Observatoire français des tornades et orages violents

La tornade de Brumath du 3 juillet 2024 se développe au sein d'une structure convective non orageuse, qui prend naissance à l'est de Marmoutier vers 10h10 TU (12h10 locales). C'est précisément durant la phase d'intensification de la cellule (entre 11h et 11h15 TU soit 13h15 locales) que la tornade frappe le sud du territoire de Brumath, à proximité de l'autoroute A4 (les intensités pluviométriques maximales n'excèdent toutefois pas 90 mm/h). Tout en progressant vers l'est, la cellule perd rapidement en intensité après 11h20 TU, avant d'être phagocytée par un amas convectif en cours de développement outre-Rhin (12h TU). 

Avant d'atteindre la zone d'activités sud de Brumath, le phénomène est déjà visible depuis l'autoroute A4. Kevin Sauer livre le témoignage suivant : "Je roulais sur l'autoroute au moment de la tornade ; on se demandait même ce que c'était (s’il y avait un feu ou une tornade). Très impressionnant. Et ensuite, une pluie très puissante : on ne voyait plus rien à 50 cm devant la voiture."

Le phénomène, qui a pu être filmé à plusieurs reprises, se présente sous une base nuageuse fortement déchiquetée et animée d'un mouvement rotatif : 

En l'absence d'enquête de terrain, les seuls dégâts recensés se concentrent autour de la zone d'activités sud de Brumath, avenue de Strasbourg. Sur un parking situé entre les enseignes Bris de Glace Service et Norma, une caméra de vidéosurveillance permet d'analyser l'impact du tourbillon sur 3 véhicules en stationnement : 

Véhicule 1 : rotation de 270°, tout en étant soulevé par l'arrière (les roues avant restent au sol), puis poussé à contre-sens temporairement avec le véhicule 2, pour finir sa course seul à 22 mètres de son point de stationnement.
Véhicule 2 : rotation de 90°, tout en étant entièrement soulevé du sol, puis emporté à contresens avec le véhicule 1 et mis sur le flanc, enfin retourné pour atterrir sur le toit à 15 mètres de son point de stationnement (à préciser qu'il est stoppé par un autre véhicule également à l'arrêt).
Véhicule 3 : rotation de 130°, tout en étant très brièvement soulevé par l'arrière, puis finalement déposé à 1 ou 2 mètres en léger retrait de son point de stationnement.

Détail de la séquence à travers 12 extraits photographiques : 

Dans le même périmètre, du mobilier et quelques objets présentés devant l'enseigne d'un fleuriste sont aspirés ; il semble également que quelques branches d'arbres soient brisées. De l'autre côté de l'avenue de Strasbourg, le phénomène reste chargé de quelques débris et des phénomènes d'aspiration sont ressentis par des témoins. Puis la tornade semble se dissiper dans une parcelle cultivée située à l'est de la zone d'activités.

Photographies des principaux dommages sur les véhicules : 

En l'absence d'enquête de terrain, la trajectoire de la tornade de Brumath apparaît indéterminée (quelques centaines de mètres minimum), même si l'on peut suspecter un premier contact au sol au moins entre l'autoroute A4 et la zone d'activités sud. Concernant la largeur, il semble que la partie la plus intense du tourbillon ne mesure que quelques mètres de largeur (cas similaire à la tornade EF1 de Villeneuve-sur-Lot du 5 mars 2024), même si certaines aspirations périphériques sont observées jusqu'à 30 mètres au sud des véhicules endommagés. 

Compte tenu des dommages observés sur les véhicules (Toyota Aygo d'une masse de près d'1 tonne), le phénomène est classé en intensité maximale EF1 (haut de l'échelon) sur l'échelle de Fujita améliorée. En l'absence d'indicateurs de dommages exploitables partout ailleurs, la tornade est rétogradée en intensité EF0 en dehors de l'aire de stationnement.

La tornade de Brumath s'est formée dans un contexte dépressionnaire, dominé en altitude par le passage d'un thalweg modérément dynamique. Celui-ci est associé à des advections froides assez marquées à l'étage moyen depuis les Hauts-de-France jusqu'à l'Alsace (-15°C à 500 hPa, voir ci-dessous à droite). Elles sont véhiculées par un rapide flux de NO sur le flanc occidental du thalweg, notamment en haute troposphère : un courant-jet de secteur NO pénètre sur le nord et le nord-est de la France en cours de journée du 3 juillet, en positionnant les abords de l'Alsace et des Vosges en configuration de sortie gauche nettement diffluente (ci-dessous à gauche).

Conséquemment, les profils s'instabilisent en cours de journée près des frontières belges et allemandes, et les effets du relief vosgien conduisent à un renforcement localisé des cisaillements en plaine d'Alsace. Le run HRRR du 3 juillet 2024 06Z témoigne de cette instabilité modérée (MUCAPE de 300 à 400 J/kg dans le nord de l'Alsace ; ci-dessous à gauche), associée à quelques noyaux de forte hélicité en basses couches (SRH 0-1 km, ci-dessous à droite).

Les images haute résolution du radar de Nancy montrent bien le passage d'une cellule modérément active sur Brumath entre 13h20 et 13h30 locales, au sein d'un amas pluvieux hétérogène et anarchique (ci-dessous à gauche). Les vitesses radiales (radar Doppler, à droite) mettent pour leur part en évidence une circulation cisaillée au sein de cette cellule, avec tendance à la constitution d'un petit dipôle entre 13h15 et 13h35. Néanmoins, les signes sont ténus sur tous les tours d'antenne et la situation dans son ensemble n'est pas particulièrement caractéristique. C'est sans doute ce qui explique la brièveté du phénomène.