Observatoire français des tornades et orages violents

Tornade EF3 à Gressey (Yvelines) le 9 juin 1926

En fin d'après-midi du 9 juin 1926, une tornade de forte intensité (EF3) dévaste plusieurs communes du département des Yvelines (anciennement de la Seine-et-Oise). Le village de Gressey est particulièrement touché.
 
La tornade de Gressey survient durant une dégradation orageuse de grande ampleur qui affecte une bonne partie de l'Île-de-France, en provoquant de nombreux dégâts. 
  

Principales caractéristiques de la tornade

Localisation de la tornade EF3 de Gressey (Yvelines) du 9 juin 1926* intensité maximale : EF3, soit des vents estimés entre 220 km/h et 270 km/h
* distance parcourue : 12 kilomètres
* largeur moyenne : 300 mètres

* communes traversées : HOUDAN (fond d'Orval), GRESSEY (Brunel, église, rue des Fosses-Rouges), CIVRY-LA-FORÊT (le Buisson), MULCENT
* département : YVELINES (78)
* altitude moyenne du terrain : 125 mètres
* type de terrain : territoires artificialisés, territoires agricoles, forêts et milieux semi-naturels

* principaux dégâts : arbres feuillus déracinés et certains brisés net ; hangars agricoles entièrement soulevés ou démolis ; toitures arrachées ; maisons solidement bâties, effondrées ou éventrées ; voiture située dans un hangar enlevée et déplacée à 100 mètres de distance ; un homme transporté à 60 mètres ; projections à distance, dont de la paille provenant de meules dispersées par le vent
 
NB : l'intensité des tornades est déterminée sur l'échelle EF augmentée. Cette version de l'échelle EF, mise en place par KERAUNOS depuis 2009, ajoute aux critères américains une série de spécificités propres à l'habitat européen.
  

Trajectoire de la tornade

 
© Keraunos (fond de carte : Géoportail)
  

Un homme emporté à 60 mètres

La tornade de Gressey du 9 juin 1926 survient durant une importante dégradation orageuse qui affecte plus particulièrement la région Île-de-France (voire l'analyse du contexte météorologique ci-après). 

Le phénomène, d'une durée très brève (environ 15 secondes), survient vers 18h45, après un orage que rien ne laissait présager d'anormal : "Depuis un quart d'heure environ l'orage, qui s'abattit ce soir-là sur toute notre région et qui n'avait pas été plus particulièrement violent à Gressey, se terminait quand, brusquement, il reprit : la rafale passa, décoiffant les maisons, soulevant, balayant, démolissant, rasant tout sur son passage ; les arbres fruitiers, les peupliers et les tilleuls furent cassés ou arrachés, les hangars agricoles, soulevés, se brisèrent en retombant sur le sol, anéantissant dans leur chute tout le matériel qu'ils abritaient une minute plus tôt."

Sur un parcours de 12 kilomètres et une largeur moyenne de 300 mètres, la tornade survole le fond d'Orval à Houdan, dévaste plusieurs territoires habités de Gressey, frôle la forêt de Civry par l'Est, traverse un hameau de cette dernière localité, puis se dissipe quelques kilomètres vers le Nord-Est, au niveau de la vallée de la Vaucouleurs.

Les lieux traversés par la tornade sont fortement éprouvés. L'inventaire détaillé des dommages, appuyé de témoignages et de photographies d'époque, permet de conclure sur un phénomène d'intensité EF3. 

D'après les informations recueillies par le Petit Parisien et le Journal de Mantes, la tornade a plus particulièrement dévasté le hameau de Brunel, où plusieurs faits insolites et assez remarquables sont reportés. Par exemple, une voiture légère a été retrouvée sens dessus-dessous à quelque deux cents mètres de son emplacement, après avoir
survolé les clôtures des prés (puisque celles-ci n'ont pas été arrachées). Dans une habitation ravagée dont le premier étage a presque entièrement disparu, le mur extérieur, côté sud, tient encore debout grâce à une grande armoire à linge qui le cale. Plus loin, d'un hangar d'une superficie de 500 mètres carrés, il ne reste que les dés de ciment sur lesquels la charpente reposait.
 
Les deux photographies ci-dessous, exceptionnelles, ont été acquises par KERAUNOS dans le cadre de la constitution de son fonds d'archives dédié aux phénomènes orageux. Sur ces clichés, on remarque que les habitations, solides et construites en dur, sont partiellement écroulées. Sur le cliché de gauche, on aperçoit quantité de paille fichée dans les isolateurs des poteaux télégraphiques. Cette paille provient des meules que la tornade a dispersées à grande distance, ce qui confirme l'intensité remarquable des vents au sein du tourbillon :

© Keraunos
         

Contexte météorologique du 9 juin 1926

Les données issues du programme de réanalyse par méthode ensembliste de la NOAA (ESRL/PSD) permettent de reconstituer les grandes lignes de la situation météorologique qui prévalait le mercredi 9 juin 1926, à l'heure de la tornade.
 
On note ainsi la présence d'un rapide flux de sud-ouest en altitude, avec un courant-jet étiré du nord du Portugal jusqu'au sud de l'Angleterre. Les vents sont estimés supérieurs à 100 km/h à 10.000 mètres d'altitude sur l'ouest et le nord de la France. Ce flux est piloté par un vaste minimum d'altitude qui est en position sur l'Atlantique nord. Un axe de thalweg est identifié à l'ouest immédiat de la France.

 
En basses couches, des remontées d'air chaud en provenance d'Afrique du Nord concernent une grande partie de l'Europe. A 850 hPa, la température est simulée supérieure à 10°C des Pyrénées à la Lorraine, avec des valeurs proches de 15°C près des frontières espagnoles. Ces advections d'air tropical sont rendues plus vigoureuses par le creusement d'un minimum dépressionnaire entre Irlande et Bretagne.

 
De forts contenus en eau précipitable (30 à 35 mm) sont simulés du centre de la France jusqu'aux frontières belges et luxembourgeoises. Un jet de basses couches est par ailleurs reconstitué sur le proche Atlantique et de la Bretagne jusqu'à l'ouest du Bassin Parisien. Cet élément a vraisemblablement accentué les cisaillements de basses couches sur le nord-ouest de la France. C'est en définitive des Pyrénées aux régions du nord-est que l'instabilité latente est réanalysée comme la plus significative, avec des valeurs de MUCAPE supérieures à 500 J/kg.
 
 

En savoir plus sur les tornades