Observatoire français des tornades et orages violents

Les tornades de Montigny-Montfort et de Touillon du 20 juin 2024 se développent au sein d'une structure convective d’une durée de vie remarquable (plus de 12 heures, dont 5 heures avec des caractéristiques supercellulaires).

Peu avant 9h15 TU (11h15 locales), une première cellule convective prend naissance au nord de Manzat (Puy-de-Dôme). Marquée par un développement explosif, la cellule devient orageuse moins d'un quart-d'heure plus tard, puis engage une première transition supercellulaire à 10h30 TU (12h30 locales) dans le secteur de Bellenaves (Allier). Mais cette transition est temporairement inhibée par d'autres amas convectifs qui se développent à l'avant, vers 12h TU (14h locales). Après avoir traversé l'est de l'agglomération de Moulins, le système évolue vers le NNE et semble conserver un noyau plus actif en périphérie sud. Ce noyau, qui se déstructure presque totalement dans les environs de Fours (Nièvre, 13h15 TU) se réactive fortement dès 13h40 TU. La transition supercellulaire s'opère pour de bon au nord de Blismes (Nièvre) vers 14h15 TU (16h15 locales), avec une trajectoire qui dévie d'environ 20° vers l'est par rapport au flux directeur.

La supercellule désormais à maturité – mais non orageuse – traverse successivement le nord de Brassy (Nièvre, 14h40 TU), puis Quarré-les-Tombes (Yonne, 14h55 TU) enfin Rouvray (Côte-d'Or, 15h15 TU) où elle est interceptée par plusieurs chasseurs. Peu après 15h55 TU (17h55 locales), un premier contact au sol est détecté entre Villaines-les-Prévôtes et Montigny-Montfort (tornade EF0), sur une trajectoire certaine de 4 kilomètres.

Après une phase temporaire d'affaiblissement, la supercellule regagne en intensité dans la forêt de Fain (16h20 TU), où un léger dipôle de vitesses radiales est identifiable au radar Doppler. Alors que la trajectoire de la supercellule s'infléchit vers le NNE, une seconde tornade EF0 est observée quelques minutes plus tard entre Touillon (16h25 TU, 18h25 locales) et Puits (16h40 TU, 18h40 locales) sur un parcours estimé à 10 kilomètres. La rotation reste suffisante pour générer un tuba (16h48 TU) dans le secteur de Chamesson, tandis que la base nuageuse conserve une composante rotative au moins jusqu'à Ampilly-le-Sec, avec une influence au sol qui ne semble toutefois pas suffisante pour qualifier le phénomène comme une tornade proprement dite. 

A 17h45 TU, la supercellule entre en Haute-Marne où la rotation s'accélère en forêt domaniale des Dhuits (18h30 TU, 20h30 locales), tandis que les réflectivités restent importantes jusqu'au sud-ouest de Joinville (19h20 TU). Après 19h30 TU, la structure convective perd progressivement ses caractéristiques supercellulaires, même si un noyau convectif persiste selon une trajectoire Sud > Nord (180°). Après être entrée dans le département de la Meuse (19h50 TU, 21h50 locales), la cellule frôle l’agglomération de Bar-le-Duc par l'est (20h30 TU), puis se dissipe définitivement au sud-est de Verdun à 21h50 TU.

La première tornade, identifiée entre Villaines-les-Prévôtes et Montigny-Montfort, parcourt une trajectoire d'environ 4 kilomètres. D'une intensité EF0, elle provoque des dommages sur la végétation.

Cliquez ici pour consulter le dossier consacré à cet événément.

Après un parcours de plus de 9 kilomètres sans mention de dégâts depuis la fin de la première tornade, la supercellule produit une seconde tornade entre Touillon et Puits, sur une trajectoire d'environ 10 kilomètres. D'une intensité EF0, elle provoque des dommages sur de la végétation et quelques bâtiments. La chronologie de l'événement est résumée ci-après.

A 16h14 TU, la supercellule achève de traverser la vallée de la Brenne à hauteur de Nogent-lès-Montbard et de Fains-lès-Montbard. Une nouvelle vidéo de la cellule, prise depuis le nord de Lucenay-le-Duc cette fois (7 à 8 kilomètres à l'ENE), permet d'avoir un aperçu complet de la base nuageuse qui ne présente aucun abaissement susceptible de provoquer un contact au sol certain - du moins à cette distance. La séquence met toutefois en évidence une intensification du rideau de précipitations à mesure que la supercellule gagne les parcelles forestières situées au sud de Touillon. 

En prenant la direction de Touillon (16h20-16h25 TU), et après un parcours de 9 kilomètres sans dommages identifiés, la supercellule produit de nouveau des dégâts tornadiques, documentés à la fois par Dean Gill (bois Buffon), mais aussi par la presse locale. Au hameau des Malmaisons, des arbres sont déracinés, quelques toitures endommagées et des petites constructions soufflées (rue de la Maladière, chemin des Vignes, route de Lucenay, route d'Emorot). La nature du phénomène est confirmée par l'organisation des dommages qui mettent en évidence un axe de convergence au sein d'un couloir d'une largeur significative (200 mètres en tenant compte de nombreux dégâts périphériques sur le flanc sud-est de la tornade, avec des projections de branches selon une orientation S -> N à SSO -> NNE). Les traces du passage de la tornade sont également perceptibles dans des parcelles de blé, où environ 25 hectares sont endommagés avant les bois de Touillon (16h30 TU). 

Aperçu des principaux dommages à Touillon :

En traversant les bois d'Etais et de Puits, la tornade est de nouveau interceptée depuis l'extrême sud de Coulmier-le-Sec, à environ 2,5 kilomètres à l'Est. Les différentes vidéos (16h36-16h40 TU) attestent d'une rotation durable sous le mésocyclone, avec une tornade qui présente les caractéristiques d'un vaste tourbillon peu structuré, mais dont l'influence au sol ne fait aucun doute :  

Nous tenons à remercier Gabriel Brelay, CØDY et Dean Gill pour leur contribution sur ce cas de tornade.

Au-delà des bois de Puits, le tourbillon ne semble plus exercer d'influence notable au niveau du sol. De nouvelles illustrations du phénomène dans le secteur de Coulmier-le-Sec (16h44 et 16h45 TU) montrent en effet un tuba en cours de rétractation, alors que la trajectoire de la supercellule continue de s'infléchir vers le NNE. Quelques minutes plus tard (16h49 - 16h50 TU), ce même tuba connaît une dernière et brève phase d'intensification dans le secteur de Chamesson :

La base nuageuse est interceptée une dernière fois par Dean Gill au sud d'Ampilly-le-Sec peu avant 17h TU. Sous la base nuageuse en rotation, un soulèvement de poussière persiste pendant une bonne minute à l'est de la D980. Cette influence au niveau du sol ne semble toutefois pas suffisante pour qualifier le phénomène comme une tornade proprement dite :  

La tornade de Touillon s'est développée au sein d'un rapide flux de secteur SSO, piloté par un minimum d'altitude positionné sur le nord de l'Espagne, et étiré jusqu'à la Bretagne. Associé à une goutte froide (-18°C à 500 hPa, ci-dessous à droite), le cut-off a positionné une branche de jet sur un axe Espagne - France - Allemagne, avec des vents moyens compris proches de 150 km/h à 250 hPa, soit vers 10.000 mètres d'altitude (ci-dessous à gauche). On retrouve ici les éléments qui caractérisent une configuration dite de "spanish plume".

Au sol, un marais barométrique est en place sur la France, avec une tendance dépressionnaire progressivement plus marquée aux abords de la Bourgogne (ci-dessous à gauche). En journée, une limite frontale ondulante qui évoluait sur le sud-ouest de la France la veille prend le 20 juin un caractère de front froid tout en progressant vers le Massif Central puis la Bourgogne ; dans le même temps, un front chaud est expulsé vers le nord en direction du Benelux. Les forçages associés interviennent sur un secteur chaud riche en air chaud et humide d'origine tropicale (ci-dessous à droite).

Un reforecast a été réalisé avec le modèle WRF-ARW en résolution 3 km, initialisé sur les conditions ERA5. Il en ressort une forte instabilité latente sur la majeure partie de la France, avec une MUCAPE parfois supérieure à 2000 J/kg et un MULI inférieur à -5 K, notamment sur le nord-ouest de la Côte-d'Or (ci-dessous à gauche). A la faveur de cisaillements profonds marqués, le potentiel supercellulaire est localement modéré, notamment dans le secteur chaud (ci-dessous à droite).

Plusieurs noyaux de forte hélicité relative en basses couches (SRH 0-1 km > 150 m²/s²) sont présents au gré des discontinuités de vent consécutives aux effets de relief locaux ou à proximité des limites frontales (ci-dessous à gauche). Conséquemment, le potentiel de tornade est localement significatif du Roussillon jusqu'au nord du pays, en passant par la Bourgogne et par la Côte-d'Or en particulier (ci-dessous à droite).

L'ensemble témoigne d'un potentiel modéré de développement supercellulaire en Bourgogne ce jour-là, avec potentiel localisé pour une ou plusieurs évolutions tornadiques.