Observatoire français des tornades et orages violents

Les violents orages des 27 et 28 juin 2011 dans la moitié nord de la France

Les 27 et 28 juin 2011, des orages parfois violents sont observés dans les départements des Ardennes, de la Marne, du Nord (Avesnois, Sambre), de l'Yonne et de l'Allier. De fortes précipitations, des chutes de grêle et des rafales de vent destructrices occasionnent de nombreux dégâts et rendent les conditions de circulation routière et ferrovière particulièrement difficiles. Des grêlons de 6 à 7 cm de diamètre sont observés entre Sars-Poteries et Beugnies, dans le département du Nord.

Ces orages, bien anticipés par Keraunos, avaient nécessité la mise en place d'un niveau de risque 3/4 dans le bulletin de prévision 24h. Les forçages d'altitude, structurés mais moyennement dynamiques, ont vraisemblablement empêché le déclenchement d'orages encore plus destructeurs, qui auraient très probablement nécessité la mise en place du niveau de risque maximal 4/4.

Résumé de l'épisode orageux

L'épisode orageux se structure en deux temps, entre lundi 27 juin en soirée et le mardi 28 juin dans l'après-midi.

Dès le 27 juin, une supercellule particulièrement active balaie le département de l'Oise, peu après 20h locales. Elle occasionne des chutes de grêle de 3 à 4 cm de diamètre lors de son passage, ainsi que d'intenses précipitations. Le mésocyclone de cette supercellule a pu être photographié par une équipe mobile de KERAUNOS. La photographie est disponible en bas de page.

En fin de soirée du 27 juin et durant la nuit suivante, les orages se multiplient entre le centre-ouest et la Normandie. Bien que peu virulents, ils acquièrent un potentiel électrique particulièrement important, en causant de nombreux dommages dus à la foudre. De fortes précipitations locales provoquent des phénomènes de ruissellements et d'accumulations en points bas.

Le lendemain, mardi 28 juin, après une matinée ponctuée par des averses orageuses sporadiques le long de la limite froide évoluant en Normandie, la convection s'amplifie nettement dans l'après-midi sur le Massif-Central (Puy-de-Dôme et Allier) puis sur les départements du Nord et de l'Aisne (Sambre, Thiérache, Douaisis et Cambrésis). Chutes de grêle et pluies intenses sont observées avec des dégâts aux infrastructures, à la végétation et aux véhicules.

En fin de journée, un orage multicellulaire actif, produisant des phénomènes venteux destructeurs, s'organise sur l'ouest de la Champagne (des Ardennes à la Marne), avant une évolution en un système quasi-linéaire (QLCS) qui s'étire alors des Pays-Bas à la Belgique, et jusqu'en Champagne.

Autres orages observés le même jour :

Des orages plus modérés touchent également la côte Aquitaine entre les 27 et 28 juin. Un départ d'incendie est provoqué par la foudre dans le sud-ouest de la Gironde. Le lendemain 28 juin, un puissant orage de grêle frappe la Haute-Ariège (Mérens-les-Vals). De la Normandie à l'Ile-de-France, les orages restent modérément actifs, l'activité convective principale s'étant produite plus à l'est, entre le Massif-Central et la Champagne.
 

Phénomènes observés

De nombreuses chutes de grêle marquent ces journées des 27 et 28 juin 2011 ; d'abord du centre-ouest à la Picardie en soirée et nuit du lundi 27 juin, puis du Massif-Central aux Ardennes le 28 juin durant l'après-midi et la soirée.

Sous la supercellule qui a évolué sur le département de l'Oise, des grêlons de 3 à 4 cm de diamètre sont observés localement. Les chutes de grêle sont restées plus modérées sur les départements du centre-ouest la nuit suivante. Le lendemain, le potentiel grêligène était très important sur l'axe Auvergne-Ardennes. Des grêlons de 3 à 5 cm, parfois jusqu'à 6 cm sont relevés notamment dans l'Allier, l'Yonne, le Nord, les Ardennes et la Marne.

De violentes rafales convectives, localement organisées en microrafales, sont également observées. Une valeur de 142 km/h a ainsi été relevée par Météo-France à l'aérodrome de Belval (station de Charleville-Mézières), ce qui constitue un nouveau record absolu pour la jeune station. Des lames d'eau parfois importantes sont également relevées : 70 mm à Charleville-Mézières dont plus de 40 mm en 2 heures. Ce cumul constitue également un record de précipitations en 24h.

De nombreux témoignages font état de dommages significatifs en plusieurs points du département des Ardennes : grêlons de gros diamètre dans les secteurs de Tournes, Cliron, Houldizy ; récoltes endommagées ; dans le secteur d'Houldizy, la couverture en tôle d'un hangar agricole s'est enroulée sur elle-même, "comme un opercule de boite de sardine". Par ailleurs, des inondations importantes sont observées à Charleville-Mézières (quartier de la gare), où des toitures sont également endommagées. La chaussée est défoncée sous la pression des égoûts place du Moulinet et rue d'Etion. Quelques arbres sont déracinés ou cassés, ainsi que des grosses branches. Des coupures d'électricité sont également signalées. D'autres rafales, de 90 km/h à 110 km/h se  produisent dans la Champagne et l'Avesnois, en provoquant des dégâts.

Il faut noter que seules les lames d'eau remarquables relevées apparaissent sur la carte. Même chose au niveau des rafales convectives. Les chutes de grêle reportées incluent tous les diamètres.

 

Contexte météorologique

L’épisode orageux des 27 et 28 juin 2011 se constitue dans une configuration synoptique caractéristique des dégradations orageuses estivales sur notre pays. En l’occurrence, on note la présence, le 27 juin, d’une très puissante dorsale d’altitude, étirée depuis l’Afrique du Nord jusqu’à la Scandinavie. Elle se positionne entre une goutte froide isolée sur le sud-est de l’Europe et un vaste thalweg situé sur le proche Atlantique. Ce dernier est piloté par un minimum calé à proximité de l’Islande. La proximité de l’axe de dorsale, qui se décale très lentement vers la moitié est du pays en soirée du 27 juin, tend à maintenir l’essentiel des dynamismes à distance, sur l’Atlantique et les îles britanniques.

Ce type de configuration assure typiquement la remontée vers la France des masses d’air habituellement positionnées sur l’Afrique du nord, en produisant un puissant flux de SSO dans toute l’épaisseur de l’atmosphère. L’analyse des températures à 850 hPa est explicite et témoigne d’un échauffement des basses couches d’une intensité remarquable pour une fin juin. Les températures à 850 hPa dépassent ainsi 20°C des Pyrénées au Nord – Pas de Calais, avec des pointes à plus de 22°C. Les températures maximales à 2m approchent les records mensuels, voire en établissent de nouveaux dans certaines stations, avec des pointes jusqu’à près de 40°C dans le Sud-Ouest, 38°C dans le Centre, 36°C en Ile-de-France et 35°C sur le Nord.

Cette advection d’air subtropical n’est pas sans conséquence sur l’instabilité latente de l’atmosphère. Le modèle WRF 8 km simule ainsi une MUCAPE extrêmement forte, généralement supérieure à 2500 J/kg, avec des pointes à 4800 J/kg entre Normandie et Pas-de-Calais. Néanmoins, cette simulation est biaisée par une surestimation du contenu en vapeur d’eau des plus basses couches de l’atmosphère, en comparaison avec les valeurs réellement observées. Après correctifs, il apparaît ainsi que la MUCAPE réellement en présence ce 27 juin en soirée avoisinait 3000 à 3500 J/kg, ce qui constitue déjà une instabilité verticale particulièrement forte. Néanmoins, l’activité orageuse est restée très isolée jusqu’en fin de soirée du 27 juin, malgré ces niveaux d’instabilité très élevés.

La conjugaison d’une forte inhibition convective et d’un éloignement des forçages n’a en effet pas permis dans un premier temps aux mouvements convectifs d’atteindre les niveaux de convection libre (LFC). Une zone de rupture de l’inhibition a toutefois été observée sur la Picardie, en début de soirée, avec développement soudain d’une supercellule particulièrement active. On note d’ailleurs que cette zone de rupture est, en toute logique, corrélée à un abaissement significatif des niveaux de convection libre, qui passent assez brutalement de plus de 3000 mètres sur le Bassin Parisien et la Normandie, à moins de 2400 mètres sur la Picardie, en soirée.

 
 
Le 28 juin, les forçages principaux abordent la France. Le thalweg d’altitude gagne en dynamisme, notamment à l’étage supérieur, avec un axe principal étiré en soirée de l’Irlande à la Bretagne. A l’avant immédiat, le flux accentue son caractère divergent, notamment sur un axe étiré du Massif Central aux Ardennes et à la mer du Nord. Cette puissante dynamique synoptique s’applique sur des profils extrêmement instables, caractérisés entre autres par une SBCAPE qui, en début de soirée, excède 4000 J/kg sur Champagne-Ardenne, l’est de la Picardie et le sud-est du Nord – Pas de Calais. Les indices de soulèvement y sont inférieurs à -10°K. Dès le milieu de journée, le radiosondage de Trappes, pourtant réalisé à l’écart des régions soumises à l’instabilité la plus forte, indiquait déjà une MUCAPE 3044 J/kg et un MULI de -8,3°K, avec niveaux d’équilibre positionnés à près de 12 km d’altitude et contenu en eau précipitable de 40 mm.

 
 
 A l’étage moyen, l’instabilité la plus marquée est observée sur le Massif Central d’une part, et de l’Aube aux Ardennes et au département du Nord d’autre part, avec un TTI supérieur à 55°C. L’ensemble constitue une situation particulièrement instable, propice à des développements orageux sévères. A l’inverse de la soirée de la veille, la présence de forçages bien phasés et mieux structurés a permis une exploitation de cette instabilité latente et le déclenchement généralisé d’une convection profonde du Massif Central au Nord – Pas de Calais. Cette très forte activité convective a entre autres généré d’intenses précipitations, favorisées par un contenu en eau précipitable particulièrement élevé, compris entre 45 et 51 mm de l’Aube au Nord.
 
  
 
  

Coupures de presse

Lendemain de tempête dans la Marne et les Ardennes
source : L'Union

Orages, rafales de vent, déluge de pluie, averses de grêle, coulées de boue... Les Ardennes et la Marne se réveillent ce matin en faisant le bilan des dégâts de la nuit. Le phénomène orageux a été aussi violent que localisé.

Dans les Ardennes, c'est autour de Charleville-Mézières que les dégâts sont les plus importants : caves inondées, toitures arrachées ou endommagées, arbres couchés. Dans la Marne, une coulée de boue s'est produite à Cormicy et Prunay a essuyé un impressionnant passage de grêle. D'après nos premières informations, les vignes seraient relativement épargnées. Les vignerons sont ce matin dans les galipes pour vérifier l'état des vignes pour faire le point sur la situation.

Beaucoup de vent et beaucoup de pluie la nuit dernière dans les Ardennes

La vigilance orange a été levée sur l'ensemble des départements dont la Marne et les Ardennes. La vigilance est passée au niveau jaune en raison de la persistance d'averses orageuses. Quelques rafales autour de 60km/h sont encore possibles. Les orages ont été souvent forts et localement violents la nuit passée, de l'Aube aux Ardennes, en première partie de nuit essentiellement. D'impressionnantes rafales de vent ont été enregistrées mardi soir :

142 km/h à Charleville-Mézières
86 km/h à Châlons-Vatry
89 km/h à Reims-Courcy
90 km/h à Saulces-Champenoises
95 km/h à Chouilly-51

Les intensités de pluie ont été également notables par endroits :

23,2 mm en 1heures à Charleville-Mézières(et 58,8 mm en 3heures),
20,4mm en 1heure à Launois-sur-Vence (et 45,6mm en 3heures),
20mm en 1heure à Reims-Courcy,
19,7mm en 1heure à Rocroi et
18,1mm en 1heure à Mourmelon-le-Grand.

Les sapeurs-pompiers ont reçu 534 appels et sont intervenus 208 fois sur le département des Ardennes. C'est le secteur de Charleville-Mézières qui a été le plus touché par la tempête. Voici le détail des interventions des pompiers communiqué par ce matin par la préfecture :

150 protections de biens
22 dégagements de voies publiques
17 épuisements d’eau
12 interventions pour des dégâts de bâtiments et 2 pour objets menaçants de tomber.

Au total, 93 sapeurs-pompiers ont été mobilisés sur les interventions. Selon ERDF, 8 000 foyers ont également été privés d’électricité au plus fort du phénomène météorologique. ERDF met tout en œuvre pour rétablir la situation dans les meilleurs délais. 759 foyers sont toujours, à cette heure, privés d’électricité. Un TGV, avec 70 passagers à son bord, a également été bloqué entre Poix-Terron et Charleville-Mézières. La SNCF, avec l’appui des sapeurs-pompiers, a pris en charge ces personnes par autocar.

La Marne pas épargnée par les orages et la grêle

Dans la Marne, les orages et les fortes pluies se sont concentrées sur l'agglomération de Reims. Les sapeurs-pompiers ont réalisé 350 interventions dans la nuit de mardi à mercredi pour des caves inondées, des toitures endommagées et des arbres couchés. À minuit, 2500 foyers étaient privés d'électricité toujours dans le même secteur. Ce matin, il n'en restait plus qu'une cinquantaine. À Prunay, un impressionnant épisode de grêle a fait des dégâts matériels. À Cormicy, une coulée de boue a provoqué de nombreux dégâts. Le vent a soufflé fort, hier dans la Marne :

86 km/h à Châlons-Vatry
89 km/h à Reims-Courcy
95 km/h à Chouilly

Les intensités de pluie ont été également notables par endroits :

20mm en 1heures à Reims-Courcy,
18,1mm en 1heure à Mourmelon-le-Grand.

Aisne : les pompiers débordés

Le département n'était pas placé mardi soir en vigilance orange mais les orages ont sévi très fort localement et ont concerné une grande partie de l'Aisne avec de fortes pluies, une intense activité électrique et des rafales localement fortes. Les sapeurs pompiers ont mis en place une cellule de crise afin de gérer l'afflux d'appels importants de sinistrés. Les orages ont débuté vers 21h30 sur le secteur de Neufchâtel, vers 22h40 sur Saint-Quentin. Bilan à 23h30 : aucun blessé n'est à déplorer. Les pompiers toujours sur Neufchâtel étaient alors également sur Château-Thierry, Ressons-le-Long (Soissonnais) et un peu sur Chauny.

Assèchement des sols, mise en sécurité des différentes installations et aide à la population pour la mise hors de l'eau des meubles sont les principales tâches des secouristes. Quelques arbres sont aussi tombés sur la voie publique, précisent encore les pompiers qui sont toujours submergés par les nombreux appels et qui se préparent à passer une très longue nuit.

De violents orages s'abattent (encore) sur l'Avesnois, causant de nombreux dégâts
source : La Voix du Nord

Un bruit assourdissant, des carrosseries constellées d'impacts. Une fois n'est pas coutume, l'orage de mardi soir a amené avec lui des averses de grêles. A Sars-Poteries et Beugnies, de nombreuses voitures ont subi les dommages d'un tel déluge. Les automobilistes circulant de Locquignol à Maroilles en passant par la forêt de Berlaimont ont dû, en raison des grêlons tombés du ciel, prendre leur mal en patience et stationner leur véhicule à l'abri en attendant que l'orage passe. Un orage qui a fait des dégâts sérieux. A Sars-Poteries, de nombreuses carrosseries de véhicules ont été endommagées notamment dans la rue principale (celle menant à Solre-le-Château).

Autres victimes, les cultures. Les agriculteurs ont été touchés alors qu'ils avaient déjà été victimes d'intempéries l'année dernière et ces derniers temps de la sécheresse. Pour Philippe Willot par exemple, exploitant agricole à Dourlers, c'est l'intempérie de trop. L'averse de grêle a haché les fleurs de maïs en pleine floraison, a jeté par terre des épis entiers d'escourgeon, quasiment prêt pour la récolte. La perte est de 30 à 50 %. « C'est répétitif. C'est tous les ans à la même époque. À quinze jours près, c'est la même date que l'an dernier », remarque-t-il. On se souvient encore l'année passée de champs dévastés par les orages et de plants de maïs méconnaissables.
 

Galerie photographique



Orage très électrique dans le Nord-Pas de Calais en soirée du 27 juin © MAHIEU-WESOLEK - Même cellule orageuse vue depuis Steenvoorde (Nord) © Philippe TALLEU


Foudroiement intense et régulier à Chérancée (Mayenne) dans la nuit du 27 au 28 juin © Florian LASDOULOURS - Activité orageuse nocturne, dans la nuit du 27 au 28 juin, dans la région de Caen (Calvados) © Igor HOLLMAN


Forte activité électrique associée au MCS qui a balayé le Calvados dans la nuit du 27 au 28 juin 2011 © Florent RENAUT - Forte activité électrique associée au MCS qui a balayé l'Eure-et-Loir dans la nuit du 27 au 28 juin 2011 © Xavier DELORME


Supercellule en fin de vie sur l'est de l'Oise, en soirée du 27 juin © MAHIEU-WESOLEK - Grêlons de 6 à 7 cm partiellement fondus à Sars-Poteries (Nord) © Lucille BLAISE