Observatoire français des tornades et orages violents

La tornade de Saint-Malo du 20 novembre 2024 se développe à l'arrière d'une petite ligne convective qui connaît une phase d'intensification entre 13h05 et 13h15 TU (14h15 locales) dans l'estuaire de la Rance. Le phénomène, qui a pu être filmé depuis les remparts de la vieille ville, se présente d'abord sous la forme d'une trombe marine à multi-vortex qui se déplace du nord-ouest vers le sud-est. A 14h08 locales, la trombe traverse le feu du môle des Noires, au sommet duquel une station météorologique enregistre une rafale de 116 km/h. Deux personnes présentes sur les lieux semblent être surprises par le tourbillon (il est difficile de dire si elles s'abritent volontairement où si le vent les plaque au sol). L'antenne du phare est également pliée par le vent. Le phénomène s'échoue ensuite à l'ouest du port de plaisance des Sablons, ce qui permet de comptabiliser une tornade d'une intensité EF0 : 

Dans l'axe de la trajectoire du premier tourbillon observé entre le môle des Noires et le port des Sablons, un second tourbillon est observé dans l'anse de Solidor (heure estimée : 14h11 locales). Le témoignage recueilli part Stéven Tual permet de relier ce tourbillon au même phénomène, dans la mesure où il survient durant le seul épisode convectif de l'après-midi du 20 novembre. Tout porte à croire que la tornade a conservé une faible influence au niveau du sol entre le port des Sablons et la Cité d'Aleth, sans dommages perceptibles sur la terre ferme. Une autre vidéo prise par Jules Arnev met d'ailleurs en évidence une rotation de plusieurs minutes, preuve d'un phénomène durable (au moins entre 14h07 et 14h15 locales en cumulant toutes les vidéos disponibles) et dont la vitesse de déplacement est estimée entre 20 et 25 km/h : 

Une enquête de terrain détaillée a pu être menée par Jules Arnev dans le périmètre de la Cité d'Aleth. Bien qu'aucun dégât ne soit identifié au coeur de la cité proprement dite, les investigations mettent en évidence des dommages le long du GR34, à l'extrémité ouest (point rouge sur la carte de trajectoire). Il s'agit principalement de branches fraîchement arrachées ou de petits arbres couchés : 

Bien qu'ils soient situés en périphérie de l'axe présumé de la tornade (150 à 200 mètres à l'ouest), ces dégâts peuvent être la conséquence d'un vortex secondaire, dont l'empreinte au sol aurait été fortement influencée par la nature accidentée du terrain (ce comportement instable est régulièrement observé sur des phénomènes de très faible intensité, à l'instar de la tornade EF0 de Silly-sur-Nied du 7 juin 2012).

Compte tenu de nombreuses incertitudes, la trajectoire parcourue par la tornade de Saint-Malo du 20 novembre 2024 reste indéterminée, d'autant qu'aucune enquête complémentaire n'a pu être menée au-delà de l'anse de Solidor, là où la trombe aurait pu s'échouer et entrer en contact avec la terre ferme pour la seconde fois.

La tornade de Saint-Malo s'est développée au sein d'un flux de NO extrêmement rapide, piloté par un minimum d'altitude positionné en Scandinavie. Le courant-jet associé est virulent, avec des vitesses de vent qui dépassent 300 km/h en journée de la Normandie au Centre (ci-dessous à gauche). Les advections froides à l'étage moyen sont massives : l'air le plus froid concerne le Nord - Pas de Calais (-38°C à 500 hPa), mais les températures s'abaissent également très nettement à cette altitude en Normandie (-30 et -35°C, voir ci-dessous à droite).

En basses couches, c'est une masse d'air articque qui gagne peu à peu la majeure partie du pays (ci-dessous à gauche). Son parcours maritime la rend instable sur les régions côtières, et notamment en Manche où les apports conjoints d'humidité près du sol et d'air froid en altitude génèrent des conditions propices aux développements orageux (ci-dessous à droite). L'essentiel du potentiel convectif s'est concrétisé au sein d'un front secondaire, qui a balayé la zone du nord vers le sud en début d'après-midi en développant plusieurs phénomènes tourbillonnaires.