Orage diluvien exceptionnel sur la Côte-d'Azur le 3 octobre 2015
Une violente dégradation orageuse frappe la Côte-d'Azur dans la soirée du 3 octobre 2015, causant des précipitations diluviennes et la mort de 20 personnes. Plusieurs records de précipitations relevées en 24 heures, sont battus.
Principaux événements répertoriés
* phénomènes observés : lames d'eau diluviennes records avec rafales de vent sous orage de 80 à 90 km/h, crues éclairs de fleuves côtiers (Brague notamment)
* structures convectives : système orageux multicellulaire stationnaire
* département touché : ALPES-MARITIMES
* principaux dégâts : inondations exceptionnelles en agglomération sur de nombreuses communes de la Côte-d'Azur (Nice, Cannes, Antibes, Mandelieu-la-Napoule, Biot, Cagnes-sur-Mer, Valbonne, Monaco...), fermeture d'autoroutes, interruption de trafic aérien et ferroviaire.
* victimes humaines : 20 personnes décédées, dont 3 dans une maison de retraite à Biot (crue de la Brague) près d'Antibes, et 12 noyées dans leur véhicule à Cannes (2 décès), Golfe-Juan (3 décès) et Mandelieu-la-Napoule (8 décès).
Record de précipitations à Nice, lame d'eau exceptionnelle à Cannes
La Côte-d'Azur a été balayée en soirée du 3 octobre 2015 par un orage diluvien, touchant particulièrement Cannes, Antibes et la région de Nice.
Une lame d'eau exceptionnelle de 175 mm en 2h a été relevée à Cannes (l'équivalent d'environ 2 mois de précipitations). 80 à 120 mm sont relevés entre Antibes et Nice. La station de Nice bat d'ailleurs son record absolu de précipitations en 1h avec 74 mm, dépassant ainsi le précédent record de 63 mm enregistré le 30 septembre 1998.
La carte ci-dessous présente la répartition géographique des lames d'eau mesurées en 24 heures sur la journée climatologique du 3 octobre :
Ces lames d'eau, exceptionnelles en un si court laps de temps et pour ce secteur de la Côte-d'Azur, ont généré des crues extrêmement rapides de fleuves côtiers. La Brague par exemple prend sa source près de Châteauneuf (Grasse) et rejoint la mer au niveau d'Antibes. Ce petit cours d'eau de 21 km de long a un bassin versant étroit et de petite taille. L'ensemble du bassin versant a reçu 100 à 200 mm de pluie en 2 heures, ce qui a généré une crue exceptionnelle.
Photographies et vidéos
Les inondations sont particulièrement nombreuses sur les localités de la Côte-d'Azur ainsi qu'entre Monaco, Biot, Cagnes-sur-Mer, Villeneuve-Loubet, Juan-les-Pins, Vallauris ou Mandelieu.
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Inondations et gros dégâts à Antibes :
La pluie se calme mais certains quartiers d'#antibes ont été dévastés #Intempéries Video @AudreyRichier pic.twitter.com/DMxG5ULuaY
— France 3 Côte d'Azur (@F3cotedazur) 3 Octobre 2015
La vidéo ci-dessous, réalisée par Steven Boutin, montre l'activité orageuse intense observée à Nice :
Soirée mouvementée à Nice! Un orage de fou, avec énormément de pluie! 96.2mm à Nice en quelques heures, et encore plus fou: près de 180mm à Cannes en 2-3h!!!!!
Posted by Steven Boutin on samedi 3 octobre 2015
Un système multicellulaire à propagation rétrograde calé sur le littoral
L'image satellite thermique du système orageux qui a frappé le secteur montre une convection très profonde et virulente entre 20h et 22 locales. L'analyse thermique fait ressortir des sommets pénétrants très froids centrés sur la région de Cannes avec une température au sommet des nuages qui s'est abaissée jusqu'à -68°C, soit une valeur assez remarquable dans ce contexte météorologique.
Le système orageux qui s'est développé à partir de l'est varois est venu se caler sur le littoral de la Côte-d'Azur en adoptant durant une heure environ un comportement rétrograde. De fait, les très fortes intensités pluvieuses ont été persistantes sur les mêmes secteurs durant environ 2 heures.
Image satellite thermique du système orageux qui a frappé la Côte-d'Azur
Si l'on considère l'animation satellite par pas de 5 minutes, on observe une intensification de la convection à l'ouest immédiat de Cannes. Les sommets convectifs percent la tropopause (sommets pénétrants, teintes rouge foncé) et leur température s'abaisse jusqu'à -68°C. Ces sommets convectifs pénétrants persistent ensuite alors qu'une signature transitoire en U/V est temporairement observée :
Notons que près de 1000 éclairs ont été relevés par le réseau Blitzortung sous ces orages, entre 20h et 22h, sur les Alpes-Maritimes. Sans surprise, c'est à Cannes qu'ils ont été les plus nombreux avec près d'une centaine relevée sur cette commune.
Analyse de la situation météorologique
Cet orage diluvien s'est développé au sein d'un rapide flux de sud-ouest, piloté par un minimum dépressionnaire d'altitude qui était alors en cours de transit aux abords du Massif Central. Comme le montrent les deux champs ci-dessous issus du modèle WRF 13 km Europe, cette situation était associée à une branche de courant-jet secondaire étirée de la vallée du Rhône aux Alpes, avec forte diffluence en entrée droite sur le littoral de PACA (ci-dessous à gauche). La goutte froide associée à l'étage moyen est bien identifiable en couleur verte sur le champ de droite.
Cette forte dynamique d'altitude a forcé les développements orageux dans un contexte à la fois bien instable et très humide. Le modèle WRF 7 km France illustre bien cette situation, avec une langue d'air très instable alimentée en mer et venant déborder sur le littoral de PACA. De forts contenus en eau précipitable étaient associés à ces advections d'air chaud, humide et instable, grâce à un vent de secteur sud près du sol. L'analyse fine des relevés effectués durant l'orage permet de mettre en évidence le creusement d'une méso-dépression sur le littoral de l'est du Var puis de l'ouest des Alpes-Maritimes :
Celle-ci est venue renforcer la convergence humide de basses couches le long de la frange littorale, favorisant la production de pluies intenses et une faible mobilité du système orageux.
La sévérité de ce système orageux est également consécutive à la présence sur le littoral de PACA d'un environnement favorablement cisaillé, autant en profondeur (ci-dessous à gauche) qu'en basses couches (ci-dessous à droite). C'est la concomitance de tous ces éléments favorables qui a permis la formation d'une structure convective à la fois très active et peu mobile.