Tornade EF1 à Champagnac-la-Rivière (Haute-Vienne) le 11 janvier 2016
Le 11 janvier 2016, vers 12h30 locales, une tornade de faible intensité (EF1), traverse quatre communes du sud-ouest de la Haute-Vienne. Le phénomène, qui s'est constitué au sein d'une supercellule LT (Low Topped), touche plus particulièrement les territoires de Champagnac-la-Rivière (où sont observés les dommages les plus significatifs) et de Champsac.
Il est à noter que la commune de Champagnac-la-Rivière a déjà été touchée par une tornade EF3 survenue le 25 mars 1979.
Principales caractéristiques de la tornade
* intensité maximale : EF1 soit des vents estimés entre 135 et 175 km/h
* distance parcourue : 11,3 kilomètres
* largeur moyenne : 200 mètres (jusqu'à 450 mètres en raison d'aspirations périphériques)
* communes traversées : CUSSAC (la Maridèle), CHAMPAGNAC-LA-RIVIÈRE (Loutre, les Perrières, rivière de la Tardoire), CHAMPSAC (la Roueille, le Mas Jaly, la Judie, la Gare, bois de Nailhac, la Gorce, Dougneix), PAGEAS (Dougneix, Pérignac, Tirvaillas)
* type de terrain : prairies ; systèmes culturaux et parcellaires complexes ; forêts de feuillus ; forêts mélangées
* principaux dégâts : arbres feuillus adultes (chênes, hêtres, bouleaux) ébranchés, déracinés ou brisés à mi-hauteur ; parcelles forestières dévastées ; conifères adultes étêtés ; toitures d'habitations endommagées (tuiles arrachées principalement) ; couvertures de hangar enlevées et tôles projetées à plusieurs centaines de mètres ; poteaux électriques à basse tension inclinés ; projections de branches et de menus objets à distance ; animaux de ferme déplacés par le tourbillon
* distance parcourue : 11,3 kilomètres
* largeur moyenne : 200 mètres (jusqu'à 450 mètres en raison d'aspirations périphériques)
* communes traversées : CUSSAC (la Maridèle), CHAMPAGNAC-LA-RIVIÈRE (Loutre, les Perrières, rivière de la Tardoire), CHAMPSAC (la Roueille, le Mas Jaly, la Judie, la Gare, bois de Nailhac, la Gorce, Dougneix), PAGEAS (Dougneix, Pérignac, Tirvaillas)
* département : HAUTE-VIENNE (87)
* altitude moyenne du terrain : 350 mètres* type de terrain : prairies ; systèmes culturaux et parcellaires complexes ; forêts de feuillus ; forêts mélangées
* principaux dégâts : arbres feuillus adultes (chênes, hêtres, bouleaux) ébranchés, déracinés ou brisés à mi-hauteur ; parcelles forestières dévastées ; conifères adultes étêtés ; toitures d'habitations endommagées (tuiles arrachées principalement) ; couvertures de hangar enlevées et tôles projetées à plusieurs centaines de mètres ; poteaux électriques à basse tension inclinés ; projections de branches et de menus objets à distance ; animaux de ferme déplacés par le tourbillon
NB : l'intensité des tornades est déterminée sur l'échelle EF augmentée. Cette version de l'échelle EF, mise en place par KERAUNOS depuis 2009, ajoute aux critères américains une série de spécificités propres à l'habitat européen.
Trajectoire de la tornade
© Keraunos (fond de carte : Géoportail)
© Keraunos (fond de carte : Géoportail)
Une tornade aux dimensions contrastées
Une enquête de terrain, appuyée de témoignages et de publications dans la presse locale, a été effectuée par Keraunos pour cette tornade. Elle permet d'attester d'un phénomène tourbillonnaire sur une trajectoire de 11,3 kilomètres et une largeur moyenne de 200 mètres.
Les premières traces de la tornade sont identifiées le long de la route Richard Coeur de Lion, près d'Arsac, commune de Cussac, où des arbres de faible dimension sont couchés dans plusieurs directions dans un bois. Jusqu'à l'extrême Est du territoire communal, les dommages restent très faibles et consistent en des branches brisées dans plusieurs parcelles de forêts.
Dans une petite dépression naturelle formée par un cours d'eau, à hauteur de Loutre (Champagnac-la-Rivière), la tornade déracine ou brise plusieurs dizaines d'arbres adultes de bonne dimension. Un axe de convergence est clairement identifié dans le sens de leur chute. Le hameau de Loutre, situé en périphérie sud de la trajectoire, n'est presque pas atteint, même si des phénomènes d'aspiration sont bien visibles. A cet endroit, les dégâts au niveau du sol sont observés dans un couloir large de 50 mètres, mais les cimes des arbres environnants sont déjà ébranchées dans un périmètre de 130 à 150 mètres environ, ce qui démontre que la tornade exerce une influence bien plus importante à quelques dizaines de mètres au-dessus du sol.
En quittant ce vallon, la tornade survole un coteau jusqu'à la D75, au sud du Maisonniau, où les dommages sont presque inexistants. En gagnant progressivement la rivière de la Tardoise - environ 50 mètres en contrebas - la tornade traverse une parcelle forestière qui est dévastée. Sur une surface estimée à 3 hectares environ, des arbres, parfois de haute futaie, sont brisés ou déracinés et leurs branches projetées à faible distance. Dans le périmètre de la rivière, le couloir de dégâts s'évase fortement pour atteindre 250 à 300 mètres par endroits.
En rentrant sur le territoire de Champsac, la tornade survole six hameaux d'Ouest en Est, après avoir subi une légère inflexion lors de la traversée de la Tardoire. Entre le hameau de la Roueille, situé en périphérie nord, et la celui de la Judie (périphérie sud) la végétation a souffert : des arbres de bonne dimension sont de nouveau déracinés ou étêtés. Certains ont le tronc fendu. Près de la Judie, une parcelle de forêt est dévastée sur une superficie d'environ 1 hectare. A la Roueille et à la Judie, quelques bâtiments sont endommagés, notamment des hangars où des tôles sont arrachées par le vent et retrouvées à plusieurs centaines de mètres.
A la Gare, la tornade survole une entreprise et plusieurs toitures couvertes de tôles. Certaines sont arrachées et projetées à grande distance. Un témoin présent sur les lieux, raconte avoir vu des chevreuils appeurés par la tornade, puis déplacés par le tourbillon.
Jusqu'à la D141, le tourbillon s'évase considérablement, tout en perdant rapidement en puissance et en produisant des dommages plus irréguliers. A deux reprises, dans le périmètre de la Gorce et de Pétavigne, la largeur du couloir de dégâts est remarquable et atteint 450 mètres.
Après avoir frappé le hameau de Dougneix, où des poteaux électriques à basse tension sont inclinés et quelques arbres brisés ou ébranchés, la tornade entre en phase de dissipation sur un trajet long d'environ 2 kilomètres. Au nord immédiat de Pérignac, puis près de la N21 (commune de Pageas), quelques branches de chênes sont encore arrachées. A Tirvaillas, la couverture d'une habitation est faiblement endommagée. Au-delà de ce point, nous pouvons considérer que la tornade se dissipe définitivement, même si quelques dégâts sont encore observés jusqu'à Chenevières, mais sans qu'ils puissent être directement attribués au phénomène de façon certaine.
Compte tenu des dommages observés, la tornade de Champagnac-la-Rivière est classée EF1 sur l'échelle de Fujita améliorée. Aux deux extrémités de la trajectoire, les dégâts sont moins marqués et relèvent de la classe EF0. Ponctuellement entre la Tardoire et le hameau de la Judie, le haut de l'échelon EF1 est atteint.
Les photographies suivantes montrent les dégâts occasionnés par la tornade de Champagnac-la-Rivière :
A
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1 Premiers dégâts visibles à Cussac, le long de la route Richard Coeur de Lion
2 Hameau de Loutre (Champagnac-la-Rivière). Axe de convergence illustré par les flèches rouges : les tuiles sont aspirées en direction du coeur de la tornade, qui circule environ 50 mètres au Nord
3 Hameau de Loutre (Champagnac-la-Rivière). Axe de convergence illustré par les flèches rouges : les arbres sont couchés en direction du coeur de la tornade, qui circule environ 50 mètres au Nord
4 Parcelle de forêt endommagée au sud du Maisonniau, à Champagnac-la-Rivière
5 Parcelle de forêt dévastée (la route est déjà dégagée et le bois coupé) sur un chemin forestier au sud-ouest du Maisonniau, à Champagnac-la-Rivière
6 Vue générale de la rivière de la Tardière, vers l'Est. Végétation bien endommagée
7 Tronc d'arbre brisé à mi-hauteur et partiellement fendu, près de la Roueille, commune de Champsac
8 Axe de convergence illustré par le sens de chute d'un arbre, en direction de la tornade (la Roueille, commune de Champsac)
9 Parcelle de bois dévastée entre la Roueille et la Judie, commune de Champsac
10 Aspect d'un arbre soufflé par la tornade près de Dougneix, commune de Champsac : le tronc est fendu, ce qui laisse apparaître le bois de cœur
11 Végétation endommagée près du ruisseau du Mas-Nadaud à Pérignac, commune de Pageas
Un comportement de tornade de relief ?
La tornade de Champagnac-la-Rivière a parcouru une trajectoire totale de plus de 11 kilomètres, selon une altitude comprise entre 308 mètres et 389 mètres, et déjà marquée par des variations assez soudaines. Compte tenu du comportement du tourbillon, qui a pu être reconstitué à l'appui d'un inventaire des dommages au niveau du sol, il apparaît que la tornade de Champagnac-la-Rivière a vu son comportement être influencé sensiblement par le relief limousin, en lui imposant notamment des variations rapides et successives d'état, de largeur, et d'intensité.
Ce type de comportement a déjà été observé (il est vrai dans des proportions plus importantes) lors de tornades de relief plus anciennes : Saint-Bonnet-des-Quarts (Loire) le 21 mai 2009 ou Saint-Alyre-d'Arlanc (Puy-de-Dôme) le 28 juillet 2013.
Analyse des conditions météorologiques
La tornade de Champagnac-la-Rivière s'est formée dans un contexte de traîne active, au sein d'un très rapide flux d'ouest lié à la pénétration du courant-jet sur le sud de la France. En cours de journée du 11 janvier 2016, de fortes advections froides s'organisent à l'étage moyen sur la majeure partie du pays, avec des températures qui avoisinent souvent -30°C à 500 hPa :
Ce flux perturbé est associé à un complexe dépressionnaire de surface, positionné aux abords des îles britanniques. Celui-ci dirige un fort flux de basses couches sur toute la façade Atlantique, dans lequel circule de l'air océanique doux et humide, comme l'illustre le champ de thêta'w à 850 hPa présenté ci-dessous à droite :
Conséquence de ces intrusions d'air froid d'altitude en surplomb de l'air doux et humide de basses couches, l'environnement s'est fortement instabilisé sur tout l'ouest du pays durant la journée du 11 janvier. Des valeurs de MUCAPE parfois supérieures à 500 J/kg ont été observées, soit une instabilité forte pour un mois de janvier (voir ci-dessous à gauche). On note que cette instabilité était associée à des niveaux de condensation (LCL) très bas, suite à une forte humidification des basses couches (ci-dessous à droite).
La présence d'un jet de basses couches très étendu près des côtes de l'Atlantique a généré en outre de puissants cisaillements et une forte hélicité en basses couches, notamment entre le nord de l'Aquitaine et le Limousin. On remarque ainsi, à l'heure de la tornade, une simulation modèle de 200 m²/s² en SRH 0-1 km, et de plus de 150 m²/s² sur la seule épaisseur 0-500 mètres. De telles valeurs sont élevées et indiquent un environnement propice à la formation de tourbillons, pour peu que les conditions soient par ailleurs propices à une convection profonde et organisée.
Cette situation instable et cisaillée est bien identifiable sur le profil issu du radiosondage de Bordeaux, réalisé le 11 janvier 2016 à 13h00 locales, soit dans des conditions très proches de celles qui ont donné naissance à la tornade de Champagnac-la-Rivière. Celui-ci présentait une MUCAPE de 167 J/kg, assortie d'une hélicité sévère en basses couches (SRH 0-1 km de 294 m²/s² et SRH 0-3 km de 411 m²/s²) :
Ce flux perturbé est associé à un complexe dépressionnaire de surface, positionné aux abords des îles britanniques. Celui-ci dirige un fort flux de basses couches sur toute la façade Atlantique, dans lequel circule de l'air océanique doux et humide, comme l'illustre le champ de thêta'w à 850 hPa présenté ci-dessous à droite :
Conséquence de ces intrusions d'air froid d'altitude en surplomb de l'air doux et humide de basses couches, l'environnement s'est fortement instabilisé sur tout l'ouest du pays durant la journée du 11 janvier. Des valeurs de MUCAPE parfois supérieures à 500 J/kg ont été observées, soit une instabilité forte pour un mois de janvier (voir ci-dessous à gauche). On note que cette instabilité était associée à des niveaux de condensation (LCL) très bas, suite à une forte humidification des basses couches (ci-dessous à droite).
La présence d'un jet de basses couches très étendu près des côtes de l'Atlantique a généré en outre de puissants cisaillements et une forte hélicité en basses couches, notamment entre le nord de l'Aquitaine et le Limousin. On remarque ainsi, à l'heure de la tornade, une simulation modèle de 200 m²/s² en SRH 0-1 km, et de plus de 150 m²/s² sur la seule épaisseur 0-500 mètres. De telles valeurs sont élevées et indiquent un environnement propice à la formation de tourbillons, pour peu que les conditions soient par ailleurs propices à une convection profonde et organisée.
Cette situation instable et cisaillée est bien identifiable sur le profil issu du radiosondage de Bordeaux, réalisé le 11 janvier 2016 à 13h00 locales, soit dans des conditions très proches de celles qui ont donné naissance à la tornade de Champagnac-la-Rivière. Celui-ci présentait une MUCAPE de 167 J/kg, assortie d'une hélicité sévère en basses couches (SRH 0-1 km de 294 m²/s² et SRH 0-3 km de 411 m²/s²) :
Analyse de la cellule orageuse
La cellule orageuse qui a donné naissance à la tornade s'est formée vers 11h30 locales sur l'ouest de la Charente. Rapidement, elle développe des caractéristiques supercellulaires (supercellule LT) tout en transitant vers l'ENE. Dotée de réflectivités marquées, et associée à une activité électrique significative, elle franchit la frontière entre Charente et extrême nord de la Dordogne à 12h15 locales. Elle aborde quelques minutes plus tard le sud-ouest de la Haute-Vienne et entre en phase tornadique peu avant 12h30. La durée de cette phase tornadique est estimée à environ 7 minutes.
Il est intéressant de noter que la phase tornadique a manifestement influencé la trajectoire de la supercellule. En effet, pendant cette période, et plus précisément pendant la phase d’évasement et d’affaiblissement de la tornade, la cellule a infléchi légèrement sa trajectoire vers la droite, soit plein Est, avant de reprendre la direction moyenne qui était la sienne avant la phase tornadique.
Ce constat réalisé sur le terrain trouve son illustration également dans l’imagerie radar, qui laisse apparaître cet infléchissement. L’animation ci-dessous présente en cercle noir la position du mésocyclone sur chacune des quatre images (12h15, 12h30, 12h45 et 13h00 locales), localisé sur le flanc sud/sud-est de la supercellule. Les flèches noires indiquent la trajectoire suivie par le mésocyclone, celles en rouge figurent la phase tornadique. L'infléchissement temporaire de la trajectoire y est bien visible :
L’activité électrique générée par la supercellule a elle aussi évolué d'une façon significative. Celle-ci a été très soutenue jusqu’à 12h26 locales, soit jusqu’au début de la phase tornadique. La phase tornadique s’est ensuite avérée de moins en moins électrique, avant un arrêt quasi-total de l’activité foudre durant le quart d’heure qui a suivi la dissipation de la tornade. La cellule semble ensuite s’être de nouveau renforcée plus à l’est, en progressant vers le sud de la Creuse, où elle a de nouveau généré une activité électrique avant de se dissiper vers 13h30.
L’animation satellite ci-dessous présente la position de cette supercellule à 12h00 et à 13h00 locales. On y remarque la forte extension horizontale prise par ce système orageux durant cette période.
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