Observatoire français des tornades et orages violents

Tornade EF1 à Ardin (Deux-Sèvres) le 28 décembre 2020

Le 28 décembre 2020, à  12h50 locales, une tornade de faible intensité (EF1) traverse plusieurs communes rurales du département des Deux-Sèvres. Le phénomène est identifié à l'appui d'une analyse des dommages au sol, complétée par des vues aériennes prises peu de temps après l'événement. 

La tornade d'Ardin s'inscrit dans un outbreak de tornades (épisode de tornades groupées) qui totalise au moins 4 cas pour la journée du 28 décembre 2020, dont la tornade EF0 de Bouin (Vendée), la tornade EF1 de Saint-Etienne-de-Mer-Morte  (Loire-Atlantique) et la tornade EF0 de Courcôme (Charente) survenue environ une heure plus tard. D'autres événements venteux restent encore en cours d'étude pour cette journée. 

Principales caractéristiques de la tornade

* intensité maximale : EF1, soit des vents estimés entre 135 km/h et 175 km/h
* distance parcourue : 10,1 kilomètres
* largeur moyenne : 50 mètres (jusqu'à 100 mètres)

* communes traversées  : ARDIN (bois de la Noue Girard, le Cimetière aux Chiens), FENIOUX (ruisseau du Saumort, bois de la Croix, la Vergnée, ruisseau de Fenioux), BÉCELEUF (bois de la Fuye), FENIOUX (la Haute Courtière, la Petite Jarrie, ruisseau de Brusson, ruisseau de Miochette), XAINTRAY (ruisseau de Miochette), PAMPLIE (le Grand Boisloudun, l'Epine)
* département : DEUX-SÈVRES (79)
* altitude moyenne du terrain : 105 mètres
* type de terrain : prairies ; forêts de feuillus ; systèmes culturaux et parcellaires complexes ; surfaces essentiellement agricoles, interrompues par des espaces naturels importants

* principaux dégâts : nombreux arbres feuillus adultes déracinés ou sectionnés à mi-hauteur, faibles projections de branches à distance, toitures de hangars agricoles endommagées

NB : l'intensité des tornades est déterminée sur l'échelle EF augmentée (English version). Cette version de l'échelle EF, élaborée et mise en place par KERAUNOS depuis 2009, ajoute aux critères américains une série de spécificités propres à l'habitat européen et permet ainsi une notation précise des tornades, valable autant pour les tornades contemporaines que pour les tornades du passé, et homogène internationalement.
 

Trajectoire de la tornade

 
© Keraunos (fond de carte : Géoportail)
 

Un parcours de 10 kilomètres à travers ruisseaux et forêts

La tornade d'Ardin du 28 décembre 2020, issue d'une cellule orageuse active qui traverse le secteur entre 11h45 et 11h50 TU, est identifiée grâce aux investigations menées par plusieurs habitants des communes limitrophes, quelques instants après le phénomène. Les photographies à disposition permettent d'identifier un axe de convergence dans une parcelle de forêt de la commune d'Ardin.

Une analyse complémentaire des dégâts (appuyée de vues aériennes prises quelques mois après la tornade), réalisée par Darian Martens en 2023, permet d'attester d'une trajectoire parcourue certaine de 10,1 kilomètres à travers 5 territoires communaux. L'axe de convergence, parfaitement visible, se traduit par une prédominance de dommages sur tout le flanc sud de la trajectoire (sens de chute : SO>NE, S>N, OSO>ENE majoritaire). En périphérie nord, les dommages sont moins marqués (sens de chute : O>E ou NO>SE). On observe également quelques inflexions dans la trajectoire (notamment lors d'atteinte de points déprimés), caractéristique fréquente dans un environnement de faible relief.

Les premières traces certaines du phénomène sont observées au bois de la Noue Girard à Ardin, où des arbres sont touchés. La tornade endommage ensuite quelques haies bocagères, avant d'atteindre le vallon du ruisseau du SaumortC'est sans conteste dans une prairie qui précède le ruisseau, au nord du Cimetière aux Chiens, que la tranchée dans la forêt est la plus spectaculaire. La tornade circule alors sur une bande de terrain large de 50 à 70 mètres : "Le vent s'est engouffré dans un couloir de 50 mètres de large environ, détruisant tout sur son passage." [France 3 Nouvelle Aquitaine du 29 décembre 2020]. Dans le même secteur, frontalier avec Fenioux et Béceleuf, les mêmes dommages se répètent mais sont moins généralisés.

De nouveau à Fenioux, le tourbillon atteint le nord de la Haute-Courtière, puis la Petite Jarrie où des dégâts sur des hangars agricoles sont perceptibles (tôles arrachées). Dans le vallon du ruisseau de Miochette, frontalier avec Xaintray, une nouvelle tranchée est visible et de nombreux arbres sont atteints. A Pamplie, la tornade frôle le Grand Boisloudun par le nord (végétation atteinte), puis traverse l'Epine (dégâts sur deux hangars) enfin endommage une haie bocagère. Au-delà, les dégâts se poursuivent encore, mais leur caractère diffus ne permet pas d'établir un lien de façon certaine avec la tornade d'Ardin.

Les dommages relèvent d'une
 intensité EF1 en raison d'arbres déracinés ou sectionnés (chênes, aulnes, frênes têtards). Il est aussi à préciser qu'un certain nombre d'arbres, habituellement protégés des vents dominants ou plantés en bordure de ruisseaux, n'ont pas résisté. Les projections de branches à distance sont par ailleurs très limitées. 

Photographies de Dominique Laveau dans la prairie du ruisseau de Saumort
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© France 3 Nouvelle Aquitaine


Deux exemples d'analyse de photographies aériennes postérieures à l'événément (par Darian Martens):
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Analyse de la situation météorologique

Le système orageux producteur de cet oubtreak de tornades s’est formé sur le bord d'attaque d'une anomalie basse de tropopause dynamique , qui migrait alors rapidement depuis le sud-ouest de l'Angleterre vers le centre-ouest de la France, sur le flanc nord du courant-jet (voir ci-dessous à gauche la réanalyse ERA5 à 250 hPa). Cette anomalie s'est présentée en cours de matinée sur la Bretagne en se phasant avec un thalweg thermique à l'étage moyen , comme l'illustre le champ ci-dessous à droite ; on y identifie clairement  une limite froide d'altitude en cours d'enfoncement du Finistère à la Loire-Atlantique.
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Associées à cette configuration d'altitude très dynamiques, les conditions près du sol étaient dominées par la descente, depuis les Ïles Britanniques, d'un vaste minimum dépressionnaire bien creusé. Celui-ci est venu se caler en journée au large des côtes de la Manche, induisant un fort flux de basses couches de la Bretagne à l'Aquitaine (ci-dessous à gauche). Une onde barocline bien alimentée dans les basses couches en air doux et humide, et pilotée directement par la dépression principale, se présente en matinée sur la Bretagne et s'enfonce vers les Charentes puis le Limousin en milieu de journée. Elle est identifiable sur le champ de thêta'w à 850 hPa, ci-dessous à droite, dans des teintes vertes. De l'air plus froid se rabat directement à l'arrière, constituant un pseudo front-froid, le long duquel s'est formé le système convectif tornadique. C'est ainsi une configuration très dynamique et bien phasée à tous les étages de la troposphère qui a présidé à la formation de ces orages producteurs de multiples tornades.
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Nous tenons à remercier Darian Martens pour sa contribution à l'analyse de la tornade d'Ardin.

En savoir plus sur les tornades

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