Observatoire français des tornades et orages violents

Le début de journée du mercredi 31 juillet est marqué par le transit d’un système convectif de mésoéchelle (MCS) entre Ile-de-France, nord de la Bourgogne et Lorraine. Très actifs, ces orages matinaux ont produit de la grêle localisée et surtout de fortes rafales de vent, qui ont été mesurées à plusieurs reprises entre 90 et 100 km/h entre le nord de la Bourgogne et le sud de la Lorraine. Des dommages constatés sur plusieurs communes témoignent toutefois de rafales qui ont atteint des vitesses supérieures localement, et qui ont pu avoisiner 120 km/h. Une chute d'arbre sur la ligne TGV sud-est a d'ailleurs interrompu le trafic en matinée.

La photo ci-dessous, prise depuis Vertusey (Meuse) par Kevin Leclercq (@EatMyStorm), témoigne de la structure très dessinée du bord d’attaque de ce MCS :

Après une accalmie en milieu de journée, c’est vers 15h que l’activité orageuse reprend plus fortement en Haute-Normandie. Issu d’un noyau convectif formé sur l’Eure, un vaste système orageux s’étire progressivement sur l’ensemble de la Normandie, pour ne se dissiper réellement qu’en début de nuit. Durant cette période, il produit une forte activité électrique et surtout des pluies très abondantes, productrices de lames d’eau parfois supérieures à 50 mm, en raison d’une faible mobilité des cellules orageuses. Un cumul de 70,2 mm est relevé à Saint-Hilaire-du-Harcouet (Manche). Quelques rafales de vent fortes voire violentes sont également observées, avec une pointe à 124 km/h mesurée à Argentan, dans l’Orne.

Les lames d'eau radar témoignent de lames d'eau parfois voisines de 100 mm dans les secteurs les plus touchés :

Dans le même temps, d’autres systèmes orageux se sont formés ailleurs en France et ont présenté une activité parfois forte en Bretagne, sur le Poitou, en Auvergne et en Bourgogne, avec fortes pluies et grêle. Mais deux systèmes se sont distingués par ailleurs : un orage en V extrêmement pluvieux sur le sud des Vosges, et un complexe orageux stationnaire et très pluvieux sur le Nord – Pas de Calais.

Une première cellule orageuse est identifiée vers 16h30 sur l’est du département des Vosges. Elle éjecte rapidement des cellules périphériques en direction du Haut-Rhin, mais elle présente peu à peu un comportement rétrograde et la colonne d’alimentation calée à l’ouest du système se stabilise à partir de 17h30. Elle débute alors une réalimentation permanente sur le flanc sud-ouest des Vosges, qui persistera pour l’essentiel entre 18h et 22h. Durant cette période, des pluies intenses se déversent sur une zone géographique relativement limitée, à l’origine de forts ruissellements et inondations.

107 mm de pluie sont relevés en 2h à Munster, dont 81 mm en 1h, soit le nouveau record absolu de précipitations en 24h pour cette station. L'ancien record (84,9 mm) remontait au 13 janvier 2004.

L’analyse des images satellites permet de mettre en évidence une structure d’orage en V sur le système orageux de droite, à l'origine de ces pluies diluviennes : 

Sur le nord du pays, c’est à 22h45 qu’une cellule orageuse se forme au sud de Lille, de manière explosive. Animée par une activité électrique remarquable, elle déclenche en quelques minutes des pluies intenses, et adopte également un comportement rétrograde qui la fait stationner et produire des lames d’eau qui dépassent 70 mm en peu de temps, notamment entre Mons-en-Pévèle et la Neuville.

Ce premier système fusionne ensuite progressivement en cours de nuit avec un MCS (Mesoscale Convective System) initié à l’ouest du Pas-de-Calais. L’ensemble s’enroule alors sur lui-même durant plusieurs heures sur le Nord – Pas de Calais, au sein d’une convergence des vents en basses couches. Ce MCS finit par présenter une rotation cyclonique très nette et évolue ainsi en MCV (Mesoscale Convective Vortex). Celui-ci a conduit les orages à se réalimenter en permanence au même endroit, au sein d’une masse d’air tropicale qui restait instable et particulièrement riche en eau précipitable (> 50 mm). Ce sont ainsi plusieurs heures d'orage qui ont concerné la région, avec par exemple près de 8 heures de tonnerre et d'éclairs en continu en région lilloise.

Au total, les lames d'eau sont remarquables pour le Nord - Pas de Calais en raison principalement de la superficie concernée par des cumuls supérieurs à 40 mm en quelques heures : localement, les totaux en 9 heures dépassent 100 mm, autant dans le Nord (environs de Mons-en-Pévèle) que dans le Pas-de-Calais (environs d'Aire-sur-la-Lys). Le record absolu de pluie en 24h de la station de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), ouverte en 1947, ne résiste qu'à 0,8 mm près (66,8 mm enregistrés cette nuit). On relève par ailleurs 60,0 mm à Seclin (région de Lille) ou encore 54,4 mm à Nielles-lès-Bléquin (Pas-de-Calais).

De nombreuses inondations ont été constatées sur le Nord et le Pas-de-Calais. La Marque par exemple a connu une crue éclair, avec une hausse soudaine de plus de 2 mètres, ce qui est remarquable dans ce type de configuration. Un troupeau de 150 moutons est d'ailleurs mort noyé à Tourmignies, à 10 km au sud de Lille.