Observatoire français des tornades et orages violents

Les tornades de Saint-Jean-de-Sauves (Vienne) et de Buzançais (Indre) du 31 mars 2023 se développent à l'extrémité sud d’une cellule convective de petite dimension, mais active et persistante. La cellule en question, initiée dès la fin de nuit en mer, circule au nord de l'île d'Yeu vers 5h30 TU (7h30 locales), puis entre dans les terres à Notre-Dame-de-Monts (Vendée) à 5h50 TU. Tout en présentant une succession de phases plus ou moins actives, elle poursuit sa route vers l'est (260° à 270°), atteint Vendrennes (Vendée) à 6h45 TU, puis Bressuire (Deux-Sèvres) à 7h20 TU, enfin Saint-Jean-de-Sauves (Vienne) à 7h55 TU (9h55 locales) où la tornade est signalée à 7h57 TU. La cellule poursuit durablement son transit vers l'est, tout en développant une activité orageuse de plus en plus marquée, notamment dans l'Indre où une seconde tornade est observée à Buzançais peu avant 9h10 TU (11h10 locales). Le système tend à s'essoufler dans le Nivernais, après plus de 5 heures d'activité. Les éléments à disposition confirment une vitesse de déplacement particulièrement remarquable de 85 km/h.

En raison d'une vitesse de déplacement particulièrement élevée, les deux tornades présentent des caractéristiques peu ordinaires, à en juger par l'analyse des dommages au niveau du sol. L'axe de convergence, à peine perceptible, présente une asymétrie telle que l'essentiel des dommages est orienté du sud-ouest vers le nord-est (260° à 220°) au sein d'aspirations généralisées sur une bande de terrain large de 200 mètres en moyenne. Ce n'est que sur l'extrême bordure nord du couloir que des éléments d'aspiration inverses sont identifiés vers l'ESE ou le SSE (au-delà de cette limite nord, les dégâts s'arrêtent net). Cette situation, fréquemment observée dans le cas de phénomènes à circulation rapide, est particulièrement remarquable dans le cas présent. C'est ce qui explique également le caractère irrégulier des dommages et l'aspect semble-t-il déstructuré du tourbillon qui peine à se stabiliser dans de telles circonstances (les observations sur le terrain montrent de fait quelques sens de chute erratiques vers le N ou l'ONO).

La carte ci-dessous synthétise les deux tornades dans leur environnement spatio-temporel (la bande jaune représentant la circulation de la cellule orageuse et les horaires associés en heure TU) : 

La tornade de Saint-jean-de-Sauves a pu être identifiée à l'appui de multiples témoignages et d'une enquête de terrain effectuée par Kévin Fillin. Le phénomène, vu et ressenti par plusieurs témoins, se présente comme "un tourbillon de pluie foncé et très rapide à ras du sol". En l'espace de quelques secondes, sur une bande de terrain large de 200 mètres, il traverse le coeur du village d'ouest en est (265°) et semble atteindre un pic d'intensité au débouché de la route de Mazeuil, de la rue Albert-Renault et de la route de Mirebeau. En plein marché du vendredi matin, la tornade prend de court les habitants qui trouvent refuge à l'intérieur d'un restaurant. Par chance, aucun blessé n'est à déplorer.

Les conditions d'enquête, rendues difficiles par un manque d'indices probants en zone rurale, expliquent que la trajectoire soit limitée à 1,3 kilomètre entre l'ouest du chemin de la Grand-Fosse et la zone boisée du Prepson, à l'est de la résidence du Pré Saint-Jean. 

Les dégâts relèvent d'une intensité maximale EF1. Outre les dommages habituels (arbres déracinés, projections de tuiles, objets légers emportés), la tornade frappe plus particulièrement le sud de la place de la Mairie et les rues qui y mènent. Dans l'enceinte de l'école, la toiture d'un préau est arrachée et atterrit dans la rue Albert-Renault (une voiture garée dans l'axe est touchée de plein fouet et la vitre de la plage arrière vole en éclats). A proximité, la camionnette d'un marchant ambulant (à l'occasion du marché) est légèrement soulevée puis déplacée de quelques mètres. Un poteau électrique en bois est arraché de son socle. Dans le même périmètre, la charpente d'une boucherie-charcuterie (2 place de la Mairie) est soulevée puis déplacée de quelques centimètres, tout comme celle d'une boulangerie voisine (un pan de mur est également désaxé de quelques centimètres) au n°2, route de Mirebeau. Les couvertures de deux maisons (n°1 et n°3 de cette même rue) sont aussi emportées. Le phénomène touche ensuite l'EHPAD (résidence le Pré Saint-Jean) où un faux-plafond s'effondre en partie, puis un sous-bois le long du ruisseau du Prepson, où quelques projectiles sont retrouvés coincés dans des arbres (certains peupliers malades ou morts sont également brisés). C'est précisément entre la résidence et le ruisseau qu'un trampoline est retrouvé après avoir été transporté dans les airs sur un parcours de 800 mètres. Au-delà du Prepson, aucun indice ne permet de prolonger la trajectoire. 

La tornade s’est formée au sein d’un rapide flux d’ouest, piloté par un minimum de haute altitude en cours de transit sur le sud de la Mer du Nord. Le courant-jet associé s’étire sur les deux tiers sud du pays, avec des vitesses de vent maximales aux abords des Charentes et du Limousin (210 à 220 km/h vers 10.000 mètres d’altitude).

Ce puissant flux zonal advecte de l’air froid à l’étage moyen en cours de journée le long d’un axe Vendée – Alsace. Une petite goutte froide secondaire pénètre par ailleurs sur la Vendée en fin de matinée (-28°C à 500 hPa) et glisse rapidement sur les régions centrales en cours d’après-midi (ci-dessous à droite).

Au sol, une dépression bien creusée évolue sur le sud des îles britanniques. Elle pilote un vigoureux jet de basses couches sur les deux tiers nord de la France, qui génère de forts cisaillements du nord de l’Aquitaine et du Limousin jusqu’à la Normandie et à la Lorraine. De l’air plus frais prend progresse par la façade Atlantique, à l’arrière d’un front froid qui s’évacue vers le sud-est du pays et vers l’Allemagne (thêta’w > 9°C à 850 hPa, ci-dessous à droite) ; la configuration générale est celle d’une traîne active.

Le reforecast haute résolution réalisé avec le modèle ARW 3 km confirme cette configuration et témoigne d’une instabilisation marquée des profils verticaux sur un axe Charentes/Vendée – Lorraine/Alsace. En fin de matinée, les indices de soulèvement sont négatifs et la MUCAPE avoisine 500 à 600 J/kg le plus souvent (ci-dessous à gauche). Le potentiel de tornade s’accentue, principalement sur le flanc sud de cet axe instable, avec un Significant Tornado Parameter qui atteint localement 0,7 à 1. C’est précisément dans cette zone que la tornade de la tornade de Saint-Jean-de-Sauves et celle de Buzançais se sont formées.