Tornade EF1 à Gueux (Marne) le 10 août 2014
Le 10 août 2014, dans l'après-midi, une tornade de faible intensité (EF1) prend naissance à l'extrémité nord-ouest de la Montagne de Reims, pour s'achever dans l'actipôle de la Neuvillette (département de la Marne). Les dégâts se concentrent essentiellement sur de la végétation, même si quelques habitations sont faiblement atteintes dans la commune de Gueux.
Fait exceptionnel, la tornade traverse une portion de la vallée de la Vesle qui avait déjà été touchée par une tornade EF1 le 18 juin 1783.
La tornade de Gueux s'inscrit dans un outbreak de tornades (épisode de tornades groupées) qui totalise au moins 4 cas en France (et plusieurs autres dans le Bénélux) pour la journée du 10 août 2014, dont la tornade EF1 d'Achicourt (Pas-de-Calais), la tornade EF0 de Neuvilly (Nord) et la tornade EF1 de Landrecies (Nord).
Principales caractéristiques de la tornade
* intensité maximale : EF1 soit des vents estimés de 135 à 175 km/h
* distance parcourue : 17,2 kilomètres
* largeur moyenne : 100 mètres (largeur maximale de 250 mètres)
* communes traversées : POILLY (Peuzennes), BOULEUSE (le Grand Marais, Mont de Toisy), MÉRY-PRÉMECY (Noue de Gueux), GUEUX (D 227, golf de Reims Champagne, village, les Royats, la Garenne de Gueux), THILLOIS (N31, les Vignes du Mont), CHAMPIGNY (le Marais Sec), MERFY (la Vesle, le Marais, A26), SAINT-THIERRY (ferme des Baslieux, la Chaussée), REIMS (le Routis des Vaches, la Neuvillette, actipôle de la Neuvillette)
* distance parcourue : 17,2 kilomètres
* largeur moyenne : 100 mètres (largeur maximale de 250 mètres)
* communes traversées : POILLY (Peuzennes), BOULEUSE (le Grand Marais, Mont de Toisy), MÉRY-PRÉMECY (Noue de Gueux), GUEUX (D 227, golf de Reims Champagne, village, les Royats, la Garenne de Gueux), THILLOIS (N31, les Vignes du Mont), CHAMPIGNY (le Marais Sec), MERFY (la Vesle, le Marais, A26), SAINT-THIERRY (ferme des Baslieux, la Chaussée), REIMS (le Routis des Vaches, la Neuvillette, actipôle de la Neuvillette)
* département : MARNE (51)
* altitude moyenne du terrain : 125 mètres
* type de terrain : tissu urbain discontinu; zones industrielles et commerciales; réseaux routier et ferroviaire et espaces associés; équipements sportifs et de loisirs; terres arables hors périmètres d'irrigation; vignobles; surfaces essentiellement agricoles, interrompues par des espaces naturels importants; forêt de feuillus; plans d'eau
* principaux dégâts : arbres feuillus (hêtres, bouleaux, saules, frênes) ébranchés ou brisés à mi-hauteur; une peupleraie fortement endommagée (arbres couchés ou brisés net, parfois au niveau du sol); habitations très faiblement atteintes (tuiles faîtières arrachées, antennes pliées); couvertures partiellement enlevées sur un bâtiment agricole; projection de branches à faible distance
* type de terrain : tissu urbain discontinu; zones industrielles et commerciales; réseaux routier et ferroviaire et espaces associés; équipements sportifs et de loisirs; terres arables hors périmètres d'irrigation; vignobles; surfaces essentiellement agricoles, interrompues par des espaces naturels importants; forêt de feuillus; plans d'eau
* principaux dégâts : arbres feuillus (hêtres, bouleaux, saules, frênes) ébranchés ou brisés à mi-hauteur; une peupleraie fortement endommagée (arbres couchés ou brisés net, parfois au niveau du sol); habitations très faiblement atteintes (tuiles faîtières arrachées, antennes pliées); couvertures partiellement enlevées sur un bâtiment agricole; projection de branches à faible distance
NB : l'intensité des tornades est déterminée sur l'échelle EF augmentée. Cette version de l'échelle EF, mise en place par KERAUNOS depuis 2009, ajoute aux critères américains une série de spécificités propres à l'habitat européen.
Trajectoire de la tornade
© Keraunos (fond de carte : Géoportail)
© Keraunos (fond de carte : Géoportail)
Une trajectoire déjà empruntée par une autre tornade EF1 en 1783
Une enquête de terrain a été réalisée par KERAUNOS sur ce cas.
La tornade de Gueux, dont la trajectoire s'étire de la commune de Poilly jusqu'au nord de l'agglomération rémoise, parcourt plus de 17 kilomètres selon un sens de déplacement de l'ouest-sud-ouest à l'est-nord-est. Dans le village de Gueux, le phénomène est décrit par les témoins comme un "tourbillon" qui a été aperçu au nord de la commune, dans le lotissement des Royats. De fait, en plusieurs points de la trajectoire, l'enquête de terrain a pu mettre en évidence un flux convergent et rotatif au niveau du sol, dont témoigne le sens de chute des souches ou des branches d'arbres. Comme pour Achicourt et Landrecies, des aspirations périphériques sont constatées en bordure sud-est du couloir, même si elles sont moins remarquables.
Il est à noter que si la tornade adopte une trajectoire globalement linéaire, elle s'incurve légèrement vers le nord-est à l'extrémité nord-ouest de la Montagne de Reims, qui semble avoir eu une influence sur son déplacement.
La largeur moyenne du phénomène, de l'ordre de 100 mètres, s'évase temporairement dans la vallée de la Vesle où une peupleraie est fortement atteinte sur un front de 250 mètres (commune de Champigny). Surtout, ce secteur précis avait déjà été frappé par une tornade EF1 le 18 juin 1783. A cette époque, la tornade avait sévi entre Champigny, la Vesle et l'ancien château des Marais de Merfy, aujourd'hui disparu.
Aperçu de la peupleraie dévastée au Marais, commune de Champigny :
Aperçu de la peupleraie dévastée au Marais, commune de Champigny :
A
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Enfin, il est à préciser que le couloir emprunté par la tornade est bien distinct des rafales descendantes observées ailleurs dans l'agglomération de Reims (quartiers des Tondeurs, Brébant, Kennedy, Croix-Rouge et Albert Ier), et également responsables de chutes d'arbres.
Photographies des principaux dommages :
A
Enfin, il est à préciser que le couloir emprunté par la tornade est bien distinct des rafales descendantes observées ailleurs dans l'agglomération de Reims (quartiers des Tondeurs, Brébant, Kennedy, Croix-Rouge et Albert Ier), et également responsables de chutes d'arbres.
Photographies des principaux dommages :
A
1 Bouleuse - Arbre étêté, au Grand Marais
2 Gueux - Arbres brisés ou couchés, le long de la D 227. Sur deux parcelles, des arbres avaient déjà été débités
3 Gueux - Palissade détériorée le long de la D 227. Lattes de bois arrachées
4 Gueux - Bouleau brisé, rue du Château
5 Gueux - Hangar endommagé, rue des Sablons
6 Gueux - Arbres brisés en lisière de bois, à la Garenne de Gueux
7 Champigny - Peupleraie fortement endommagée au Marais Sec - Détail
8 Merfy - Arbres brisés au Marais - Secteur déjà touché par la tornade du 18 juin 1783
9 Reims - Arbre endommagé au Routis des Vaches
10 Reims - La Neuvillette - Toiture en tôle faiblement atteinte, avenue Nationale-Neuvillette
Analyse des conditions météorologiques
La tornade de Gueux s'est formée dans un contexte particulièrement dynamique pour un mois d'août, au sein d'une limite frontale instable, à caractère de front froid.
Un rapide flux d’ouest/sud-ouest était alors en cours de mise en place sur la France et le proche Atlantique. Le courant-jet, très rectiligne et à forte composante zonale, pénètre sur la France en journée et véhicule un thalweg d'altitude très dynamique, piloté par un minimum principal calé sur le nord de l'Atlantique. Ce dernier impose une nette inflexion au courant-jet, ce qui positionne le Nord - Pas de Calais dans une configuration simultanée de sortie gauche et entrée droite de jet, fortement diffluente et génératrice d'un soulèvement dynamique marqué (voir le champ du modèle WRF 13 km Europe ci-dessous à gauche).
Dans ce flux rapide circulent de fortes advections froides à l'étage moyen, le long d'un axe sud Irlande - Manche. Les températures s'abaissent rapidement sous les -20°C vers 5.500 mètres d'altitude, ce qui témoigne d'un flux particulièrement dynamique (voir ci-dessous à droite).
Cette forte dynamique d'altitude est venue interagir avec les restes de l'ex-cyclone tropical Bertha, formé dix jours plus tôt près des Antilles. Ce dernier a en effet été repris dans la circulation perturbée de l'Atlantique nord pour finir sa course sur le sud de l'Angleterre ce dimanche 10 août, tout en subissant un ultime creusement. C'est à son passage que le potentiel orageux est devenu sérieux sur le nord et le nord-est de la France, notamment par suite de fortes advections chaudes et humides en basses couches. Celles-ci ont en effet généré d'une part une instabilité latente assez marquée (MULI jusqu'à -4 K sur la zone frappée par la tornade) et d'autre part des niveaux de condensation particulièrement bas, comme l'illustre la simulation du modèle à ultra-haute résolution WRF 1 km France :
Le transit de cette dépression active sur le sud de l'Angleterre a par ailleurs généré des vents forts à toutes altitudes. Le modèle WRF 1 km représente bien un double axe de vents forts pré- et post-frontal en très basses couches (ci-dessous à gauche), ainsi que des vents très soutenus qui approchent 100 km/h vers 3.000 mètres d'altitude :
L'hélicité relative associée sur l'épaisseur 0-1 km s'en trouve accentuée à l'avant immédiat du front froid, avec des valeurs simulées proches de 120 m²/s² sur le Nord - Pas de Calais (ci-dessous à gauche). L'ensemble est associé à un renforcement des cisaillements profonds, qui avoisinent alors 25 m/s (ci-dessous à droite) :
Le radiosondage effectué à Trappes à 14h locales est le plus proche, géographiquement et temporellement, de la tornade de Gueux. Il est représentatif de l'environnement préfrontal et vient corroborer les simulations réalisées par le modèle WRF.
Cette forte dynamique d'altitude est venue interagir avec les restes de l'ex-cyclone tropical Bertha, formé dix jours plus tôt près des Antilles. Ce dernier a en effet été repris dans la circulation perturbée de l'Atlantique nord pour finir sa course sur le sud de l'Angleterre ce dimanche 10 août, tout en subissant un ultime creusement. C'est à son passage que le potentiel orageux est devenu sérieux sur le nord et le nord-est de la France, notamment par suite de fortes advections chaudes et humides en basses couches. Celles-ci ont en effet généré d'une part une instabilité latente assez marquée (MULI jusqu'à -4 K sur la zone frappée par la tornade) et d'autre part des niveaux de condensation particulièrement bas, comme l'illustre la simulation du modèle à ultra-haute résolution WRF 1 km France :
Le transit de cette dépression active sur le sud de l'Angleterre a par ailleurs généré des vents forts à toutes altitudes. Le modèle WRF 1 km représente bien un double axe de vents forts pré- et post-frontal en très basses couches (ci-dessous à gauche), ainsi que des vents très soutenus qui approchent 100 km/h vers 3.000 mètres d'altitude :
L'hélicité relative associée sur l'épaisseur 0-1 km s'en trouve accentuée à l'avant immédiat du front froid, avec des valeurs simulées proches de 120 m²/s² sur le Nord - Pas de Calais (ci-dessous à gauche). L'ensemble est associé à un renforcement des cisaillements profonds, qui avoisinent alors 25 m/s (ci-dessous à droite) :
Le radiosondage effectué à Trappes à 14h locales est le plus proche, géographiquement et temporellement, de la tornade de Gueux. Il est représentatif de l'environnement préfrontal et vient corroborer les simulations réalisées par le modèle WRF.
L'analyse de celui-ci permet en effet d'établir les valeurs suivantes, qui témoignent de conditions instables et fortement cisaillées :
* MUCAPE de 855 J/kg
* MLCAPE de 138 J/kg
* MULI de -3 K
* MLLI de -1 K
* LCL très abaissé à 243 mètres
* EL situé à 10.545 mètres (altitude proche de la tropopause)
* cisaillements 0-6 km de 26 m/s
* SRH 0-1 km de 248 m²/s²
* SRH 0-3 km de 262 m²/s²
Prévision de l'épisode
Cet épisode orageux tornadique a été bien anticipé : un risque orageux marqué avait été identifié pour cette situation, et un avis d'orage fort avait dès lors été émis dès le matin 08h dans le bulletin quotidien de prévision des orages, avec validité pour l'après-midi et le début de soirée :
Une mention spécifique visait le risque de tornades, en raison d'une probabilité d'occurrence estimée entre 30 et 50% du Nord - Pas de Calais jusqu'au nord de la Lorraine. Ce niveau de probabilité, qui est calculé dans un rayon de 40 km autour d'un point, indique un risque qui devient très significatif. De fait, ce n'est que la seconde fois depuis le début de l'année 2014 qu'un risque de tornade aussi marqué avait été émis en prévision.
En complément de la carte de prévision ci-dessous, le bulletin de prévision du 10 août 2014 mentionnait les éléments suivants :
Les régions du quart nord-est du pays seront exposées au potentiel orageux le plus significatif ce dimanche. [...] Deux principaux axes de forçage sont attendus cet après-midi sur les régions ciblées : d'une part le front froid lui-même, qui progressera de la Normandie au Centre en milieu de journée, pour gagner Nord - Pas de Calais, Picardie et Champagne dans l'après-midi, puis la Lorraine en soirée ; d'autre part une ligne de convergence préfrontale, qui s'organisera en cours d'après-midi de la Bourgogne à la Lorraine, avant de gagner la Franche-Comté et les Vosges en soirée. [...]
Ainsi, les orages qui évolueront cet après-midi et ce soir sur ces régions pourront être forts, avec pluies intenses, chutes de grêle éparses et surtout des rafales de vent qui pourront atteindre localement 100 à 120 km/h, voire même isolément davantage. Des développements supercellulaires sont possibles, notamment entre Bourgogne et Lorraine, tandis qu'un risque de tornade concernera l'ensemble de la zone, et plus particulièrement les régions qui s'étirent du Nord - Pas de Calais à la Lorraine, où de forts noyaux d'hélicité relative sont attendus, en conjonction avec des inflows proches de 15 m/s.
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