Observatoire français des tornades et orages violents

La tornade de Losne du 26 septembre 2024 est issue d'une cellule convective qui prend naissance au sein d'un amas pluvieux étendu et d'intensité modérée, en lien avec une limite frontale à caractère de front froid. Cette cellule se développe un peu avant 12h00 TU (14h00 locales), et présente un pic d'activité très bref aux environs de 12h20 TU (heure de la tornade) avant de se déstructurer rapidement en étant absorbée par le système pluvieux environnant. Cette configuration est atypique et rarement documenté pour un cas de tornade.

La rotation associée à la tornade apparaît distinctement sur les images du radar Doppler de Blaisy, sous la forme d'un dipôle rouge/vert qui circule rapidement. Il constitue ici la signature tornadique :

Filmée au moins à deux reprises, la tornade de Losne apparaît brièvement au sein d'un amas nuageux et pluvieux qui ne présente pas de caractéristiques particulières. D'aspect déchiqueté, le tourbillon touche le sol de façon sporadique tout en étant accompagné de débris. Leur parcours au sein du tourbillon permet de définir un sens de rotation cyclonique : 

Une enquête de terrain a pu être réalisée par Yannick Morey pour cette tornade. L'analyse des dommages au niveau du sol atteste de dégâts convergents sur un parcours certain de 1,6 kilomètre et une largeur d'à peine 20 mètres. En aval, des investigations ont pu être menées à l'aide d'un drone, mais sans conclusions probantes.

Les premiers dommages certains sont observés au niveau de l'impasse du Paradis à Losne (quartier Maison Dieu) où des rangées de tuiles (~30% du toit) sont emportées dans une propriété (par suite des fortes pluies qui ont succédé au phénomène, des plafonds se sont écroulés mais sans lien direct avec la tornade). Sans dégâts notables sur un parcours d'environ 400 mètres, la tornade prend la direction de la route de Dole et disloque un abri de jardin en aluminium, avec des éléments emportés à distance. Si la plupart d'entre eux sont stoppés par une clôture (215 mètres de distance), d’autres sont retrouvés le long du parcours de la tornade, jusqu’à 1 kilomètre maximum.

A la sortie de Losne - toujours route de Dole - des dégâts sont observés sur la végétation : un arbre couché, de nombreuses branches arrachées et emportées à faible distance. La toiture d’un abri en bois est arrachée et retombe à 250 mètres. Quelques tuiles sont emportées dans des propriétés, puis un autre cabanon de jardin est touché (bardage de toiture arraché).

Selon un sens de déplacement du Sud-Ouest vers le Nord-Est (220°), la tornade quitte l'agglomération de Losne en prenant la direction du ruisseau de la Raie de Pontreux. Des débris sont dispersés le long de la trajectoire du phénomène : morceaux de bâche, bardages métalliques ou en bois. Au Saule, puis à l'ouest de Pré la Motte (parcelle limitrophe avec la commune de Saint-Symphorien-sur-Saône), deux bois et des haies sont touchés avec plusieurs arbres ébranchés ou sectionnés. Au-delà de ce point, les dégâts convergents cessent et le phénomène semble se dissiper, même si la rotation perdure encore durant quelques minutes.

La tornade de Losne est classée en intensité EF1 (bas de l'échelon) sur l'échelle améliorée de Fujita, en raison des projections à distance observées. 

Photographies des principaux dommages : 

La tornade de Losne s’est formée au sein d’un très rapide flux de sud-ouest, piloté par un vaste thalweg d’altitude qui s’enfonçait alors depuis les îles britanniques vers le nord-ouest de la France. Le courant-jet associé est puissant, avec plus de 260 km/h à 250 hPa des Charentes à la Lorraine (ci-dessous à gauche). Ce fort dynamisme d’altitude n’est pas associé à des advections froides significatives à l’étage moyen en Bourgogne ; celles-ci s’organisent en effet nettement plus à l’ouest et concernent principalement la Bretagne et la Normandie en cours de journée.

Au sol, un complexe dépressionnaire est en position de l’Angleterre à la mer du Nord (ci-dessous à gauche). Il contribue à accélérer le flux de sud-ouest en basses couches sur la France et fait onduler une limite frontale qui s’étire de l’Aquitaine à la Lorraine à la mi-journée. La Côte-d’Or se situe en tout début d’après-midi au niveau d’une ondulation active, bien alimentée en air très doux et humide d’origine tropicale (thêta’w > 15°C, ci-dessous à droite).

Les réflectivités radars montrent bien le passage en milieu de journée, entre Saône-et-Loire, Côte-d’Or et sud des Vosges, d’un système pluvieux actif, à dominante stratiforme. L’animation ci-dessous, issue du radar de Blaisy, témoigne du transit progressif de cette ondulation pluvieuse. 

On note l’apparition, à 13h50 locales, d’un noyau convectif isolé aux confins de la Côte-d'Or et de la Saône-et-Loire. Cette poussée convective de petite dimension se renforce tout en transitant vers le nord-est, pour atteindre son pic d’activité entre 14h15 et 14h20 locales, soit à l'heure de la tornade. Il s’effondre aussitôt après, sans avoir produit d’activité électrique.

L’outil de profilage en temps réel de Keraunos permet de reconstituer les profils verticaux sur l’ensemble de la France toutes les 6 minutes. Les données produites sur le site de la station de Pagny-le-Château, située à 7 km en amont de Losne, sont restituées dans le graphique ci-dessous pour le 26 septembre 2024 entre 13h00 et 15h00 locales. Elles confirment la faible instabilité latente associée à cette situation, avec une CAPE qui avoisine 40 J/kg en début d’après-midi, sans évolution notable durant toute la période étudiée. Les cisaillements présentent à l’inverse une évolution marquée durant la même période, et notamment l’hélicité relative : à partir de 14h00, une forte hausse de la SRH est constatée sur la zone, avec des valeurs sur 0-1 km qui commencent à dépasser les valeurs sur 0-3 km, signe d'une intensification rapide de l'hélicité près du sol. L'hélicité relative atteint alors un pic qui culmine à 14h12 avec une SRH 0-3 km de 160 m²/s² (valeur modérée), et une SRH 0-1 km de 180 m²/s² (valeur forte).

Ceci témoigne du transit sur la zone d’une discontinuité, associée à la cellule convective initiée peu de temps avant. La formation de la tornade est donc, selon toute vraisemblance, liée à une perturbation d’échelle locale, qui s’est rapidement propagée dans le flux, et qui a bénéficié d’une convection temporaire et de très forts cisaillements pour parvenir à générer un bref tourbillon.

Il s’agit ici d’une configuration atypique, rarement observée dans les situations de tornades documentées en France, ce qui explique sans doute la brièveté et la faible intensité du phénomène.