Observatoire français des tornades et orages violents

Deux MCS en France dans la nuit du 23 au 24 septembre 2012

Entre les 23 et 24 septembre 2012, une dégradation orageuse active balaie plusieurs régions de France. Un premier MCS provoque des dégâts en Normandie, puis un second MCS provoque de puissantes rafales convectives dans les régions du sud-est. 

Un MCS actif en Normandie

En soirée du 23 septembre 2012, de puissants orages balaient le nord de l'Aquitaine provoquant des rafales proches de 90 km/h, voire davantage. Quelques coupures d'alimentation électrique sont reportées dans le Béarn. Un peu plus tard dans la soirée, des orages accompagnés de chutes de grêle parfois fortes, et de rafales de vent localement supérieures à 90 km/h, traversent la Vendée. Des dommages épars sont signalés, notamment entre les Sables-d'Olonne et le nord de la Roche-sur-Yon. Ces orages s'organisent en un petit système convectif actif, en progressant en direction de la Sarthe. A l'avant, quelques cellules orageuses circulent en ordre dispersé ; l'une d'entre elles balaie la région d'Evreux (Eure) et présente un arcus multicouche doublé d'une forte activité électrique.

En toute fin de soirée, un MCS linéaire très actif se développe entre la Seine-Maritime et la Manche, en générant un bow-echo sur sa bordure sud ; ce dernier transite sur le littoral de la Seine-Maritime en produisant de très fortes pluies et des rafales de vent localement destructrices. Ce système convectif se greffe sur un corps pluvieux convectif anarchique et peu actif, qui s’était formé vers 17h00 locales sur la Bretagne. Ce dernier, en progressant vers la Normandie, bénéficie en début de soirée d’une dynamique de plus en plus marquée et de profils verticaux dotés d’une instabilité latente plus significative. L’hodographe reconstitué pour la région du Havre à 20h00 locales témoigne ainsi de cisaillements profonds de 26 m/s et d’une SRH 0-1 km de 54 m²/s², ce qui constitue des éléments propices à des organisations convectives bien structurées. 

De fait, le caractère convectif du corps pluvieux en provenance de Bretagne se renforce vers 20h00 locales en abordant le Calvados, avec la constitution d’une cellule orageuse de taille modeste mais virulente. Cette cellule transite alors rapidement en direction de la Baie de Seine, tandis que l’activité du système pluvieux situé immédiatement au nord, en Manche, s’accentue et devient fortement orageuse. L’ensemble constitue ainsi dès 20h45 un MCS actif, en grande partie situé en mer, mais dont la partie sud touche la Seine-Maritime. Cette extrémité sud bénéficie alors de cisaillements renforcés, comme souvent dans cette portion des MCS linéaires. Elle évolue ainsi rapidement en une structure virulente et arquée (bow echo) en approchant du Havre, avant de circuler sur un axe Saint-Romain-de-Colbosc / Dieppe. Dotée d’une vitesse de déplacement plus élevée que le flux moyen directeur, cette cellule arquée finit par induire une déformation du MCS linéaire qui progresse simultanément en Manche ; ce dernier connaît dès lors une phase de LEWP pendant environ 40 minutes. Vers 22h00 locales, la structure arquée s’étiole et le MCS reprend une structure linéaire plus classique, quelques instants avant de toucher les côtes du Pas-de-Calais.

A son passage, de très fortes pluies et une activité électrique très marquée sont observées en Normandie. Plusieurs communes de Seine-Maritime subissent des dommages, comme c'est le cas à Epretot, ainsi qu'entre Saint-Romain-de-Colbosc et Manéglise, jusqu'à la sortie est de Gommerville. A signaler par ailleurs que les communes du Havre et de Dieppe ont été inondées, certaines rues étant couvertes par plus de 50 cm d'eau.

 

Photographies de Julien BATARD avec des dégâts observés à Etrepot.

Supercellules dans l'ouest et second MCS dans le quart sud-est 

Deux structures supercellulaires sont également observées en cours de soirée sur la Sarthe, la Mayenne et l'Orne. Aucun retour de terrain ne permet d'indiquer de potentiels dégâts liés à la grêle ou aux fortes rafales de vent.

En cours de nuit du 23 au 24 septembre 2012, les forçages s'intensifient en Méditerranée. Alors que l'anomalie d'altitude approche, des noyaux de divergence significatifs circulent à haute altitude. Ils sont relayés près du sol par une convergence des vents très humide, avec des profils verticaux instables et fortement chargés en potentiel précipitable (jusqu'à plus de 40 mm). Le radiosondage de Nîmes-Courbessac, tiré à 23h TU, présente encore une petite couche d'inversion à l'étage moyen inférieur, qui a aisément été percée par l'arrivée des forçages. Ce sondage met également en évidence la présence d'assèchements notables à l'étage moyen, favorisant ainsi le potentiel de rafales descendantes puissantes. Cette observation se vérifie par l'observation de violentes rafales, notamment à Valence où une valeur de 125 km/h est mesurée, alors que l'Ardèche et le Gard sont balayés par des rafales de 90 km/h à 110 km/h.

Le MCS qui finit par se constituer dans cette région balaie tout le quart sud-est du pays, et se montre particulièrement puissant, avec des sommets convectifs très froids (inférieurs à -70°C). Quelques dégâts sont signalés jusqu'en Isère, où l'activité orageuse permet de saisir des impacts de foudre au lever du jour.

Images satellite IR thermique de 01h25 et 02h24 TU à gauche - Activité orageuse depuis le plateau Matheysin (38) à droite - Photographie de Christophe STAGNETTO - Page Facebook



Prévisibilité des lames d'eau dans le sud-est

La réaction de l'indicateur expérimental développé par KERAUNOS sur une version de WRF dédiée à la prévision convective - indicateur dévolu à la simulation des lames d’eau horaires extrêmes (en mm) - a été très pertinente. Des lames d'eau horaires atteignant 60 à 70 mm sont en effet relevées dans le Gard. D'une manière générale, cet épisode convectif très actif génèrent des cumuls de 50 à 90 mm entre l'Ardèche, le Gard, le Vaucluse et la Drôme.

Champ de prévision de l'indicateur lames d'eau horaires extrême de WRF 6km (run de 18z le 22 septembre)