Tornade EF1 à Charquemont (Doubs) le 4 août 2014
Le 4 août 2014, peu avant 16h30 locales, une tornade de faible intensité (EF1) est observée dans les communes des Ecorces et de Charquemont, dans le département du Doubs. Le phénomène, qui a été filmé, produit des dégâts sur la végétation et quelques habitations.
Principales caractéristiques de la tornade
* intensité maximale : EF1 soit des vents estimés entre 135 et 175 km/h
* distance parcourue : 4,7 kilomètres (distance minimale reconnue à ce jour)
* largeur moyenne : 60 mètres
* communes traversées : LES ÉCORCES (rue sur la Velle, D435), [MAÎCHE], CHARQUEMONT (Creux Feuvrier, les Vies de Damprichard, D201), DAMPRICHARD (bois de la Seignotte), CHARQUEMONT (bois du Grand Lomont)
* type de terrain : tissu urbain discontinu, prairies, surfaces essentiellement agricoles, interrompues par des espaces naturels importants, forêt de conifères, forêt et végétation arbustive en mutation
* principaux dégâts : arbres feuillus adultes ébranchés (parfois de grosses branches) ; conifères adultes étêtés, certains brisés net à la base; habitations très faiblement endommagées (antennes et paraboles pliées, tuiles faîtières arrachées); une habitation plus sérieusement atteinte (toiture endommagée à 25% sur une face avec cheminée effondrée) ; un hangar dont les portes ont été arrachées ; mobilier de jardin détruit ; têtes de sapins projetées à faible distance ; quelques grosses branches ou tuiles projetées à quelques dizaines de mètres
* distance parcourue : 4,7 kilomètres (distance minimale reconnue à ce jour)
* largeur moyenne : 60 mètres
* communes traversées : LES ÉCORCES (rue sur la Velle, D435), [MAÎCHE], CHARQUEMONT (Creux Feuvrier, les Vies de Damprichard, D201), DAMPRICHARD (bois de la Seignotte), CHARQUEMONT (bois du Grand Lomont)
* département : DOUBS (25)
* altitude moyenne du terrain : 875 mètres* type de terrain : tissu urbain discontinu, prairies, surfaces essentiellement agricoles, interrompues par des espaces naturels importants, forêt de conifères, forêt et végétation arbustive en mutation
* principaux dégâts : arbres feuillus adultes ébranchés (parfois de grosses branches) ; conifères adultes étêtés, certains brisés net à la base; habitations très faiblement endommagées (antennes et paraboles pliées, tuiles faîtières arrachées); une habitation plus sérieusement atteinte (toiture endommagée à 25% sur une face avec cheminée effondrée) ; un hangar dont les portes ont été arrachées ; mobilier de jardin détruit ; têtes de sapins projetées à faible distance ; quelques grosses branches ou tuiles projetées à quelques dizaines de mètres
NB : l'intensité des tornades est déterminée sur l'échelle EF augmentée. Cette version de l'échelle EF, mise en place par KERAUNOS depuis 2009, ajoute aux critères américains une série de spécificités propres à l'habitat européen.
Trajectoire de la tornade
© Keraunos (fond de carte : Géoportail)
© Keraunos (fond de carte : Géoportail)
Vidéo de la tornade
La tornade a été filmée par un témoin (T. Journot) situé à quelques dizaines de mètres à peine de la trajectoire suivie par le tourbillon, dans la rue sur la Velle, commune des Ecorces. Il nous a communiqué ce témoignage exceptionnel par sa proximité, qui révèle une rotation modérément rapide et assez anarchique. On remarque la faîtière du toit de la maison située au premier plan endommagée par le passage de la tornade quelques instants plus tôt :
Enquête de terrain
Une enquête de terrain a été effectuée par Laëtitia Gibaud pour Keraunos. Les éléments recueillis permettent de confirmer un phénomène de tornade, conclusion étayée par la vidéo du phénomène effectuée aux Ecorces. La tornade semble prendre naissance sur le territoire communal des Ecorces, près d'un point culminant situé au nord du village. Les premiers dégâts se concentrent sur le côté impair de la rue sur la Velle et concernent quatre habitations. A ce stade, la tornade présente une aspect chaotique et déstructuré; sa trajectoire primitive évolue selon une orientation Ouest-Est avant de s'incurver vers l'Est-Sud-Est en quittant les Ecorces.
© Keraunos
Au carrefour avec la D435, la tornade endommage faiblement une autre habitation de la rue sur la Velle (côté pair cette fois) et ébranche quelques arbres le long de la D435.
En quittant les Ecorces, la tornade se déplace vers Charquemont en franchissant la D464, le bois du Prélot (commune de Maîche), et le lotissement des Cités (commune de Charquemont). Durant plus de deux kilomètres, les dégâts ne sont plus perceptibles et on peut suspecter une rétractation temporaire du tourbillon qui aurait alors évolué au stade de simple tuba. La tornade peut également avoir maintenu un contact au sol sur ce secteur, mais sans avoir eu assez de puissance pour provoquer des dégâts. L'absence de témoignage sur ce périmètre (qui a bien été couvert par l'enquête) rend les deux hypothèses possibles.
A 200 mètres en amont de la rue de l'Eglise (commune de Charquemont), des dégâts sont de nouveau perceptibles et la tornade est identifiée par plusieurs témoins : "On a vu arriver depuis le nord une tornade toute petite, on voyait que les arbres commençaient à se coucher un par un" (témoignage d'Allan Marguet, rue de l'Eglise). Le tourbillon brise plusieurs grosses branches de frênes, épargne un hangar tout proche mais déplace une petite citerne en plastique, et traverse la rue de l'Eglise. Au nord immédiat de la rue, au niveau des Vies de Damprichard, des sapins de taille moyenne sont déracinés ou étêtés. Quelques habitations aux alentours subissent de faibles dégâts.
Côté sud de la rue de l'Eglise, une habitation est davantage touchée : cheminée brisée, couverture enlevée sur 25% du toit, véranda endommagée. La végétation à proximité de l'habitation est plus sérieusement atteinte : certains conifères de taille respectable sont brisés net à la base sur un front d'une dizaine de mètres. Le passage du cœur du vortex peut être suspecté à cet endroit précis. Les dégâts observés sur ce secteur de la rue de l'Eglise relèvent ponctuellement de l'intensité EF1.
© Keraunos
En poursuivant sa progression vers l'Est-Sud-Est, la tornade marque son passage à travers les champs : herbes couchées, arbres feuillus de faibles dimensions ébranchés. A l'extrême sud du bois de la Seignotte (commune de Damprichard), quelques conifères sont endommagés. Enfin, dans le bois du Grand Lomont (commune de Charquemont), plusieurs arbres (conifères et feuillus) sont étêtés ou brisés à mi-hauteur. Au-delà de ce point, aucun dégât n'a pu être relevé, mais des investigations complémentaires pourraient être menées près de la frontière suisse.
La largeur du phénomène, d'à peine quelques dizaines de mètres aux Ecorces, atteint ponctuellement 100 mètres en fin de trajectoire (voire davantage si l'on intègre les aspirations périphériques). La largeur moyenne retenue est de 60 mètres pour cet événement.
Photographies des principaux dommages:
A
1 Les Ecorces - Habitation endommagée, rue sur la Velle
2 Les Ecorces - Végétation endommagée, D435
3 Charquemont - Frênes ébranchés au Creux Feuvrier
4 Charquemont - Citerne en plastique déplacée
5 Charquemont - Rue de l'Eglise - Feuillus ébranchés et conifères étêtés
6 Charquemont - Rue de l'Eglise - Habitation touchée (toiture endommagée, cheminée brisée, véranda atteinte)
7 Charquemont - Rue de l'Eglise - Portes d'entrée d'un hangar arrachées
8 Charquemont - Le même hangar vu de l'intérieur
9 Charquemont - Haie de conifères brisée (arbres de taille respectable sectionnés à la base)
10 Charquemont - Vers la D201 - Traces du passage de la tornade dans les champs
11 Charquemont - Arbres ébranchés
12 Charquemont - Bois du Grand Lomont - Conifères étêtés ou brisés à mi-hauteur
Analyse de la cellule orageuse
La tornade de Charquemont s'est formée au sein d'une cellule orageuse de petite dimension, dont la constitution s'est opérée en Côte-d'Or, vers 12h30 locales. La cellule s'est ensuite intensifiée sensiblement entre 13h30 et 14h30, en transitant sur le nord du département du Jura, puis a connu des phases de forte activité également lors de son passage sur le département du Doubs. Son dernier pic d'activité est observé dans les environs de Charquemont, au moment de la tornade, avant que la cellule ne se dissipe progressivement sur le territoire suisse, dans les 45 minutes qui ont suivi.
On note dès l'initiation de la cellule un comportement original, avec une trajectoire déviée sensiblement sur la droite du vent moyen, et une longévité prononcée. Ceci laisse supposer la possible présence d'un mésocyclone au sein de cet orage.
Analyse de la situation météorologique
Le nord-est de la France se situait cet après-midi là au carrefour entre deux branches de courant-jet. L'une, orientée ouest-est, calée sur le sud de la France ; la seconde, orientée sud-nord, positionnée sur la Mer du Nord (voir le champ du modèle WRF 13 km Europe ci-dessous à gauche). L'ensemble positionnait le Doubs sous une diffluence modérée de haute altitude, dans une configuration assez peu dynamique de sortie gauche / entrée droite de jet.
Dans ce flux rapide circule un thalweg thermique d'altitude dont l’axe principal se présente sur la Franche-Comté en milieu d'après-midi, avant de gagner l'Allemagne et la Suisse en fin de journée (ci-dessous à droite). C’est au passage de cet axe de thalweg que l'activité convective la plus profonde a été observée sur tout le quart nord-est du pays.
Ces intrusions froides en altitude ont instabilisé les profils verticaux de la vallée du Rhône jusqu'à la Lorraine et à l'Alsace, avec des valeurs de S.-B. Lifted Index bien négatives. La simulation réalisée par le modèle WRF 1 km France présente ainsi des valeurs de -4 à -5 K dans les environs de Charquemont à l'heure de la tornade (voir ci-dessous à gauche).
Les cisaillements de basses couches se sont révélés modestes. Le modèle génère en effet sur la Franche-Comté une hélicité relative voisine de 100 m²/s² sur l'épaisseur 0-3 km, ce qui représente une valeur non négligeable mais un peu faible pour permettre des développements supercellulaires de grande ampleur (voir ci-dessous à droite).
Ces intrusions froides en altitude ont instabilisé les profils verticaux de la vallée du Rhône jusqu'à la Lorraine et à l'Alsace, avec des valeurs de S.-B. Lifted Index bien négatives. La simulation réalisée par le modèle WRF 1 km France présente ainsi des valeurs de -4 à -5 K dans les environs de Charquemont à l'heure de la tornade (voir ci-dessous à gauche).
Les cisaillements de basses couches se sont révélés modestes. Le modèle génère en effet sur la Franche-Comté une hélicité relative voisine de 100 m²/s² sur l'épaisseur 0-3 km, ce qui représente une valeur non négligeable mais un peu faible pour permettre des développements supercellulaires de grande ampleur (voir ci-dessous à droite).
Le radiosondage effectué à Payerne (Suisse) à 14h locales est le plus proche, géographiquement et temporellement, de la tornade de Charquemont. Même s'il ne représente qu'imparfaitement la situation réelle sur le Jura français, il confirme la présence de profils bien humidifiés et instables, dont l'essentiel des cisaillements sont contenus dans les très basses couches.
L'analyse de celui-ci permet d'établir les valeurs suivantes :
* MUCAPE de 1.761 J/kg
* MLCAPE de 1.080 J/kg
* MULI de -4 K
* MLLI de -2 K
* LCL bien abaissés à 598 mètres
* EL situés à 10.469 mètres
* cisaillements 0-6 km de 21 m/s
* SRH 0-1 km de 91 m²/s²
* SRH 0-3 km de 108 m²/s²
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