Observatoire français des tornades et orages violents

La tornade d'Echenon du 11 mai 1937 se produit vers 17h30 locales, pendant un orage de grêle qui semble prendre une teinte inhabituelle aux yeux des habitants : "D'aucuns même [...] affirment avoir vu, en une sarabande infernale, des boules de feu traverser l’espace en tous sens" [La Bourgogne Républicaine] ; "immense embrasement de l’atmosphère, de courte durée, semblable à la lueur sinistre d'un vaste incendie." [Le Progrès de la Côte-d'Or]. Le phénomène produit des dommages significatifs dans le lieu-dit "Les Cras" où de gros peupliers, noyers et autres arbres fruitiers sont déracinés ou brisés, et des pans de toitures d'habitations arrachées. On observe également que le mur pignon d'un solide hangar est déplacé de quelques centimètres par la force du vent. Plus remarquable, des poteaux électriques en ciment sont pliés ou brisés au ras du sol, preuve d'un phénomène d'une intensité significative et a minima EF2 sur l'échelle de Fujita améliorée. Partout, les débris jonchent les rues qui semblent avoir été victimes d'un bombardement, et les habitants tentent de sauver ce qui peut encore l'être.

La tornade, sans être vue de façon distincte, est identifiée grâce à une analyse au sol de l'organisation des dommages, au lendemain de l'événement : la presse dépêchée sur place constate en effet que le vent "soufflait en rond" et dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, ce qui semble correspondre à un sens de rotation cyclonique. Pour exemple, les enquêteurs citent les sens de chute des poteaux électriques en ciment, dont deux tombaient à gauche, puis deux autres à droite. D'autres riverains sinistrés déclarent également que "les toits de tuiles étaient enlevés et tourbillonnaient comme des fétus de paille". 

La trajectoire de la tornade, tout comme sa largeur, restent pour leur part indéterminées. Il est fait mention de dommages à Maison-Dieu (Losne) et à Saint-Jean-de-Losne, mais le lien avec la tornade d'Echenon ne peut pas être établi avec certitude (même si la disposition des trois communes semble cohérente avec le flux atmosphérique). La largeur du phénomène (1 km de diamètre dans une source, plusieurs bandes de 50 mètres dans une autre), semble dans tous les cas correspondre à une tornade aux dimensions significatives, avec un comportement en multi-vortex tout à fait envisageable.

La situation météorologique du 11 mai 1937 a pu être reconstituée à partir des données du programme de réanalyses ERA-20C du Centre Européen de Prévision (résolution 125 km)  et du programme "20th Century Reanalysis" mené par la NOAA, l'ESRL et le PSD (résolution 100 km). Les données fournies par ces programmes permettent de reconstruire par modèle les conditions météorologiques à tous les niveaux de l'atmosphère à partir d'un nombre restreint de données d'observations. Les résultats sont certes à considérer avec une certaine prudence compte tenu des périodes reculées auxquelles ils s'appliquent, mais ils présentent un degré de fiabilité élevé qui permet une reconstruction pertinente de la plupart des épisodes météorologiques majeurs des 150 dernières années.

En complément, afin d'analyser plus en détail le contexte de méso-échelle, le modèle WRF-ARW 3 km a été déployé en version « reforecast » et initialisé sur NCEP-20CR avec les conditions du 11.05.1937 00Z.

Il ressort de ces analyses que la journée du 11 mai 1937 est marquée sur la France par un rapide flux de sud/sud-ouest piloté par un minimum d'altitude bien creux, calé au sud-ouest de la Bretagne. Celui-ci est associé à une branche de jet, qui s'étire alors de l'Andalousie jusqu'au Massif Central, positionnant la Bourgogne dans une sortie de jet modérément diffluente (voir ci-dessous à gauche l'analyse à 250 hPa, soit vers 10.000 mètres d'altitude). Une goutte froide est présente conjointement sur la Bretagne (-25°C à 500 hPa) et injecte progressivement de l'air froid à l'étage moyen jusque sur le centre du pays (voir ci-dessous à droite).

L'ensemble surplombe une masse d'air d'origine tropicale en basses couches, caractérisée par des thêta'w de 13 à 15°C à 850 hPa des régions méditerranéennes à la Bourgogne et au Benelux (ci-dessous à gauche). Un front froid s'enfonce par l'ouest et atteint les régions centrales en cours d'après-midi. Le déclenchement des orages se produit à l'avant immédiat de la limite frontale, et sur le front froid lui-même, au sein de profils verticaux fortement instables de la Côte-d'Or à la Lorraine. Les valeurs de MUCAPE avoisinent souvent 1500 J/kg sur ces régions, avec des MULI qui s'abaissent localement jusqu'à -5 K (ci-dessous à droite).

Les forts cisaillements présents dans cette situation induisent un potentiel de supercellules non négligeable sur le Roussillon d'une part, et en Bourgogne d'autre part. Le Supercell Composite Parameter présente des valeurs supérieures à 2 sur ces régions (ci-dessous à gauche). Le reforecast suggère une forte activité orageuse en cours d'après-midi de la région toulousaine et du Limousin jusqu'à la Bourgogne et à la Normandie, avec des intensités parfois sévères aux abords de la Côte-d'Or justement.

L'ensemble dessine un scénario de "spanish plume" typique, qui est connu pour être propice aux orages violents en France.