Deux tornades frappent la Normandie (Orne et Eure)
Des dommages dus au vent ont été observés ce dimanche après-midi dans l'Orne, sur la commune de Neuilly-sur-Eure. Une enquête de terrain a permis de confirmer la survenue d'une tornade d'intensité EF1.
Une autre tornade EF0 a été observée dans les secteurs de Quittebeuf et de Canappeville dans l'Eure :
Cliché de Fabien BRUMARD
Si, vous aussi, vous avez été témoin de ce phénomène, n'hésitez pas à nous contacter.
Analyse des conditions météorologiques
Les 6 tornades du 20 octobre 2013 se sont formées dans un contexte à la fois instable et très dynamique, au sein d'un ciel de traîne active.
On note la présence sur la nord de la France d'un très rapide flux zone en haute altitude, lié au positionnement du courant-jet le long d'un axe étiré du sud de l'Irlande et de la Bretagne jusqu'à la Pologne et à la Russie. En fin d'après-midi et début de soirée, le nord de la France est positionné dans une configuration de sortie gauche fortement divergente d'un jet-streak en cours de transit sur la Manche. Ceci est lié à la circulation d'un thalweg de haute altitude de courte longueur d'onde mais très dynamique, associé à une anomalie basse de la tropopause dynamique.
Ce fort dynamisme atmosphérique s'applique sur des profils verticaux qui sont rendus instables par de fortes advections froides en altitude (jusqu'à -21°C à 500 hPa), qui balaient alors la Manche et le nord de la France, en surplomb d'une circulation d'air doux et humide qui se maintient dans les basses couches (thêta'w de 12 à 13°C à 850 hPa, soit vers 1.500 mètres d'altitude).
De fait, les valeurs de MUCAPE dépassent fréquemment 500 J/kg sur le nord du pays, avec des indices de soulèvement (MULI) de -1 à -2 K. On note en outre la circulation d'un jet de basses couches sur le nord du pays. Ce dernier a contribué à accentuer l'hélicité relative jusqu'à un niveau critique en très basses couches.
Cette instabilité marquée et ces forts cisaillements, particulièrement propices à la formation de tornades, sont confirmés par le radiosondage effectué à Trappes à 14h locales. Ce radiosondage est le plus proche, géographiquement et temporellement, des formations de tornades observées ce 20 octobre.
L'analyse de celui-ci permet d'établir les valeurs suivantes :
* MUCAPE de 619 J/kg
* MULI de -2 K
* LCL bien abaissés à 140 mètres
* EL à 10.324 mètres, soit à l'altitude de la tropopause
* cisaillements 0-6 km de 30 m/s
* SRH 0-1 km de 162 m²/s²
* SRH 0-3 km de 230 m²/s²
Analyse des cellules orageuses
Les images des satellites défilants et géostationnaires montrent explicitement que les orages qui ont donné naissance aux multiples tornades de ce 20 octobre ont circulé au sein d'une limite secondaire active. Celle-ci se présente dès le matin par la Bretagne puis gagne sensiblement en activité en seconde partie d'après-midi, lors de sa progression sur la Normandie, l'Ile-de-France, la Picardie puis le Nord - Pas de Calais.
Le canal visible montre notamment la présence d'une multitude de sommets convectifs profonds au sein de cet axe secondaire, sous la forme de bouillonnements nuageux proéminents :
Les images réalisées dans le canal infrarouge, une fois colorisées, permettent de mettre en évidence la température des sommets nuageux. On note des sous-structures relativement anarchiques au sein de cet axe secondaire, avec des zones plus actives, identifiées par des sommets nuageux inférieurs à -55°C.
Ces éléments sont confirmés par les images radars, qui montrent de nombreuses cellules orageuses de petite dimension, incluses au sein d'un vaste cordon pluvieux à composante convective, ou le précédant de quelques dizaines de kilomètres. Ce système à dominante linéaire tend à s'enrouler sur lui-même en soirée, entre le nord de la Picardie et le Nord - Pas de Calais, donnant naissance à une variante originale de LEWP, à la fois morcelée et anarchique. Le coeur de ce dernier est associé à un thalweg de surface (minimum de 1008,2 hPa mesuré à Lille à 19h11 loclaes), au sein duquel évoluent des cellules dont les trajectoires dévient fortement du flux moyen.
Les très forts cisaillements générés par cette organisation ont donné naissance à au moins deux supercellules de type LT :
* l'une s'est formée au large d'Abbeville, avant de parcourir le Pas-de-Calais puis le Nord ; les tornades d'Azincourt (Pas-de-Calais) et de Bailleul (Nord), lui sont imputables.
* la seconde s'est formée dans le Val-d'Oise, avant de parcourir l'Oise puis l'Aisne ; la tornade de Landouzy-la-Cour (Aisne) a été produite par cette supercellule juste avant sa dissipation.
D'autres probables supercellules de même type sont par ailleurs répertoriées le même jour, mais en liste secondaire.