Un outbreak de supercellules de très grande ampleur a généré des orages particulièrement violents durant le week-end de la Pentecôte 2014.
Prémices de l'épisode : orages forts et premières supercellules les 6 et 7 juin
Les journées des vendredi 6 et samedi 7 juin voient se mettre en place un vigoureux flux de sud/sud-ouest sur la France (voir ci-dessous). Les premiers orages éclatent dès le soir du 6 juin à partir du sud de l'Aquitaine. Ils concernent vers 19h00 locales le Pays Basque, puis remontent en direction des Landes. Des chutes de grêle ponctuelles sont déjà signalées.
En début de nuit du 6 au 7 juin, d'autres cellules orageuses se forment sur les Pays de la Loire. Elles balaient la Bretagne en milieu de nuit, en produisant fortes pluies et grêle locale. Parmi elles, une supercellule moteur gauche transite entre Morbihan et Côtes-d'Armor. La trajectoire suivie par ces orages est bien visible sur la carte des impacts de foudre de la nuit du 6 au 7 juin (voir ci-dessous). On remarque un environnement bien instable et fortement cisaillé durant cette nuit-là, comme en témoigne le radiosondage de Trappes (MUCAPE de 1.360 J/kg, MULI de -6 K, SRH 0-3 km de 193 m²/s²).
Après évacuation de ces premiers orages en fin de nuit par la Basse-Normandie, la journée du samedi 7 juin est calme et de plus en plus chaude. Des entrées d'air maritime frais et humide s'organisent en fin d'après-midi sur le Pas-de-Calais. Elles constituent rapidement un pseudo front froid, qui progresse vers le département du Nord puis la Belgique. Peu après 17h30 locales, la convection se déclenche brutalement sur cette limite froide et une supercellule s'amorce aux abords nord-ouest de Lille (photo ci-contre). Elle donne de fortes chutes de grêle et des pluies intenses à la frontière franco-belge.
Côté Belgique, plusieurs supercellules se forment et produisent notamment de violentes chutes de grêle, qui provoquent entre autres des dommages à Bruxelles. Des grêlons de 6 à 8 cm sont recueillis localement sous ces supercellules.
En fin de soirée, une nouvelle salve orageuse s'organise à partir du nord de l'Aquitaine. Une série de supercellules se développent les unes à la suite des autres entre Gironde, Dordogne, Charente, Haute-Vienne et Creuse. Ces orages de forte intensité remontent ensuite en seconde partie de nuit vers le Centre, la Bourgogne et Champagne-Ardenne.
8 juin : violentes chutes de grêle et outbreak de supercellules
Le flux de sud / sud-ouest continue de s'accélérer le dimanche 8 juin tout en présentant un cyclonisme de plus en plus marqué. Les profils verticaux, très instables et cisaillés, deviennent particulièrement propices au déclenchement de supercellules. L'épisode orageux entre dans sa phase la plus intense.
Les premières cellules orageuses se forment aux environs de 16h00, en Eure-et-Loir. Rapidement, les orages se multiplient en direction du nord, sur la Normandie. Plusieurs mésocyclones sont signalés, jusque sur le Calvados où une
structure supercellulaire de type LP persiste durant près de deux heures près de Caen.
En quelques heures, une dizaine de supercellules se forment entre Haute-Normandie, Ile-de-France, Picardie, Nord - Pas de Calais et Champagne-Ardenne. Les orages sont violents, particulièrement électriques et marqués par des chutes de grêle remarquables. Certains grêlons atteignent jusqu'à 8 cm de diamètre en région parisienne, où les dévastations sont considérables (toitures endommagées, voitures cabossées, végétation hâchée). La moitié nord de l'Ile-de-France subit à elle seule le passage de 5 supercellules.
Violentes chutes de grêle entre Ile-de-France et Picardie, le soir du 8 juin 2014. Source : meteo-paris.com
Des rafales de vent parfois fortes accompagnent ces chutes de grêle. Météo-France relève des rafales jusqu'à 90 km/h à Steenvoorde (Nord), 106 km/h à Magnanville et 110 km/h à Pontoise.
Cette première salve de supercellules est suivie par une seconde, qui débute à 02h00 locales le 9 juin entre le nord de la Gironde et la Charente-Maritime. Deux supercellules massives et particulièrement actives circulent alors sur deux trajectoires proches et parallèles. Elles balaient la Charente, les Deux-Sèvres, la Vienne, l'Indre, l'Indre-et-Loire et le Loir-et-Cher. Elles provoquent des rafales descendantes sévères, notamment en Charente-Maritime (105 km/h relevés à Royan par Météo France), en Charente (130 km/h à Cognac) et dans les Deux-Sèvres (120 km/h à Melle). Ces supercellules produisent également des pluies particulièrement intenses, ainsi que des chutes de grêle, qui dévastent plusieurs vignobles de Gironde et du Cognaçais. Les dégâts sont importants, avec de nombreuses routes coupées par des chutes d'arbres et une multitude de toitures endommagées.
En fin de nuit, ces orages progressent en direction de l'Ile-de-France puis de la Picardie et du Nord, sous la forme d'un MCS actif.
Les radiosondages réalisés à Trappes et à Bordeaux dans la nuit du 8 au 9 juin témoignent d'un potentiel orageux très marqué. Les profils thermo-hygrométriques et les hodographes présentent toutes les caractéristiques des environnements propices aux supercellules :
9 juin : nouvelles supercellules et grêlons géants
Florent MOREAU
Au plus fort des advections chaudes venues d'Afrique du Nord, et à la faveur d'une dynamique synoptique forte, la situation convective devient particulièrement explosive le lundi 9 juin. L'instabilité latente devient extrême (MUCAPE > 5.000 J/kg et MULI < -14 , soit des valeurs remarquables qu'on ne rencontre généralement pas plus d'une fois par an) :
Dès 08h locales, l'activité orageuse reprend sur les Pays-de-la-Loire. Les cellules progressent rapidement vers la Normandie, tout en subissant une multitude de splits. L'un d'eux donne naissance à une supercellule qui circule entre Maine-et-Loire et Sarthe en milieu de matinée.
Vers midi, de nouvelles cellules orageuses se forment entre Poitou-Charentes et Centre. Leur activité s'accentue en début d'après-midi et une supercellule extrêmement violente parvient à se développer sur la région Centre, avant de gagner le nord de la Bourgogne puis le sud de la Champagne. Elle produit un véritable bombardement de grêle sur le Loiret, où sont recueillis des grêlons géants qui atteignent jusqu'à 12 cm de diamètre. Une seconde supercellule circule en périphérie nord immédiate et produit également de fortes chutes de grêle sur son passage.
En soirée et début de nuit, les orages se généralisent le long d'un axe Aquitaine - Centre - Nord. Les orages sont localement très violents, notamment entre Centre et Ile-de-France où de nouvelles supercellules produisent, pour le deuxième jour consécutif, des grêlons de 5 à 8 cm de diamètre, et même des grêlons géants en Essonne, Val-de-Marne et Seine-et-Marne.
Activité orageuse intense sur la France et sur le Benelux, le 9 juin 2014 à 20h00 locales. (c) Eumetsat et activité foudre du 9 juin
Tous ces développements orageux finissent par constituer un MCS très actif, qui évacue notre pays par le Nord, l'Aisne et les Ardennes en seconde partie de nuit.
La forte activité orageuse persiste ensuite jusqu'au 13 juin
A partir du 10 juin, l'activité orageuse commence à très lentement décliner sur la France. Toutefois, quelques orages violents se manifestent encore sur le centre-est de la France (grêle de 5 cm en Saône-et-Loire). Entre le 11 et le 13 juin, un faible cyclonisme persiste et des orages peu mobiles éclatent près des reliefs, générant parfois des lames d'eau significatives. Près des Pyrénées, des crues éclair sont observées sur plusieurs cours d'eau, induisant des inondations parfois très importantes dans les Hautes-Pyrénées ou en Ariège.
Conséquences économiques de l'épisode
A la mi-juin, les compagnies d'assurances et les experts chiffrent à plusieurs dizaines de millions d'euros les dégâts dus à la grêle. Certains organismes estiment que les coûts seront équivalents à ceux générés par la tempête Xynthia en février 2010. 400.000 véhicules au moins ont été endommagés par ces chutes de grêle, ce qui constitue l'épisode de grêle le plus sévère de ces 10 dernières années par son impact économique.
Pour la seule journée du 8 juin 2014, 6.300 habitations ont été endommagées rien que dans le département des Yvelines. Plusieurs dizaines de milliers de dossiers ont été reçus par les assureurs concernant les dommages aux habitations.
Enfin les vignobles bordelais et du sud Charente ont été durement touchés par cet épisode. Plus de 1.000 hectares de vignes sont concernés rien que dans le bordelais, certaines parcelles étant touchées à 100 %.
Rapports de chasse
De nombreux chasseurs d'orages étaient sur le terrain lors de cette dégradation de grande ampleur. Retrouvez ci-dessous leurs rapports de chasse avec récits et/ou clichés et vidéos :
Eric TARRIT |
Yannick LYON |
Julien AVALET |
Damien BELLIARD |
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8 au 11 juin 2014 |
8, 9 et 11 juin 2014 |
8 et 9 juin 2014 - Aisne / Marne |
9 juin 2014 |
Nicolas GASCARD |
Xavier DELORME |
Thibault CORMIER |
Daniel GAUVIN |
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10 juin 2014 / Saône-et-Loire |
8 juin 2014 / Eure-et-Loir |
9 juin 2014 / Eure |
10 juin 2014 / Allier-Puy de Dôme |
Nils PIGERRE |
Laëtitia GIBAUD |
Thibault CORMIER |
Daniel GAUVIN
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8 juin 2014 / Aisne |
9 juin 2014 / Marne |
8 juin 2014 / Eure-et-Loir |
9 juin 2014 / Loir-et-Cher |
E. WESOLEK - P. MAHIEU |
X. DELORME |
Y. MOREY
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Philippe TALLEU
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8 juin 2014 / Aisne |
9 juin 2014 / Eure-et-Loir |
9 juin 2014 / Loiret |
8 et 9 juin 2014 - Nord PDC
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Informations complémentaires
Les suivis réalisés durant cet épisode orageux intense sont consultables en suivant ces liens :