Tornade EF0 à Neuvilly (Nord) le 10 août 2014
Le 10 août 2014, dans l'après-midi, une tornade de très faible intensité (haut de l'échelon EF0) frappe le village de Neuvilly (département du Nord) et quelques communes environnantes du Cambrésis et de l'Avesnois. Le phénomène provoque de faibles dégâts sur la végétation et les habitations. Il est à noter que cette tornade survient presque simultanément avec celle de Landrecies, dont la commune se situe seulement à 12 kilomètres à l'est de Neuvilly.
La tornade de Neuvilly s'inscrit dans un outbreak de tornades (épisode de tornades groupées) qui totalise au moins 4 cas en France (et plusieurs autres dans le Bénélux) pour la journée du 10 août 2014, dont la tornade EF1 d'Achicourt (Pas-de-Calais), la tornade EF1 de Landrecies (Nord) et la tornade EF1 de Gueux (Marne).
Principales caractéristiques de la tornade
* intensité maximale : EF0 soit des vents estimés de 105 à 135 km/h* distance parcourue : 10,2 kilomètres
* largeur moyenne : 80 mètres (aspirations périphériques jusqu'à 150 mètres)
* communes traversées : INCHY (village, l'Erclin), NEUVILLY (fond d'Inchy, la Selle, village, Voie d'Amerval), SOLESMES (Haute Montée, Ovillers), VENDEGIES-AU-BOIS (le Cantuaire, Bois le Duc, le Château)
* département : NORD (59)
* altitude moyenne du terrain : 115 mètres
* type de terrain : tissu urbain discontinu ; terres arables hors périmètres d'irrigation ; prairies ; surfaces essentiellement agricoles, interrompues par des espaces naturels importants ; forêt de feuillus
* principaux dégâts : grosses branches cassées sur des arbres feuillus adultes ; arbres fruitiers déracinés ou brisés net ; arbres conifères de taille moyenne sectionnés à mi-hauteur ; toitures faiblement endommagées sur des habitations (tuiles faîtières arrachées, couverture enlevée à moins de 20%, antennes pliées) ; tôles d'un hangar repliées sur elles-mêmes ; quelques éléments de toitures de hangars arrachés ; un poteau électrique endommagé ; une peupleraie touchée (seules les plus faibles essences ont été brisées)
* type de terrain : tissu urbain discontinu ; terres arables hors périmètres d'irrigation ; prairies ; surfaces essentiellement agricoles, interrompues par des espaces naturels importants ; forêt de feuillus
* principaux dégâts : grosses branches cassées sur des arbres feuillus adultes ; arbres fruitiers déracinés ou brisés net ; arbres conifères de taille moyenne sectionnés à mi-hauteur ; toitures faiblement endommagées sur des habitations (tuiles faîtières arrachées, couverture enlevée à moins de 20%, antennes pliées) ; tôles d'un hangar repliées sur elles-mêmes ; quelques éléments de toitures de hangars arrachés ; un poteau électrique endommagé ; une peupleraie touchée (seules les plus faibles essences ont été brisées)
NB : l'intensité des tornades est déterminée sur l'échelle EF augmentée. Cette version de l'échelle EF, mise en place par KERAUNOS depuis 2009, ajoute aux critères américains une série de spécificités propres à l'habitat européen.
Trajectoire de la tornade
© KERAUNOS (fond de carte: Géoportail)
© KERAUNOS (fond de carte: Géoportail)
Une tornade peu intense, presque simultanée avec celle de Landrecies
Une enquête de terrain a été effectuée par KERAUNOS pour cet événement.
La nature et l'organisation des dégâts relevés permettent d'attester d'une tornade de très faible intensité (haut de l'échelon EF0) sur une trajectoire de 10,2 kilomètres et une largeur moyenne de 80 mètres. Des aspirations périphériques, présentes en bordure sud-est du couloir, se sont manifestées par des chutes de branches ou d'arbres en direction du nord-ouest, ce qui a permis de mettre en évidence un axe de convergence en plusieurs points de la trajectoire.
Les premiers effets de la tornade sont perceptibles au nord du village d'Inchy, dans le périmètre de la D134. Plusieurs branches à terre confirment les premières influences du tourbillon au niveau du sol. Un peu plus loin, des peupliers qui bordent la petite rivière de l'Erclin sont ébranchés. En périphérie sud-est, un arbre de faible dimension est couché vers le nord-ouest. En quittant le village d'Inchy, la tornade ne laisse aucune trace de son passage : les champs moissonnés n'ont pas permis d'identifier le moindre dégât.
En arrivant sur le village de Neuvilly, la tornade provoque les dommages les plus significatifs. Ces derniers relèvent ponctuellement du haut de l'échelon EF0 : conifères sectionnés, arbres feuillus ébranchés, toitures d'habitation faiblement atteintes (<20% de la couverture du toit), et toitures de hangars endommagées (certaines tôles de l'un d'entre eux se sont repliées sur elles-mêmes). Aux abords de la rivière de la Selle, un noyer a cédé et a dû être débité. Un saule est également couché mais il avait les pieds dans l'eau.
En quittant le village de Neuvilly, la tornade traverse des territoires agricoles sur un parcours de près de 5 kilomètres. Presque à mi-course entre Neuvilly et le hameau d'Ovillers (commune de Solesmes), un bouquet de saules, situé dans l'axe de la trajectoire, est faiblement atteint.
A l'ouest du village d'Ovillers, la tornade frappe une peupleraie le long de la D43. Un axe de convergence est clairement établi après analyse du sens de chute des peupliers brisés :
© Keraunos
Au nord du hameau d'Ovillers, la tornade brise quelques arbres fruitiers dans une prairie, puis traverse un champ de maïs au sud de Bois le Duc, commune de Vendegies-au-Bois. A l'intérieur du champ, les plants sont couchés telle une spirale incurvée du sud vers le nord. Ces dégâts indiquent, selon toute vraisemblance, que la tornade a circulé au nord de cette parcelle endommagée.
Après avoir endommagé faiblement la cime des arbres de Bois le Duc, la tornade se dissipe à l'entrée du village de Vendegies-au-Bois, où quelques branches sont retrouvées à terre au sud de la commune.
A
A1 Inchy - Peupliers ébranchés le long de l'Erclin
2 Inchy - Peupliers ébranchés le long de l'Erclin
3 Inchy - Aperçu d'un dommage périphérique : petit arbre déraciné en direction du nord-ouest, en bordure sud-est du couloir
4 Neuvilly - Tôles d'un hangar soulevées et repliées sur elles-mêmes
5 Neuvilly - Ce noyer endommagé a dû être débité
6 Neuvilly - Conifère sectionné, rue de la Liberté
7 Neuvilly - Couverture d'habitation endommagée, rue de la Liberté
8 Solesmes - Saules ébranchés au nord d'Amerval
9 Solesmes - Peupleraie endommagée, hameau d'Ovillers. Convergence observée dans le sens de chute des arbres
10 Solesmes - Hameau d'Ovillers - Peuplier couché vers le nord-ouest, en périphérie sud-est du couloir
11 Vendegies-au-Bois - Intérieur d'un champ de maïs endommagé, et situé dans l'axe de la trajectoire de la tornade. Flèches rouges : sens de torsion constaté sur les plants
12 Vendegies-au-Bois - Faibles dommages dans une peupleraie, Bois le Duc
Analyse des conditions météorologiques
La tornade de Neuvilly s'est formée dans un contexte particulièrement dynamique pour un mois d'août, au sein d'une limite frontale instable, à caractère de front froid.
Un rapide flux d’ouest/sud-ouest était alors en cours de mise en place sur la France et le proche Atlantique. Le courant-jet, très rectiligne et à forte composante zonale, pénètre sur la France en journée et véhicule un thalweg d'altitude très dynamique, piloté par un minimum principal calé sur le nord de l'Atlantique. Ce dernier impose une nette inflexion au courant-jet, ce qui positionne le Nord - Pas de Calais dans une configuration simultanée de sortie gauche et entrée droite de jet, fortement diffluente et génératrice d'un soulèvement dynamique marqué (voir le champ du modèle WRF 13 km Europe ci-dessous à gauche).
Dans ce flux rapide circulent de fortes advections froides à l'étage moyen, le long d'un axe sud Irlande - Manche. Les températures s'abaissent rapidement sous les -20°C vers 5.500 mètres d'altitude, ce qui témoigne d'un flux particulièrement dynamique (voir ci-dessous à droite).
Cette forte dynamique d'altitude est venue interagir avec les restes de l'ex-cyclone tropical Bertha, formé dix jours plus tôt près des Antilles. Ce dernier a en effet été repris dans la circulation perturbée de l'Atlantique nord pour finir sa course sur le sud de l'Angleterre ce dimanche 10 août, tout en subissant un ultime creusement. C'est à son passage que le potentiel orageux est devenu sérieux sur le nord et le nord-est de la France, notamment par suite de fortes advections chaudes et humides en basses couches. Celles-ci ont en effet généré d'une part une instabilité latente assez marquée (MULI jusqu'à -4 K sur la zone frappée par la tornade) et d'autre part des niveaux de condensation particulièrement bas, comme l'illustre la simulation du modèle à ultra-haute résolution WRF 1 km France :
Le transit de cette dépression active sur le sud de l'Angleterre a par ailleurs généré des vents forts à toutes altitudes. Le modèle WRF 1 km représente bien un double axe de vents forts pré- et post-frontal en très basses couches (ci-dessous à gauche), ainsi que des vents très soutenus qui approchent 100 km/h vers 3.000 mètres d'altitude :
L'hélicité relative associée sur l'épaisseur 0-1 km s'en trouve accentuée à l'avant immédiat du front froid, avec des valeurs simulées proches de 120 m²/s² sur le Nord - Pas de Calais (ci-dessous à gauche). L'ensemble est associé à un renforcement des cisaillements profonds, qui avoisinent alors 25 m/s (ci-dessous à droite) :
Le radiosondage effectué à Trappes à 14h locales est le plus proche, géographiquement et temporellement, de la tornade de Neuvilly. Il est représentatif de l'environnement préfrontal et vient corroborer les simulations réalisées par le modèle WRF.
Cette forte dynamique d'altitude est venue interagir avec les restes de l'ex-cyclone tropical Bertha, formé dix jours plus tôt près des Antilles. Ce dernier a en effet été repris dans la circulation perturbée de l'Atlantique nord pour finir sa course sur le sud de l'Angleterre ce dimanche 10 août, tout en subissant un ultime creusement. C'est à son passage que le potentiel orageux est devenu sérieux sur le nord et le nord-est de la France, notamment par suite de fortes advections chaudes et humides en basses couches. Celles-ci ont en effet généré d'une part une instabilité latente assez marquée (MULI jusqu'à -4 K sur la zone frappée par la tornade) et d'autre part des niveaux de condensation particulièrement bas, comme l'illustre la simulation du modèle à ultra-haute résolution WRF 1 km France :
Le transit de cette dépression active sur le sud de l'Angleterre a par ailleurs généré des vents forts à toutes altitudes. Le modèle WRF 1 km représente bien un double axe de vents forts pré- et post-frontal en très basses couches (ci-dessous à gauche), ainsi que des vents très soutenus qui approchent 100 km/h vers 3.000 mètres d'altitude :
L'hélicité relative associée sur l'épaisseur 0-1 km s'en trouve accentuée à l'avant immédiat du front froid, avec des valeurs simulées proches de 120 m²/s² sur le Nord - Pas de Calais (ci-dessous à gauche). L'ensemble est associé à un renforcement des cisaillements profonds, qui avoisinent alors 25 m/s (ci-dessous à droite) :
Le radiosondage effectué à Trappes à 14h locales est le plus proche, géographiquement et temporellement, de la tornade de Neuvilly. Il est représentatif de l'environnement préfrontal et vient corroborer les simulations réalisées par le modèle WRF.
L'analyse de celui-ci permet en effet d'établir les valeurs suivantes, qui témoignent de conditions instables et fortement cisaillées :
* MUCAPE de 855 J/kg
* MLCAPE de 138 J/kg
* MULI de -3 K
* MLLI de -1 K
* LCL très abaissé à 243 mètres
* EL situé à 10.545 mètres (altitude proche de la tropopause)
* cisaillements 0-6 km de 26 m/s
* SRH 0-1 km de 248 m²/s²
* SRH 0-3 km de 262 m²/s²
A
Prévision de l'épisode
Cet épisode orageux tornadique a été bien anticipé : un risque orageux marqué avait été identifié pour cette situation, et un avis d'orage fort avait dès lors été émis dès le matin 08h dans le bulletin quotidien de prévision des orages, avec validité pour l'après-midi et le début de soirée :
Une mention spécifique visait le risque de tornades, en raison d'une probabilité d'occurrence estimée entre 30 et 50% du Nord - Pas de Calais jusqu'au nord de la Lorraine. Ce niveau de probabilité, qui est calculé dans un rayon de 40 km autour d'un point, indique un risque qui devient très significatif. De fait, ce n'est que la seconde fois depuis le début de l'année 2014 qu'un risque de tornade aussi marqué avait été émis en prévision.
En complément de la carte de prévision ci-dessous, le bulletin de prévision du 10 août 2014 mentionnait les éléments suivants :
Les régions du quart nord-est du pays seront exposées au potentiel orageux le plus significatif ce dimanche. [...] Deux principaux axes de forçage sont attendus cet après-midi sur les régions ciblées : d'une part le front froid lui-même, qui progressera de la Normandie au Centre en milieu de journée, pour gagner Nord - Pas de Calais, Picardie et Champagne dans l'après-midi, puis la Lorraine en soirée ; d'autre part une ligne de convergence préfrontale, qui s'organisera en cours d'après-midi de la Bourgogne à la Lorraine, avant de gagner la Franche-Comté et les Vosges en soirée. [...]
Ainsi, les orages qui évolueront cet après-midi et ce soir sur ces régions pourront être forts, avec pluies intenses, chutes de grêle éparses et surtout des rafales de vent qui pourront atteindre localement 100 à 120 km/h, voire même isolément davantage. Des développements supercellulaires sont possibles, notamment entre Bourgogne et Lorraine, tandis qu'un risque de tornade concernera l'ensemble de la zone, et plus particulièrement les régions qui s'étirent du Nord - Pas de Calais à la Lorraine, où de forts noyaux d'hélicité relative sont attendus, en conjonction avec des inflows proches de 15 m/s.
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