Canicule d'août 2003 : des orages parfois forts et une tornade EF1 dans le Rhône
La canicule de l'été 2003 a surtout produit des orages très électriques sur les reliefs. Elle s'illustre également par une tornade EF1 dans le département du Rhône.
L'été 2003 a été exceptionnellement chaud en France, à tel point qu'il est sans équivalent depuis au moins le début des années 1950. Cette très forte chaleur persistante a connu son apogée durant la première quinzaine du mois d'août, pendant laquelle une canicule exceptionnelle concerne l'ensemble du pays. Les températures dépassent alors souvent 35°C, avec des pointes supérieures à 40°C, en plaine, sur les deux-tiers sud du pays, ainsi que ponctuellement en Bretagne. Les stations Météo-France de Saint-Christol-lès-Alès et de Conqueyrac, dans le Gard, enregistrent une température maximale de 44,1°C durant cet épisode caniculaire.
Une situation de blocage avec masse d'air extrêmement chaude
Le caractère exceptionnel de la canicule d'août 2003 tient d'une part à sa persistance, et d'autre part au caractère exceptionnellement chaud de la masse d'air en présence.
L'animation ci-dessous à gauche présente la dynamique en haute troposphère (tropopause dynamique et isohypses 300 hPa) pour la période du 1er au 15 août 2003, par pas de 6 heures. On remarque la constitution d'une très puissante dorsale sur l'Europe de l'ouest dès le début du mois. Celle-ci reste ensuite en position, dans une configuration de blocage de type "oméga" (les hautes pressions d'altitude sont encadrées, à l'ouest et à l'est, par des minimums dépressionnaires peu mobiles). Ce véritable barrage qui s'établit sur l'Europe durant ces 15 jours est la raison principale qui explique la durée de cette canicule et l'entretien de la chaleur sur place.
Cette situation bloquée a été particulièrement chaude en raison d'un flux persistant en provenance d'Afrique du Nord. L'animation ci-dessous à droite présente la température à 850 hPa (vers 1.500 mètres d'altitude). On y voit des remontées constantes d'air brûlant depuis le Sahara vers la France, via l'Espagne. Du 5 au 12 août, la température dépasse 20°C en permanence à 850 hPa sur l'ensemble du pays, ce qui n'a pas d'équivalent depuis le début des années 1950.
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Une instabilité latente marquée, mais très peu de cisaillements
La très forte chaleur présente près du sol a rendu les profils verticaux régulièrement instables sur la France durant cet épisode de canicule. Les réanalyses en résolution 2,5° (environ 250 km) permettent d'établir des valeurs moyennes de MUCAPE souvent comprises entre 1.000 et 2.000 J/kg. Des reforecasts réalisés avec le modèle WRF-NMM, à moyenne et haute résolutions, mettent toutefois en évidence des valeurs parfois très supérieures, proches de 4.000 J/kg, notamment les 6 et 7 août.
Cette instabilité latente a été accompagnée d'une très forte inhibition convective, liée à une forte épaisseur d'air chaud et sec dans les basses couches. Les déclenchements orageux ont dès lors été souvent initiés dans les zones de relief durant cet épisode caniculaire, d'autant que les forçages synoptiques étaient quasiment inexistants et la dynamique de basses couches très pauvre (comme en témoigne la très faible hélicité relative présente dans les réanalyses ci-dessous à droite).
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Analyse des radiosondages : jusqu'à 24,2°C à 850 hPa
Les radiosondages réalisés par ballon-sonde durant la canicule présentent des caractéristiques exceptionnelles, notamment pour ce qui concerne les profils thermiques.
Ainsi, à Trappes, la plus forte température relevée à 850 hPa (soit vers 1.500 mètres d'altitude) est de 22,8°C le 6 août à 02h locales et le 11 août à 02h locales. A noter qu'une température nocturne remarquable de 30,6°C est mesurée à 300 mètres au-dessus du sol le 7 août à 02h locales.
Cette épaisseur d'air très chaud sur plusieurs centaines de mètres est confirmée par les mesures de la station météorologique positionnée au sommet de la Tour Eiffel (319 mètres d'altitude). Cette dernière mesure une température remarquable de 32°C à 02h locales les 11 et 12 août. En journée, les valeurs relevées dépassent largement 35°C.
A Bordeaux, la plus forte température relevée à 850 hPa est de 24,0°C le 5 août à 14h locales. A Lyon et à Nîmes, cette plus forte valeur est de 24,2°C, le 13 août à 02h locales (voir profil ci-contre).
Durant cette période, les profils les plus instables sont enregistrés :
* le 5 août à 02h locales pour Lyon, avec une MUCAPE de 1.641 J/kg et un MULI de -4,0 K.
* le 8 août à 02h locales pour Trappes, avec une MUCAPE de 2.801 J/kg et un MULI de -9,0 K.
* le 11 août à 14h locales pour Nîmes, avec une MUCAPE de 3.331 J/kg et un MULI de -7,0 K.
* le 13 août à 14h locales pouir Bordeaux, avec une MUCAPE de 2.981 J/kg et un MULI de -9,0 K.
Cette instabilité latente marquée a toutefois été associée à une très forte inhibition convective sur la plupart des profils, ce qui explique une concentration assez nette de l'activité orageuse sur les reliefs durant une majeure partie de cet épisode caniculaire.
Résumé de l'activité orageuse
Si les orages qui se sont développés sur la France durant la canicule de 2003 ont été électriques et localement porteurs de grêle, ils n'ont pas causé de dommages majeurs.
1 et 2 août : aucun orage n'est observé sur la France
3 et 4 août : des orages sporadiques éclatent sur le massif alpin en soirée, sans présenter de sévérité marquée
5 août : après quelques orages nocturnes de faible intensité sur le Finistère, de nouveaux développements orageux affectent les Alpes en fin de journée. Des orages frappent également le Massif Central. L'activité électrique est importante.
6 août : des orages très électriques et parfois accompagnés de grêle se développent sur le sud des Alpes dans l'après-midi. En soirée, ils s'étendent et touchent la majeure partie des Alpes françaises et débordent en vallée du Rhône. Une tornade EF1 frappe la commune de Chaponnay, dans le Rhône. Quelques orages circulent également entre Languedoc et Massif Central. Le tonnerre gronde sur les Pyrénées.
7 août : les orages gagnent du terrain et concernent Midi-Pyrénées, le Massif Central et les Alpes en soirée et début de nuit (voir image satellite ci-contre). En cours de nuit, quelques cellules orageuses évoluent également sur le nord de l'Aquitaine.
8 août : des développements orageux sont observés en Lorraine, en fin d'après-midi et en soirée. Comme les jours précédents, des orages se forment sur les Alpes et le Massif Central.
9, 10, 11, 12 août : l'activité orageuse est anarchique sur la France. Elle se déclenche de manière éparse sur le territoire, autant sur les reliefs que vers la Normandie ou le Nord - Pas de Calais.
13 et 14 août : une dégradation orageuse organisée (la seule de cette canicule) balaie toutes la France d'ouest en est entre le soir du 13 août et l'après-midi du 14 août. Seuls le Nord - Pas de Calais, la Picardie, l'Aquitaine et Midi-Pyrénées sont épargnés.
le 15 août : vers 10h locales, un avion de la compagnie Easyjet, peu après son décollage de Genève pour Londres, est confronté à des cellules orageuses qui sévissent sur le Jura et le nord des Alpes. Alors qu'il est encore en phase de montée initiale, l'appareil est soudain mitraillé par la grêle, obligeant le commandant de bord à demander un atterrissage en urgence et à faire demi-tour sur l'aéroport de Genève. L'incident n'a pas fait de blessé, mais le pare-brise a été fortement fissuré et toute la carlingue est endommagée.