Observatoire français des tornades et orages violents

Tornade EF3 à Chançay (Indre-et-Loire) le 27 février 1927

Le 27 février 1927, en cours de nuit, une tornade de forte intensité (bas de l'échelon EF3) traverse plusieurs communes situées à l'est de l'agglomération tourangelle (Indre-et-Loire). Les communes de Chançay et de Vernou-sur-Brenne sont les plus atteintes, avec des fermes éventrées. Le phénomène a fait l'objet d'une analyse détaillée et publiée dans la Météorologie en 1933.
 
La tornade de Chançay s'inscrit dans un outbreak de tornades (épisode de tornades groupées) qui totalise 2 cas pour la journée du 27 février 1927, dont la tornade EF2 de Landemont (Maine-et-Loire) survenue moins de deux heures auparavant.
 

Principales caractéristiques de la tornade

Localisation de la tornade de Chançay (37) du 27 février 1927intensité maximale : EF3, soit des vents estimés de 220 km/h à 270 km/h
* distance parcourue : 14,8 kilomètres
* largeur moyenne : 200 mètres

* communes traversées : PARÇAY-MESLAY (la Charronnerie, village), ROCHECORBON (vallée de Rochecorbon), VOUVRAY (le Plessis), VERNOU-SUR-BRENNE (la Rauderie, château de Jallanges), CHANÇAY (Launay, Vaumorin) ; NAZELLES-NÉGRON (les Cours)
* département : INDRE-ET-LOIRE (37)
* altitude moyenne du terrain : 90 mètres
* type de terrain : territoires artificialisés, territoires agricoles, forêts et milieux semi-naturels

* principaux dégâts : ceps de vigne hachés et échalas emportés ; bottes de paille enlevées des hangars ou des meules ; arbres de toute sorte (feuillus), déracinés, brisés et emportés au loin (distance inconnue) ; poteaux télégraphiques renversés ; écuries et étables formant un amas de décombres ; toitures d'habitation arrachées ; fermes ou maisons d'habitation en partie détruites (toitures arrachées et murs en partie écroulés ; tôles de cheminées emmenées à trois kilomètres

NB : l'intensité des tornades est déterminée sur l'échelle EF augmentée. Cette version de l'échelle EF, mise en place par KERAUNOS depuis 2009, ajoute aux critères américains une série de spécificités propres à l'habitat européen. 
 

Trajectoire de la tornade

 
© Keraunos (fond de carte : Géoportail)
 

Des fermes éventrées

La tornade de Chançay du 27 février 1927 a fait l'objet d'une publication dans la Météorologie (1933), à l'appui d'une reconnaissance de terrain. Le phénomène prend naissance tout près de l'ancien camp d'aviation de Parçay-Meslay (aujourd'hui aéroport de Tours-Val-de-Loire) pour se dissiper au hameau des Cours (Nazelles-Négron), soit une trajectoire totale de 14,8 kilomètres. La bande de terrain sinistrée atteint 200 mètres en moyenne.

Trajectoire reconstituée du phénomène, d'après la reconnaissance de terrain de l'époque (© La Météorologie) : 


La
station météorologique de Tours Parçay-Meslay, qui se situe à quelques centaines de mètres à peine du point de départ du phénomène, observe les manifestations suivantes vers 4h20 : baisse instantanée de la pression de 1 mm (le baromètre revient ensuite immédiatement à sa position primitive), baisse brutale de la température de 1,6°Crotation complète du vent. Ces manifestations correspondent traditionnellement au passage de phénomènes convectifs d'une intensité significative. Dans le cas présent, de l'activité électrique est signalée entre 3h45 et 4h20 au niveau de la station, ce qui confirme le caractère orageux de la cellule à l'origine de la tornade.

La reconnaissance de terrain a rapidement permis d'établir un axe de dégâts convergents. Plus particulièrement sur un coteau, six pommiers répartis sur une largeur de 15 mètres, sont déracinés et couchés en décrivant un cercle tournant de l'Ouest à l'Est, par le Sud. Au coeur de l'axe, un des arbres est transporté à une dizaine de mètres, les racines à l'opposé de l'endroit où l'arbre était planté.

Les dommages sont considérables, en particulier à Vernou-sur-Brenne et à Chançay où ils relèvent d'un niveau d'intensité EF3 (bas de l'échelon) : écuries ou étables (solidement bâties) raséesmurs en partie écroulés, toitures arrachées, bottes de pailles enlevées des hangars. Concernant la végétation, des arbres sont déracinés ou brisés, et emportés au loin. Des rangs de pieux sont arrachés dans des vignes, et des ceps hachés. De nombreuses projections à distance sont également signalées (dont des tôles retrouvées à 3 kilomètres).

Les illustrations suivantes montrent l'importance des dommages entre Vernou-sur-Brenne et Chançay :  


Aperçu de la ferme de Vaumorin à Chançay : murs de clôture renversés, constructions en partie détruites : 

 
 

Analyse de la situation météorologique

La situation météorologique du 27 février 1927 a pu être reconstituée à partir des données du programme de réanalyses ERA-20C du Centre Européen de Prévision (résolution 125 km). Les données fournies par ce programme permettent de reconstruire par modèle les conditions météorologiques à tous les niveaux de l'atmosphère à partir d'un nombre restreint de données d'observations. Les résultats sont certes à considérer avec une certaine prudence compte tenu des périodes reculées auxquelles ils s'appliquent, mais ils présentent un degré de fiabilité élevé qui permet une reconstruction pertinente de la plupart des épisodes météorologiques majeurs des 150 dernières années.

En complément, afin d'analyser plus en détail le contexte de méso-échelle, le modèle WRF-ARW 3 km a été déployé en version « reforecast » et initialisé sur ERA-20C avec les conditions du 26.02.1927 00Z. Dans le cas présent, la simulation obtenue présente une forte cohérence avec les observations réalisées à l'époque et fournit donc un scénario sans doute très proche de la réalité.

Il ressort de ces analyses que la France est soumise, dans la nuit du 26 au 27 février 1927, à un flux zonal rapide et cyclonique. Une goutte froide assez marquée (-29°C à 500 hPa ; voir ci-dessous à droite) gagne l'ouest du pays en cours de nuit, en bordure nord du courant-jet (ci-dessous à gauche).



Au sol, un front froid actif s'enfonce en deuxième partie de nuit vers l'est et le sud-est de la France. Sa trace est bien identifiable sur le champ de thêta'w à 850 hPa (ci-dessous à gauche). A l'arrière, sur les régions de l'ouest, un ciel de traîne se déploie ; cette traîne s'avère bien instable, comme en témoignent les valeurs de MUCAPE, qui dépassent localement 500 J/kg, soit un niveau élevé pour une situation nocturne de février (ci-dessous à droite).



Le modèle simule d'ailleurs des noyaux convectifs actifs dans cette traîne, sur les côtes de la Manche ainsi que sur les départements du centre-ouest, parmi lesquels l'Indre-et-Loire (ci-dessous à gauche). A la faveur de cisaillements marqués dans les basses couches, le potentiel de tornade s'avère non négligeable ; le Significant Tornado Parameter réagit d'ailleurs de manière non négligeable pour une situation hivernale dans le reforecast ARW3 (ci-dessous à droite) :



En somme, la tornade de Chançay s'est formée selon toute vraisemblance dans un contexte de traîne active bien instable et cisaillé, en sortie gauche de jet, soit dans une configuration qui est connue pour être propice aux tornades hivernales en France.

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