Observatoire français des tornades et orages violents

La tornade de Chalmazel du 19 juin 2024 est issue d'une structure supercellulaire d'une durée de vie totale de 3h15 (14h15 TU > 17h30 TU) et marquée par d'abondantes chutes de grêle. La cellule, qui prend naissance au nord d'Ambert (Puy-de-Dôme) vers 14h15 TU, connaît un développement explosif en se déplaçant vers le NNE, avant d'amorcer une transition supercellulaire dès 14h45 TU. C'est précisément durant cette phase de transition que la tornade de Chalmazel touche brièvement le sol (14h50 TU soit 16h50 locales), bien avant que la supercellule ne dévie franchement vers l'est (au-delà de 15h30 TU). C'est ce qui explique le sens de déplacement de la tornade (SSO > NNE soit 200°).

Vue de loin, la tornade de Chalmazel a l'apparence d'un tuba très allongé qui semble ne pas toucher le sol. Pourtant, un bref contact au sol est observé dans le périmètre de la station de ski, où le phénomène a pu être filmé à plusieurs reprises. Sur les extraits ci-après (restaurant Les Epilobes), la tornade est identifiée à l'appui d'un buisson condensé qui circule de droite à gauche (on note une structure de vortex très dynamique et une circulation centrale très resserrée). C'est précisément sur cette ligne de télésiège (les Jasseries) qu'un employé de maintenance est éjecté d'une cabine (la chute est estimée à plusieurs mètres) : 

Une enquête de terrain, réalisée par Gwenaël Milcareck deux mois après l'événement, a pu reconstituer une trajectoire certaine de 1 kilomètre entre l'orée du bois de Couzan et Pré Huguet, selon un sens de déplacement du SSO vers le NNE (200°) et une largeur moyenne de 40 mètres. Dans le bois, de nombreux conifères sont sectionnés ou couchés sur une superficie d'environ 1000 m², tandis que la tornade projette des branches à plusieurs dizaines de mètres. Le caractère rotatif des vents à cet endroit ne fait aucun doute à en juger par le sens de chute des arbres. Lors de la traversée du télésiège des Jasseries, la tornade endommage plusieurs cabines et éjecte un employé de maintenance présent dans l'une d'elles. Grièvement blessé, ces jours ne sont toutefois pas en danger. Il est à préciser que le garde-corps métallique du télésiège dans lequel se trouvait l’employé est enfoncé et la bulle de protection explosée.

En contrebas de la ligne de télésiège, la tornade traverse le parking de la station de Chalmazel, où stationnent plusieurs véhicules, dont un car scolaire. La tornade est filmée une deuxième fois depuis l'intérieur du véhicule, heureusement sans impact en raison d'une diminution notable de l'intensité. La tornade traverse ensuite la rivière du Lignon, puis le lieu-dit Chez Jacon où on observe principalement des branches brisées.

D'ultimes dégâts sont relevés à Pré Huguet, où une grange subit quelques dommages sur sa toiture (petites portions de tôles emportées), et où quelques branches sont brisées aux alentours. Au-delà de ce point, plus aucun dommage n'est observé, bien que l'enquête se prolonge dans un périmètre situé entre l’impasse de Chanteloube, le Lachet et le They, mais aussi dans les bois en aval.

Compte tenu des projections de branches à distance à des dommages infligés aux télésièges, la tornade de Chalmazel-Jeansagnières est classée en intensité EF1 sur l'échelle de Fujita améliorée.

Photographies des principaux dommages : 

La tornade de Chalmazel s'est développée au sein d'un rapide flux de secteur SSO, piloté par un minimum d'altitude positionné sur le Portugal. Associé à une goutte froide (-20°C à 500 hPa, ci-dessous à droite), le cut-off a positionné une branche de jet sur un axe Espagne - France - Allemagne - Pologne, avec des vents moyens compris entre 150 et 200 km/h à 250 hPa, soit vers 10.000 mètres d'altitude (ci-dessous à gauche). On retrouve ici les éléments qui caractérisent une configuration dite de "spanish plume".

Au sol, un marais barométrique est en place sur la France, en périphérie de deux faibles minimums de surface situés respectivement dans le nord-est de l'Espagne et au sud de la Bretagne. En journée, une limite frontale ondulante concerne le sud-ouest de la France, tandis qu'un front chaud peu mobile s'étire entre le Centre et le nord-est du pays. Le département de la Loire est alors concerné par un secteur chaud riche en air chaud et humide d'origine tropicale (ci-dessous à gauche), dans une zone à cisaillements renforcés compte tenu de la proximité des deux limites frontales.  La masse d'air est instable sur la moitié sud de la France durant l'après-midi et la soirée (ci-dessous à droite).

C'est dans ce contexte qu'une supercellule est parvenue à se former et à entrer en phase tornadique. Cette cellule très active est bien identifiable à 16h45 locales à la frontière entre Puy-de-Dôme et Loire :