Observatoire français des tornades et orages violents

Le 31 mars 2023, durant la tempête Mathis, un système convectif durable parcourt la France de la Vendée au Doubs, et touche plus particulièrement les départements des Deux-Sèvres, de la Vienne, de l'Indre, du Cher, de l'Allier, de la Nièvre, de la Saône-et-Loire et du Jura. Les relevés de rafales ou de dégâts dans ces 8 départements permettent de remplir les critères du derecho sur un parcours total de 470 kilomètres.    

On désigne par "derecho" les épisodes orageux qui se distinguent par une production de rafales descendantes particulièrement durable, forte et étendue. Ces épisodes de rafales descendantes en série ne peuvent constituer un derecho qu'à la condition d'être générés par un système convectif de méso-échelle (MCS) extratropical, et qu'ils répondent à un certain nombre de critères :

+ présence d'une zone concentrée de dommages consécutifs à des rafales descendantes de nature convective, ou de rafales convectives supérieures ou égales à 90 km/h ;
+ cette zone de vents convectifs forts doit s'étendre sur une zone dont le grand axe dépasse 400 km
+ les rafales convectives doivent répondre à une logique de progression spatio-temporelle identifiable
+ au moins 3 rafales supérieures ou égales à 120 km/h doivent être mesurées ou expertisées sur la base de dégâts au sein de la zone couverte par l'épisode
+ ces 3 rafales doivent être séparées d'au moins 64 km les unes des autres
+ il ne doit pas exister d'interruption de plus de 3 heures entre deux rafales convectives supérieures à 90 km/h

A noter que de nouveaux critères ont été proposés aux Etats-Unis en 2016 pour définir un derecho, mais leur usage n'est pas encore admis partout.

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Le système convectif est issu d'une première cellule active et de petite dimension, qui traverse d'abord l’Ile d’Yeu (Vendée) à 11h30 locales. Les côtes vendéennes sont touchées à leur tour entre 11h45 et 12h15, sans signalement particulier autre que de puissantes rafales de vent comparables à celles observées dans le secteur depuis la matinée. 

A mesure que cette amorce entre dans les terres, un système convectif nettement plus large se structure progressivement sous une forme de virgule, avec une signature radar d'écho en arc. Il produit les premières rafales significatives à l’ouest des Deux-Sèvres (90 km/h à Scillé à 13h06 locales). La composante convective s’accentue rapidement à l’approche de l’agglomération poitevine où les rafales dépassent désormais les 100 km/h (105,5 km/h à Biard peu avant 14 heures locales). A 14h40, l’écho en arc s’étire de Châteauroux à Lignac (Indre) en passant par Argenton-sur-Creuse.

A 15h20, le système balaie l’agglomération de Saint-Amand-Montrond (Cher) puis entre dans le département de l’Allier vers 15h30. Les premiers dégâts structurels sont signalés dans la vallée de la Sologne où la toiture d’une maison médicale est en partie arrachée à Ainay-le-Château. Les rafales sont estimées entre 120 et 130 km/h ; elles coïncident avec de vastes zones d’assèchement bien visibles sur les images radar, à l’arrière de l’écho en arc, qui évolue même jusqu'à former un LEWP (formation d'un renflement sur le flanc nord-ouest du système). Dans la station météorologique voisine de Lurcy-Lévis, une rafale de 99 km/h est enregistrée.

L’intensification des rafales se confirme au sud de la Nièvre, où les dégâts commencent à se généraliser. Dans la ferme de Bourchaud à Saint-Pierre-le-Moûtier (15h48), puis à Lamenay-sur-Loire (16h05), des bâtiments subissent des dommages causés par des vents estimés proches de 120 km/h, alors qu’une rafale de 91 km/h est mesurée à Montbeugny (Allier) en bordure sud du système avant 16h12.

De 16 heures à 17h30, le système convectif à maturité balaie la Saône-et-Loire d’ouest en est. De Cronat à la Chapelle-Saint-Sauveur, pas moins de 30 communes signalent des dégâts sur la végétation, les infrastructures et les bâtiments. Les rafales atteignent fréquemment entre 120 et 150 km/h. A l’extrême est du département, le front s’étire sur une largeur de 20 km et les rafales diminuent en intensité.

Le vaste système convectif s’évase davantage tout en s’affaiblissant en gagnant le département du Jura, mais la composante convective persiste : 93 km/h mesurés à Tavaux à 17h18 en bordure nord, 89 km/h à Lons-le-Saunier à 17h45 en bordure sud (rafale distincte de celle mesurée à 15h15 et correspondant à une autre ligne convective intense). Au-delà de ces derniers points, les précipitations restent soutenues jusqu'en Suisse mais l’amas convectif en phase de dissipation ne produit plus de rafales destructrices.  

Avec un axe de rafales supérieures à 90 km/h s'étendant sur plus de 400 km et avec l'occurrence de plus de trois rafales convectives supérieures à 120 km/h et distantes chacune d'au moins 64 km, les critères du derecho sont remplis entre les Deux-Sèvres et le Jura.

Entre le nord de l'Allier et la Saône-et-Loire, les rafales maximales sont estimées entre 120 km/h et 140 km/h en plaine. Elles sont à l’origine de coupures d’électricité pour 10 000 foyers. Dans ce secteur, des arbres sont déracinés, des fils électriques arrachés, des portions de toitures emportées et du mobilier de jardin soufflé. Aucun blessé sérieux n'est à déplorer pour cet épisode qui intervient à peine quelques heures après les tornades EF1 de Saint-Jean-de-Sauves (Vienne) et de Buzançais (Indre).