Le 16 octobre 1907, vers 7 heures du matin, une tornade d'intensité modérée (bas de l'échelon EF2) est observée au sud-ouest du territoire de Villeveyrac, dans le département de l'Hérault. Le phénomène produit exclusivement des dégâts sur la végétation.
La tornade de Villeveyrac s'ajoute à plusieurs événements dramatiques observés durant tout l'automne 1907 en Méditerranée. Cette fin d'année remarquable et meurtrière (25 décès), qui reste dans les annales météorologiques comme l'une des plus pluvieuses sur le sud du pays, a fait l'objet d'un rapport d'étude complet par Keraunos.Précisons enfin que la tornade de Villeveyrac s'inscrit dans un outbreak de tornades (épisode de tornades groupées) qui totalise 2 cas pour les journées des 15 et 16 octobre 1907 (24 heures glissantes) dont la tornade EF1 de Paraza (Aude) survenue la veille dans l'après-midi.
Principales caractéristiques de la tornade
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intensité maximale : EF2, soit des vents estimés entre 175 km/h et 220 km/h
* distance parcourue : 1,3 kilomètre (distance minimale certaine)
* largeur moyenne : indéterminée
* commune touchée : VILLEVEYRAC (Vissec, Grange Neuve)
* département : HÉRAULT (34)
* altitude moyenne du terrain : 40 mètres
* type de terrain : territoires agricoles
* principaux dégâts : très gros pins brisés comme fétus de paille ; oliviers et amandiers arrachés ; souches de vignes arrachées, soulevées en l'air à grande hauteur
NB : l'intensité des tornades est déterminée sur l'échelle EF augmentée. Cette version de l'échelle EF, mise en place par KERAUNOS depuis 2009, ajoute aux critères américains une série de spécificités propres à l'habitat européen.
Trajectoire de la tornade
Cette trajectoire minimale a été établie en fonction des informations disponibles : coupure de presse, reconstitution du flux pour la journée du 16 octobre 1907.
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Souches de vignes emportées par le vent
La presse locale nous renseigne sur cette tornade qui survient au sein d'un épisode méditerranéen virulent qui affecte plus particulièrement l'Hérault, le Gard, l'Aveyron, la Lozère, le Vaucluse et les Bouches-du-Rhône.
L'orage de grêle à l'origine de la tornade de Villeveyrac s'abat vers 7 heures du matin à l'ouest de Montpellier. D'autres orages de grêle, qui compromettent les vendanges, sont par ailleurs signalés en plusieurs points du département de l'Hérault.
La tornade de Villeveyrac s'attarde essentiellement au sud-ouest de la commune : dans les domaines de Vissec et de Grange Neuve, de gros pins sont brisés "comme des fétus de paille". A travers la campagne, des oliviers et des amandiers sont arrachés par le vent. Surtout, des souches de vignes sont arrachées et soulevées dans les airs à une grande hauteur. Certaines d'entre elles se seraient abattues jusque dans le village, mais cette information ne peut être vérifiée. Ce type de dommages relève d'une intensité EF2 (bas de l'échelon).
Durant cette tornade, personne n'a été blessé : "Heureusement qu'il n'y a pas d'accident de personnes à déplorer, mais ceux qui ont vu la marche furieuse du tourbillon entraînant tout sur son passage, ont eu une belle peur".
Il est vraisemblable que la tornade de Villeveyrac ait parcouru une distance plus importante, mais aucune information complémentaire ne permet de l'attester à l'heure actuelle.
Analyse de la situation météorologique
La tornade de Villeveyrac s’est produite dans un contexte d’
épisode méditerranéen actif, propice à la formation d’orages virulents sur l’Hérault notamment. C'est ce que confirment les
réanalyses NOAA/ESRL ; si ces données ne fournissent qu’une reconstitution approximative de la situation synoptique de l’époque - elles doivent de ce fait être considérées avec précaution -, elles permettent néanmoins d’établir le
scénario météorologique le plus probable qui prévalait le 16 octobre 1907.
XAinsi, le Languedoc se trouve ce jour-là dans une probable
configuration d'entrée droite d'une branche de courant-jet (ci-dessous à gauche), à l'avant d'un
thalweg d'altitude très prononcé qui s'enfonce jusque sur l'Espagne :
XXEn basses couches, de l'
air très doux et humide (thêtaE élevée) est advecté depuis le Maroc jusqu'aux Baléares et au Languedoc durant la matinée du 16 octobre. Cette langue d'air tropical apparaît en couleur jaune orangée sur le champ ci-dessous à gauche. Le flux de SSE qui véhicule cet air chaud est accéléré par une dépression positionnée sur la Bretagne. Les profils verticaux sont conséquemment
instables, notamment entre Catalogne et Languedoc, où les indices de soulèvement oscillent entre -3 et -4 K (ci-dessous à droite) :
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Le flux généré par cette situation est dynamique entre le Golfe du Lion et le Languedoc, suite à la constitution d'un jet de basses couches dans ce secteur. Les forts cisaillements induits en basses couches sont accompagnés de cisaillements également marqués en profondeur (soit entre le sol et 6 km d'altitude), avec des valeurs supérieures à 20 m/s :
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Il est par ailleurs intéressant de noter que les indices dédiés à la prévision des supercellules et des tornades réagissent sur les réanalyses. Même si les valeurs affichées restent modestes, elles sont à considérer en valeur relative compte tenu de la faible résolution des données fournies par les programmes de réanalyses :
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Cette conjonction entre forte instabilité et dynamique marquée est connue pour être propice au développement d'orages virulents, parfois producteurs de tornades. La matinée du 16 octobre 1907 l'a confirmé et l'analyse conjointe des observations de l'époque et des données de réanalyse permet de considérer qu'une cellule orageuse intense, possiblement de nature supercellulaire, est remontée en flux de SSE depuis le Golfe du Lion vers l'intérieur de l'Hérault, en générant des chutes de grêle et une tornade sur Villeveyrac. On ne peut exclure d'ailleurs que le phénomène se soit initié en mer sous la forme d'une trombe marine.
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