Les orages en France en 2015 : bilan national
A l'opposé de 2014, l'année 2015 s'est révélée globalement peu orageuse sur la France, autant au niveau de la fréquence des orages que de leur intensité. Bilan complet.
Arcus dans l'Ain le 6 octobre 2015 - Mathieu Descombes
204 jours avec orage en France en 2015, la plus faible valeur annuelle depuis 2009
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Comme en 2014, aucun département n'atteint la barre des 100 jours avec orage sur l'ensemble de l'année. C'est près de la Méditerranée que l'activité orageuse a été la plus fréquente en 2015. Ainsi, 84 jours d'orage sont comptabilisés dans les Alpes-Maritimes (-9 jours par rapport à 2014), 72 jours en Haute-Corse (-4 jours par rapport à 2014), 67 jours dans les Alpes-de-Haute-Provence (-9 jours par rapport à 2014). Les déficits les plus marqués se retrouvent dans le sud-ouest et le centre-est, jusqu'au Jura. On comptabilise en effet 30 jours d'orage en moins par rapport à la moyenne 2009-2014 sur les Pyrénées-Atlantiques, 28 jours en moins sur Yonne et Dordogne, 27 jours sur la Gironde, 26 sur l'Isère et 20 à 25 jours sur la diagonale Landes-Lyonnais.
Au niveau communal (cf. carte présentée ci-contre), une dizaine de communes des Alpes-Maritimes et des Alpes-de-Haute-Provence ont enregistré plus de 30 jours d'orage au cours de l'année (jusqu'à 38 jours à Tende dans le Mercantour). A contrario, un peu plus de 1.500 communes françaises n'ont enregistré aucun éclair cette année (la plupart sur le bassin parisien mais aussi localement près des Pyrénées, en Bourgogne et dans le nord-est).
De manière conforme à la climatologie, ce sont les départements du nord-ouest de la France qui comptent le plus faible nombre de jours avec orage en 2015. Hormis Paris, la petite couronne et le Territoire de Belfort, dont le chiffre est à considérer en regard de leur très faible superficie, c'est le département du Finistère qui ressort avec le nombre de jours avec orage le plus faible (19 jours, soit 20 de moins qu'en 2014).
Nombre de jours d'orage en France en 2015 et écarts à la moyenne 2009-2014
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53 jours avec orages forts, une valeur en très net repli par rapport à 2014
La France a connu cette année quelques épisodes orageux significatifs. Ponctuellement isolés mais souvent greffés à de puissantes dégradations, des orages forts ou violents ont ainsi été relevés à quelques reprises.
Sur l'année, la France comptabilise 53 jours avec orage fort (soit 44 jours de moins qu'en 2014), 19 jours avec orage violent (presque deux fois moins qu'en 2014) et 3 jours avec orage extrême.
Les 3 cartes de gauche ci-dessous présentent la répartition géographique de ces occurrences.
La carte de droite montre quant à elle la proportion du nombre de jours avec orage au moins fort par rapport au nombre total de jours avec orage. Il ressort ainsi que le nord-est du pays, ainsi que le sud-ouest du Massif-Central ont subi des proportions d'orages virulents significatives. Le rapport y dépasse les 20% et atteint jusqu'à 25% en Haute-Saône.
Cartes du nombre de jours avec orage fort, violent, extrême et proportion du nombre de jours avec orage au moins fort
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On notera en revanche que la proportion de jours avec orage violent atteint 9,3 %, soit une valeur en baisse de 3 points par rapport à l'année dernière.
Des orages globalement moins sévères que ces dernières années
L'analyse de l'indicateur de sévérité orageuse (I.S.O) montre clairement que plusieurs vagues orageuses intenses ont concerné la France durant cette année. Au niveau national, l'I.S.O moyen ressort à 2,23, soit une valeur en nette baisse par rapport aux années précédentes et légèrement inférieure à la moyenne 2009-2014 qui s'établit à 2,33. Il faut remonter à 2011 pour trouver une valeur similaire.
Graphes des ISO annuels (à gauche) et des ISO quotidiens en 2015 (à droite)
Peu de chutes de grêle violentes et des phénomènes venteux moins nombreux qu'en 2014
Le nombre de phénomènes convectifs forts recensés en 2015 accuse une baisse sensible par rapport à 2014. Ainsi, seules 12 tornades ont été recensées en 2015, contre 50 en 2014. On relève par ailleurs près de 450 rafales convectives > 90 km/h (-25% par raport à 2014), environ 900 chutes de grêle > 2 cm (-35%), plus de 1200 lames d'eau significatives sous orages (niveau équivalent à celui de 2014) et près de 200 dégâts dus à la foudre (en légère hausse par rapport à 2014).
Les cartes ci-dessous présentent la répartition géographique de chaque phénomène observé. Les tornades sont traitées dans un bilan dédié. Elles ne figurent donc pas dans le présent bilan.
On note une prédominance forte de l'axe sud-ouest / nord-est en 2015 pour ce qui concerne les chutes de grêle et les événements venteux. Les régions de l'ouest et du sud-est ont été largement épargnés par ce type de phénomènes cette année. La répartition spatiale des événements pluvieux intenses est plus homogène, avec une forte représentation des régions méditerranéennes, autant à proximité des Cévennes qu'en Corse.
Cartes des chutes de grêle > 2 cm, des rafales convectives > 90 km/h, des lames d'eau significatives sous orages et des dégâts dus à la foudre relevés en 2015.
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Une instabilité en moyenne proche de la normale, mais très déficitaire près de la Manche
L'année 2015 se distingue au premier titre par une anomalie chaude remarquable, et ce à tous les niveaux de la troposphère. On constate ainsi sur les deux cartes ci-dessous que la majeure partie de l'Europe a connu des températures anormalement élevées aussi bien en basse couche (850 hPa) qu'à l'étage moyen (500 hPa). Sur la France, l'anomalie à 850 hPa (vers 1.500 m d'altitude) atteint +1,5°C. Il s'agit de l'année la plus chaude depuis au moins 70 ans vers 1.500 m d'altitude.
Plus haut en altitude, vers 5500 m, l'anomalie de température est très positive également. L'anomalie y atteint +1,5°C également, soit une valeur record pour la France depuis l'après-guerre.
Plus haut en altitude, vers 5500 m, l'anomalie de température est très positive également. L'anomalie y atteint +1,5°C également, soit une valeur record pour la France depuis l'après-guerre.
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Si l'on considère toute l'épaisseur de la troposphère en analysant les anomalies de MUCAPE (énergie convective potentielle disponible - carte ci-dessous à droite), il ressort une faible anomalie positive en moyenne sur la France. Au niveau national, l'anomalie avoisine +5% et fait de 2015 l'année la moins instable en France depuis 2010 (voir graphique ci-contre).
A l'échelle régionale, les disparités sont fortes, avec un déficit d'instabilité très marqué de la Bretagne au Nord - Pas de Calais, et à l'inverse un excédent modéré du Massif Central jusqu'aux Alpes et au Jura. On voit là la résultante des très fortes anomalies chaudes de basses couches sur ces massifs durant l'été et l'automne notamment.
Lorsque l'on considère l'évolution quotidienne de l'instabilité en France, on note de longues périodes déficitaires (voir graphique ci-dessous), notamment en mars, novembre et décembre, ainsi qu'en pleine saison (tout le mois de mai, la deuxième quinzaine de juin, mi- et fin juillet, mi-août) :
En étudiant les paramètres dynamiques, on remarque que si l'instabilité s'est avérée proche de la normale en moyenne annuelle, celle-ci a été associée à un très faible dynamisme synoptique. Ainsi, la pression moyenne réduite au niveau de la mer (carte ci-dessous à gauche) ressort clairement excédentaire faisant de 2015 une année nettement plus anticyclonique que la normale.
En altitude, le courant-jet a pour sa part connu une position sensiblement plus au nord que la normale, avec une anomalie positive de Terre-Neuve aux îles Britanniques(carte ci-dessous à droite). Ceci est la conséquence de hautes pressions en altitude positionnées de manière récurrente sur la France notamment. La principale conséquence de ces configurations est un déficit de systèmes perturbés actifs et dynamiques sur notre pays, générant un déficit d'activité orageuse malgré une instabilité latente poche de la norme.
Faits marquants de l'année 2015
30 octobre : orage diluvien sur la Côte-d'Azur
Une violente dégradation orageuse concerne la Côte-d'Azur en soirée du 3 octobre, causant des précipitations diluviennes et la mort de 20 personnes. Une lame d'eau exceptionnelle de 175 mm en 2h est relevée à Cannes (l'équivalent d'environ 2 mois de précipitations). 80 à 120 mm sont relevés entre Antibes et Nice. Des inondations catastrophiques sont observées en agglomération.
16 septembre : série de macrorafales dans le nord-est
De puissantes macrorafales frappent plusieurs départements de Bourgogne, Champagne et Lorraine le 16 septembre entre 14h30 et 17h30 locales. Cet épisode orageux avec rafales descendantes en série répond aux critères du derecho.
Les plus fortes rafales de vent sont estimées entre 150 et 180 km/h, ponctuellement davantage en Meuse. De nombreux arbres (parfois des parcelles entières) sont abattus ou brisés net, des pylones métalliques couchés, des toitures partiellement ou totalement arrachées. Une personne de 92 ans décède suite à la chute d'une toiture de grange à Thieffrain dans l'Aube, et cinq personnes sont blessées dans la Meuse, dont une grièvement.
16 septembre : une tornade spectaculaire entre Charente-Maritime et Charente
Le mercredi 16 septembre, entre 16h15 et 17h05 locales, une tornade d’intensité modérée (EF2) frappe 25 communes de la Saintonge et de l’Angoumois. En Charente-Maritime, les dégâts les plus spectaculaires sont observés entre Migron et Sonnac, où le hameau du Liboreau apparaît le plus sinistré.
Le phénomène, qui a été vu et filmé par un grand nombre de témoins, a parcouru une trajectoire extraordinaire de 70,5 kilomètres, ce qui constitue à ce jour la deuxième plus longue distance parcourue par une tornade en France, après la tornade EF4 de Saint-Claude (Jura) du 19 août 1890.
Le phénomène, qui a été vu et filmé par un grand nombre de témoins, a parcouru une trajectoire extraordinaire de 70,5 kilomètres, ce qui constitue à ce jour la deuxième plus longue distance parcourue par une tornade en France, après la tornade EF4 de Saint-Claude (Jura) du 19 août 1890.
31 août : complexe convectif de méso-échelle et violentes rafales de vent dans le sud-ouest
Une violente dégradation orageuse balaie le sud-ouest de la France dans l'après-midi et en soirée du 31 août. Les orages produisent des chutes de grêle jusqu'à 4 cm de diamètre, des rafales de vent de 120 km/h à 150 km/h sous les cellules les plus actives, ainsi que des pluies intenses avec cumuls horaires de 50 à 60 mm. Certaines cultures sont très sévèrement endommagées, une multitude d'arbres finissent déracinés ou brisés net ; trois clochers d'églises sont détruits en partie ou entièrement.
13 août : orages très venteux dans le nord du pays
Un système convectif quasi-linéaire (QLCS) balaie le nord de la Picardie puis la majeure partie du Nord - Pas de Calais en fin d'après-midi du 13 août. De très fortes rafales de vent, parfois sous forme de microrafales, sont observées en de nombreux endroits, avec des pointes localement proches de 150 km/h. Plus d'une vingtaine d'événements venteux de forte intensité sont recensés pour cette seule journée.
18 juillet : macrorafale entre Haute-Loire et Loire
Une macrorafale a touché une dizaine de communes de Haute-Loire et de la région stéphanoise (Loire) le 18 juillet 2015 vers 16h00 locales. Le phénomène, associé à une cellule orageuse virulente, a provoqué des dommages localement importants.
La macrorafale s'est déployée sur un front large de 3 km, et sur un couloir long d'environ 20 km. Les rafales maximales ont été estimées proches de 150 km/h.
13 mai : tornade dans les Vosges
Le 13 mai 2015, à 19h55 locales, une tornade supercellulaire à multivortex d'intensité modérée (EF2) traverse les Hautes Vosges, entre la vallée des Granges et la vallée de la Meurthe (département des Vosges). Le phénomène, qui a pu être filmé, s'est déclenché au passage d'une cellule orageuse virulente qui a poursuivi sa route en plaine d'Alsace et outre-Rhin.
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