vers l'Alsace en fin de soirée alors qu'un nouvel axe convectif se développe entre le nord de la Côte-d'Or et la Haute-Saône, jusqu'à la région de Belfort. Une supercellule tangente la commune de Vesoul par le nord et génère une activité électrique particulièrement vigoureuse :
Au total, sur cet épisode, près de 28.000 décharges de foudre ont été comptabilisées sur la France entre 17h et 00h locales, dont la grande majorité en fin d'après-midi et début de soirée :
Les images satellite ci-dessous témoignent de l'ampleur de l'épisode orageux qui a concerné le nord-est de la France, le sud de l'Allemagne et le nord de la Suisse. La convection profonde s'est initiée côté français, lorsque le forçage d'altitude s'est présenté sur le nord-est du pays. Ces deux images permettent de déceler des sommets pénétrants signes d'une convection extrêmement prononcée.
Animation satellite vapeur d'eau de 17h30 à 00h30 locales - NRL et image satellite RGB de 20h locales - EUMETSAT
Photographies de l'épisode
De nombreux clichés ont été rapportés par plusieurs chasseurs d'orages. Ils sont disponiles sur le liens ci-dessous :
Vincent Quennouelle a intercepté une supercellule dans le secteur d'Epinal :
Depuis le Mont Roland dans le Jura, Kévin Moroy a saisi ce bouillonnement convectif intense avec un très beau pileus :
Lucas Adler a photographié la supercellule qui a évolué au sud des Vosges vers 20h10. Le cliché est pris depuis la Haute-Saône :
Yohan Denis a photographié la supercellule tornadique depuis Neufchâteau dans les Vosges :
Plus tard en Haute-Marne, Lucas Adler a photographié une supercellule particulièrement bien structurée :
Thomas Brun était près d'Epinal et a intercepté l'une des cellules orageuses :
Les développements convectifs profonds ont été filmés par Fabrice Gillant :
Marie-Christine Guérin a également photographié la convection le long de la convergence de basse couche :
Depuis Breuchotte en Haute-Saône, Nathalie Valy a photographié d'intenses bouillonnements convectifs :
Nicolas Chatel a capturé la foudre en Alsace (d'autres clichés de ce photographe sont disponibles sur cette page) :
Guillaume Tournemeule a photographié la foudre en Alsace :
Pierre Bernard a intercepté l'une des cellules en Alsace, au Champ du Feu :
Mickaël était positionné près de Colmar et a capturé un très bel extranuageux, issu de la partie sommitale des nuages d'orage :
Bun's Lorraine était positionné près de Bains-les-Bains et a capturé un superbe extranuageux :
Guillaume Tournemeule a photographié la foudre depuis Jésonville près de Vittel dans les Vosges :
Mickaël Ray a photographié une cellule orageuse depuis Saint-Denis-lès-Bourg vers 00h :
Analyse de la situation météorologique
La configuration synoptique du 13 mai 2015 est dominée par un flux d'altitude rapide mais assez peu dynamique, de secteur ouest à ouest/sud-ouest. Le courant-jet est étiré sur la France, comme en témoigne le champ de vent à 250 hPa du modèle WRF 13 km Europe (ci-dessous à gauche), et une faible ondulation se produit en fin de journée entre Lorraine et Alsace. Cette dernière est liée à la circulation d'un court thalweg et assure une faible diffluence dans les couches supérieures de l'atmosphère.
Les forçages sont plus structurés au niveau du sol, en lien avec la remontée d'une dépression de méso-échelle de l'Aquitaine vers la Bourgogne en cours de journée. Celle-ci est bien identifiable sur la carte pointée de 17h00 locales (ci-dessous), avec une convergence des vents de surface entre le nord de la Bourgogne, le sud de la Lorraine et l'Alsace :
Cette configuration a entretenu des cisaillements de basse couche modérés à forts entre Bourgogne, Lorraine et Alsace, ainsi que des cisaillements profonds élevés, parfois proches de 30 m/s, comme le montre le champ du modèle WRF 7 km France ci-dessous à droite. C'est dans cet environnement bien cisaillé qu'une onde barocline bien alimentée en air chaud et humide (hautes valeurs de thêta'w à 850 hPa) a gagné dans l'après-midi les régions du nord-est de la France, avant de s'évacuer vers l'Allemagne en début de nuit :
La situation météorologique s'est dès lors trouvée fortement propice à des développements orageux virulents, notamment sous forme de supercellules. En témoigne le modèle WRF 1 km France (voir ci-dessous), qui simulait des valeurs de MULI très fortement négatives, localement inférieures à -10 K, et un potentiel supercellulaire majeur :