Observatoire français des tornades et orages violents

Plusieurs MCS du 19 au 21 mai 2012 et inondations meurtrières dans l'agglomération de Nancy

Durant les journées des 19 au 21 mai 2012, des orages localement violents se développent sur une bonne moitié est du pays. L'agglomération de Nancy est notamment balayée par des pluies orageuses torrentielles (R2) en première partie de nuit du 21 mai. Le bilan est lourd : un mort et des dégâts matériels très lourds

De forts orages de grêle dans le nord-est et d'abondants cumuls dans le sud-est  

Dimanche 20 mai, un système convectif bien organisé, formé au sein d'une convergence humide de basse couche, se présente dans le Golfe du Lion en matinée. Favorablement alimenté en air doux et humide, le système s'organise en QLCS fortement pluvieux entre l'Hérault et l'ouest du Gard, jusqu'aux Cévennes. Le bassin du Vidourle a concentré les plus fortes intensités pluviométriques puisque des lames d'eau horaires proches de 40 mm sont enregistrées entre Saint-Hippolyte-du-Fort et Conqueyrac. Les cumuls dépassent 100 mm dans plusieurs postes pluviométriques du piémont et du massif cévenol. Quelques inondations par accumulation en points bas sont reportées.

A son arrivée en vallée du Rhône, le système se désorganise quelque peu. Les pluies orageuses reprendront de la vigueur en soirée et surtout la nuit suivante entre l'est des Bouches-du-Rhône et l'ouest du Var. Des cumuls supérieurs à 130 mm sont enregistrés dans la région de Cassis.

Par ailleurs, durant ce même après-midi, des orages forts se développent dans les départements du Jura et de la Saône-et-Loire puis gagnent le Doubs, l'ensemble de la Franche-Comté, les Vosges du sud et le sud de la Champagne en soirée et nuit suivante. Ceux-ci s'organisent en un système convectif de méso-échelle (MCS) étiré le long d'une convergence de basse couche. Les premières monocellules évoluent rapidement entre la Saône-et-Loire et le Jura en produisant des chutes de grêle importantes, dont les diamètres sont parfois légèrement supérieurs à 4 cm. Des inondations sont également signalées (secteurs de Salins-les-Bains, Champagnole).

En fin de journée, au moins une supercellule s'organise sur le sud de la Champagne, alors que de nombreux orages grêligènes évoluent du sud du département des Vosges à l'Aube en passant par la Haute-Marne. D'autre part, de petites structures monocellulaires évoluent en fin de journée entre le nord Picardie et l'extrême sud du Nord. Ces orages adoptent rapidement un comportement rétrograde et déversent de fortes quantités de pluie.

Ces orages se sont développés à l'arrivée d'un forçage d'altitude dynamique et d'une convergence des vents bien établie en surface. Les profils verticaux demeuraient fortement instables sur le secteur (plus de 1500 J/kg de MUCAPE). Les niveaux d'équilibre étaient pour leur part prévus voisins de 10 km environ. Des sommets pénétrants, bien distincts sur l'image satellite visible expliquent les très basses températures observées au sommet des nuages (entre -63 et -68°C).

Chutes de grêle en Alsace et orage meurtrier dans l'agglomération nancéienne

Lundi 21 mai, un retour d'est instable se met en place sur les deux tiers de la France. C'est à nouveau dans les régions du nord-est que les orages les plus vigoureux se développent en début de soirée. Le nord de l'Alsace (Bas-Rhin) est ainsi balayé par des orages de grêle (2 à 3 cm en général) en début de soirée. Ceux-ci progressent ensuite vers l'est de la Lorraine et commencent à s'organiser en un système convectif de méso-échelle (MCS) très pluvieux. Des lames d'eau extrêmement importantes sont ainsi récoltées entre le Bas-Rhin et la Meurthe-et-Moselle.


Que s'est-il passé à Nancy ?

En première partie de nuit, l'agglomération nancéienne est balayée par des orages fortement pluvieux, qui ont déversé des quantités de pluie record (82 mm en 2h, 103 mm sur la journée climatologique du 21 mai dont 49 mm en une heure, soit un niveau R2), battant ainsi largement le record de précipitations en 24h, tous mois confondus. La topographie des lieux et la très forte urbanisation de la zone impactée sont autant de facteurs qui ont accentué le nombre et la sévérité des dommages. L'image satellite vapeur d'eau ci-contre montre l'ampleur de la convection sur le nord-est du pays, à l'aplomb du forçage d'altitude revenant par l'est.

En effet, de l'air chaud et humide en basse couche, surplombé par la circulation d'air froid en altitude a rendu les profils atmosphériques bien instables sur la région. Dans le courant de la soirée, une anomalie d'altitude revient par l'Allemagne et place la Lorraine en entrée droite d'une petite branche de jet. Parallèlement, un minimum de méso-échelle, structuré sous la forme d'un thalweg de surface particulièrement bien dessiné, se creuse dans l'air chaud et stationne plusieurs heures sur le nord-est de la France. La colonne troposphérique, fortement chargée en humidité, a favorisé l'occurrence de très fortes précipitations.

Les effets hydrologiques de cet épisode sont immédiats : plus de 200 pompiers mènent près de 800 interventions toute la nuit, procédant à des dizaines d'évacuations, principalement sur la partie est de l'agglomération dans les communes d'Essey-lès-Nancy et de Saint-Max, où l'eau atteint par endroits près de 2 mètres. Une personne âgée est retrouvée morte lors d'une intervention à son domicile d'Essey-lès-Nancy. Selon la mairie, la victime a été surprise par une inondation dans sa cave.

Un phénomène prévisible ?

Si la localisation exacte de tels orages demeure à ce jour un enjeu majeur dans le domaine de la prévision convective, le ciblage du risque à l'échelle régionale est devenu parfaitement possible. Ainsi, le bulletin 24h émis par KERAUNOS en tout début de matinée faisait état d'un "risque d'orages fortement pluvieux producteurs de lames d'eau très importantes (parfois plus de 60 mm en peu temps)" sur la zone en niveau 2/4.

L'interprétation des différents modèles de prévision (cf. ci-dessus) a effectivement permis de mettre en évidence des signaux très importants d'un risque de précipitations orageuses diluviennes en fin de journée sur la Lorraine et régions limitrophes.

A noter enfin que si cet évènement de Nancy est intrinsèquement exceptionnel, l'orage ne peut techniquement être qualifié que de "fort" (d'où une prévision de niveau 2 [orange]) et non de "violent", dans la mesure où il n'a pas été signalé de chutes de grêle de plus de 2 cm ou des rafales de vent destructrices sous cet orage.

Revue de presse

Inondations : l'agglomération de Nancy sous les eaux
L' Est Républicain


Dégâts très lourds après les inondations, paysage de désolation De violents orages, accompagnés de précipitations record, ont provoqué de très lourds dégâts matériels, mais pas de blessés, à Nancy dans la nuit de lundi à mardi, laissant un paysage de désolation entre avenues inondées et voitures à la dérive. Plus de 200 pompiers ont mené 648 interventions toute la nuit, procédant à des dizaines d’évacuations, principalement sur la partie est de l’agglomération dans les communes d’Essey-lès-Nancy et Saint-Max.

Le maire de Nancy, André Rossinot, a indiqué qu’il demanderait à l’Etat la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. «Il n’y a pas de blessés, aucune personne dont la vie est en danger, mais beaucoup d’inondations. A Nancy, un sous-plafond est tombé sous le poids de l’eau», a indiqué la directrice de cabinet du préfet de Meurthe-et-Moselle, Magali Daverton, qui avait mis en place une cellule de crise en début de nuit. A 7 h 30, 4.100 personnes étaient toujours privées d’électricité dans l’agglomération. D’innombrables caves ont été submergées par les inondations dans toute l’agglomération et de nombreuses routes ont été défoncées «par des torrents de boue comme on en avait jamais vus», selon les habitants. A certains endroits, l’eau est montée jusqu’à 2 mètres, faisant dériver les voitures sur plusieurs centaines de mètres. «Contrairement aux autres, ma voiture n’a pas chaviré, car elle a été retenue par un poteau. Mais ça ne change rien: elle a été remplie de boue», se désolait un habitant de Saint-Max, Emmanuel Davy, mardi matin. «On ne pouvait rien faire, l’eau arrivait de partout, débordait des plaques d’égout, avec un débit impressionnant», a expliqué le sinistré. «Il y a un petit cours d’eau, le Gremillon, qui était déjà saturé lundi. Avec les orages, il a complètement débordé», a-t-il ajouté. Au milieu des fortes odeurs de fioul, en raison de nombreuses fuites, la gérante d’une entreprise de broderie, Carole, a pour sa part affirmé n’avoir «jamais vu une telle chose». «C’est unique. Normalement, il n’y a jamais de crue ici depuis qu’ils ont canalisé la Meurthe il y a 30 ans», s’est-elle désolée. Dans la quartier de la Commanderie, à Nancy, plus d’un mètre d’eau a inondé les caves en quelques minutes, a expliqué une habitante qui a dû faire face «à un véritable torrent». «On n’y croyait pas, quand on disait à nos voisins de regarder par la fenêtre, ils étaient stupéfaits de la vitesse de la montée des eaux», a-t-elle raconté. A Tomblaine, une vingtaine de personnes sont toujours hébergées dans un gymnase, mais il n’y a pas eu «d’évacuations de masse», selon la préfecture de Meurthe-et-Moselle. De nombreuses écoles ont été fermées et les réseaux de transports en commun sont très fortement perturbés, a annoncé la mairie de Nancy. Plusieurs routes départementales n’étaient par ailleurs toujours pas accessibles en début de matinée. Les précipitations de la nuit ont battu un record absolu à Nancy: on a relevé 86 mm en trois heures, dont 49 mm en une heure et 15,7 mm en à peine six minutes.

En savoir plus sur les orages très pluvieux en France

+ consulter la page dédiée à la climatologie des épisodes de forte pluie

+ découvrir la page dédiée à l’échelle R des épisodes pluvieux