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Cyclone Chido à Mayotte le 14 décembre 2024
Le 14 décembre 2024, en cours de journée, le cyclone Chido dévaste les deux îles de Grande-Terre et de Petite-Terre, dans le département de Mayotte. Le phénomène, classé en catégorie 3 à 4 sur l'échelle de Saffir-Simpson, produit des rafales de vent estimées proches de 250 km/h dans le mur de l'oeil au nord de l'archipel. Le bilan est lourd : au moins 39 décès (>170 sur la trajectoire totale en intégrant le Mozambique et le Malawi) et des pertes matérielles considérables.
Caractéristiques du cyclone
* intensité maximale : catégorie 4, soit des vents soutenus compris entre 209 km/h et 251 km/h
* période d'observation au stade cyclonique : du 11 décembre 2024 au 15 décembre 2024
* pression minimale estimée : 930 hPa
* territoires touchés : MAURICE (Agaléga), MADAGASCAR (Antsiranana), FRANCE (Mayotte), UNION DES COMORES, MOZAMBIQUE, MALAWI (tempête tropicale)
NB : l'intensité attribuée aux cyclones tropicaux s'appuie sur une norme internationale ; il s'agit du vent moyen le plus élevé observé pendant une période d'une minute, à 10 mètres du sol et à l’écart de tout obstacle qui entraînerait une friction avec le sol.
Chronologie des événements du 5 au 17 décembre 2024
Le cyclone Chido débute sous la forme d'un système dépressionnaire qui est détecté le 5 décembre 2024 (18h TU) à environ 500 km à l'ouest des îles Cocos. Selon une trajectoire principalement orientée de l'est vers l'ouest, le système n'évolue en dépression tropicale que le 9 décembre (12h TU), avant d’être classé en tempête tropicale le même jour peu après 18h TU, où il acquiert sa dénomination.
Chido acquiert finalement les caractéristiques d’un cyclone tropical le 11 décembre (0h TU), puis d’un cyclone tropical intense (catégorie 3) à 18h TU le même jour, à l’approche de l’archipel d’Agaléga (Maurice) qui est traversé quelques instants plus tard. Le 12 décembre, le cyclone – qui atteint pour la première fois la catégorie 4 – circule au sud de l’atoll Farquhar (Seychelles), avant de perdre brièvement en intensité (catégorie 3) tout en infléchissant légèrement sa trajectoire vers l’OSO. Le lendemain 13 décembre, entre 9h et 12h TU, Chido circule au nord de Madagascar et arrose la province d’Antsiranana.
Le 14 décembre (6h TU), le cyclone aborde le SE de l’archipel des Comores via Mayotte. L’œil de Chido traverse le nord de Grande-Terre entre 8h et 8h30 TU (de Bandraboua à Acoua). Une rafale maximale de 226 km/h est mesurée à Pamandzi (Petite-Terre), sachant que bon nombre d'instruments sont endommagés ou cessent d'émettre lors du pic d'intensité du phénomène. Les rafales sont estimées proches de 250 km/h dans le mur de l'oeil, là où l'intensité est habituellement la plus forte (Petite-Terre et nord de Grande-Terre).
Le cyclone prend ensuite la direction du canal du Mozambique où il acquiert de nouveau les caractéristiques d’un cyclone de catégorie 4. L’œil atteint les côtes du Mozambique le 15 décembre (4h15 TU), puis le phénomène perd ses caractéristiques cycloniques à 6h TU pour redevenir une tempête tropicale. Le 16 décembre (0h TU), le système aborde le Malawi, avec une trajectoire qui s’infléchit nettement vers le SO. Après 6h TU, à l’ouest de Blantyre, l’ex-cyclone Chido devient une dépression sur terre que l’on retrouve dans le bassin du Zambèze (Mozambique) à 12h TU, avant une dissipation définitive le 17 décembre.
Trajectoire du cyclone Chido (d'est en ouest) entre le 5 décembre 2024 (système dépressionnaire) et le 16 décembre 2024 (dépression sur terre). Phase cyclonique matérialisée par le symbole de couleur rouge (du 11/12 0h TU au 15/12 à 6h TU) © Météo-France
Pertes humaines et matérielles considérables
L'impact du passage du cyclone Chido se concentre depuis l'archipel mauricien d'Agaléga jusqu'au Malawi, en passant par le nord de Madagascar, Mayotte, l'Union des Comores et le Mozambique.
A Agaléga, la quasi-totalité des constructions sont détruites, même si aucune victime n’est signalée. Les maisons, les centres médicaux et les commerces sont dévastés, tandis que la population de l'île du nord se réfugie dans le terminal de l'aéroport.
Au nord de Madagascar, le cyclone s’illustre surtout par des inondations en raison de lames d’eau localement supérieures à 250 mm.
A Mayotte, ce sont les zones les plus exposées au mur de l’œil (Petite-Terre ainsi que le centre et le nord de Grande-Terre) qui paient le plus lourd tribut. Ces territoires, fortement peuplés, concentrent également les principales infrastructures du département. Le bilan humain officiel fait état de 39 morts et de 4000 blessés. L’état de catastrophe naturelle est déclaré dans toutes les communes. Les coûts pris en charge par les assurances sont estimés jusqu'à 800 millions d’euros. Les constructions les moins solides sont détruites, les routes coupées, les principaux bâtiments publics endommagés ou inondés. Une loi d'urgence est votée pour une reconstruction accélérée de l'île. La population doit également faire face à des problèmes d'approvisionnement en eau potable et en électricité, et à un réseau de télécommunications défaillant (coupure d'Internet mobile dans plus de 95% des deux îles sinistrées). Un pont aérien et maritime est mis en place depuis l'île de la Réunion pour débuter les ravitaillements, avec notamment 800 membres de la sécurité civile déployés sur place.
Vue d'ensemble du cyclone Chido lors de la traversée de Mayotte (à gauche) ; dégâts recensés au nord de Grande-Terre et à Petite-Terre (à droite) :
Vue d'ensemble du cyclone Chido le 14 décembre 2024 vers 7h30 TU (10h30 locales). Mur de l'œil (bouillonnement autour de l'œil) bien visible et à l'origine des dégâts les plus significatifs © Sentinel 3
Inventaire des dommages non exhaustifs (axes routiers et constructions) au nord de Grande-Terre (île de gauche) et à Petite-Terre (île de droite) © European Union, Copernicus Sentinel EMSR780 imagery
Photographies des dommages les plus représentatifs à Mayotte :
Illustration des dommages les plus caractéristiques sur l'habitat et la végétation © Nouvelle République
Aux Comores, les dommages sont moins spectaculaires, même si plus de 60 000 personnes sont déclarées sinistrées. On ne dénombre aucun décès. Au Mozambique, le bilan humain fait état d'au moins 120 morts et 900 blessés. Environ 380 000 personnes sont affectées dans les provinces de Cabo Delgado, Nampula, Niassa and Tete. Les constructions endommagées ou détruites se chiffrent en dizaines de milliers. Au Malawi, les fortes précipitations provoquent 13 morts et 29 blessés. Plus de 40 000 personnes sont touchées.
* * *
En conclusion, le cyclone Chido est marqué par une intensité remarquable mais non exceptionnelle dans cette partie du globe. Il s'illustre par un très faible diamètre (300 km) mais surtout par une trajectoire inhabituelle, puisqu'il ne s'est pas heurté à l'île de Madagascar qui freine habituellement la progression des cyclones vers l'ouest. Un phénomène d'une telle intensité à Mayotte semble remonter au 19 février 1934, où un cyclone meurtrier (3 décès au moins) avait provoqué de très nombreux dégâts. Le quotidien la Croix revient notamment sur cet événement dans son édition du 24 février : "Le 19 février, à 8 heures du soir, un cyclone particulièrement violent, s'est abattu sur Mayotte et Dzaoudzi. Tous les bâtiments administratifs sont démolis ou gravement endommagés ; les pylônes de la T.S.F sont abattus, la jetée abîmée, les usines endommagées et beaucoup de villages [...] détruits."
Analyse de la situation météorologique
Les données de réanalyses du programme européen ERA5 permettent de reconstituer la situation météorologique qui prévalait sur la zone de transit du cyclone Chido.
La trajectoire du système est bien restituée par l'animation ci-dessous, qui présente la pression réduite au niveau de la mer ainsi que les précipitations par intervalles de 3 heures (compte tenu de la résolution de ces données - 30 km - la pression affichée est moins basse que dans la réalité et les précipitations sous-estimées) :
L'analyse du niveau d'humidité relative dans les basses couches (0-3 km, ci-dessous à gauche), et à l'étage moyen (3-6 km, ci-dessous à droite), montre dans les deux cas une configuration propice à une forte activité cyclonique. L'humidité est en effet très forte sur une grande profondeur, et sur une grande superficie autour du système tropical (ici analysée au moment de son passage sur Mayotte). Aucune intrusion sèche significative n'est présente dans la zone d'alimentation du cyclone, ce qui optimise son mécanisme interne.
Humidité relative entre le sol et 3 km d'altitude, le 14 décembre 2024 à 06h TU. Données ERA5. © KERAUNOS
Humidité relative entre 3 et 6 km d'altitude, le 14 décembre 2024 à 06h TU. Données ERA5. © KERAUNOS
Conjointement, les thêta'w sont très élevées en basses couches lors du passage du cyclone sur Mayotte. Les valeurs supérieures à 22°C à 850 hPa (ci-dessous à gauche) couvrent une très grande superficie ; elles confirment la présence d'un vaste réservoir de chaleur et d'humidité pour le système tropical. L'instabilité latente résultante est significative (environ 1000 J/kg de CAPE, ci-dessous à droite), avec d'importantes ressources en instabilité disponibles en amont de la trajectoire du cyclone.
Enfin, on note l'absence de courant-jet à proximité de la trajectoire de Chido. Le jet d'altitude évolue en effet nettement plus au sud (ci-dessous à gauche), et les seuls vents forts présents à proximité de Chido sont ceux qu'il génère dans sa proche périphérie. Conséquemment, les cisaillements de haute troposphère (6-10 km, ci-dessous à droite) sont limités à l'environnement immédiat du système tropical, et restent faibles par ailleurs. Ces faibles cisaillements permettent à la structure de conserver une organisation optimale, sans perturbations importantes.
L'ensemble de ces éléments confirme que l'environnement dans lequel Chido a évolué était propice au développement d'un cyclone tropical de forte puissance.