Observatoire français des tornades et orages violents

Tornade EF3 à Ribécourt-Dreslincourt (Oise) le 23 août 1865

Le 23 août 1865, une tornade de forte intensité (EF3) ravage plusieurs communes de la vallée de l'Oise, dont Ribécourt-Dreslincourt qui apparaît la plus éprouvée. Les dégâts sont considérables dans plusieurs localités.

La tornade de Ribécourt-Dreslincourt s'inscrit dans un outbreak de tornades (épisode de tornades groupées) qui totalise au moins 5 cas pour la journée du 23 août 1865, dont la la tornade EF2 d'Orry-la-Ville (Oise), la tornade EF1 de la Neuville-Bosmont (Aisne), la tornade EF2 de Sissonne (Aisne) et la tornade de Sinsin (province de Namur, Belgique).

Cet outbreak est probablement l'un des plus intenses du XIXe siècle en France et en Belgique.
 

Principales caractéristiques de la tornade                                                                      

* intensité maximale : EF3, soit des vents estimés entre 220 km/h et 270 km/h
* distance parcourue : 13 kilomètres (distance minimale certaine)
* largeur moyenne : 120 mètres

* communes traversées : COUDUN (marais de Coudun), GIRAUMONT, MÉLICOCQ (la Grande Queue, le Pâtis, village), MACHEMONT, CAMBRONNE-LÈS-RIBÉCOURT, RIBÉCOURT-DRESLINCOURT, PIMPREZ
* département touché : OISE (60)
* altitude moyenne du terrain : 70 mètres
* type de terrain : territoires artificialisés, territoires agricoles, forêts et milieux semi-naturels

* principaux dégâts : environ mille arbres, dont certains ayant jusqu'à 2 mètres de circonférence à la base, déracinés ou brisés ; plusieurs dizaines de toitures arrachées ou écroulées ; une petite construction démolie ; une voiture attelée enlevée et brisée ; meules de foin emportées et dispersées ; pommiers entiers transportés jusqu'à 70 mètres ; cuviers plein d'eau lancés à plus de 20 mètres dans les jardins ; têtes d'arbres emportées à distance

NB : l'intensité des tornades est déterminée sur l'échelle EF augmentée. Cette version de l'échelle EF, mise en place par KERAUNOS depuis 2009, ajoute aux critères américains une série de spécificités propres à l'habitat européen.
 

Parcours de la tornade 

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Bâtiments renversés et toitures emportées

La tornade de Ribécourt-Dreslincourt du 23 août 1865 se produit quarante minutes seulement après la tornade EF1 de la Neuville-Bosmont (dans le département voisin de l'Aisne) à 70 kilomètres de là. Le phénomène, qui évolue du Sud-Ouest vers le Nord-Est (240°) survient au sein d'une cellule orageuse virulente, probablement de type supercellulaire, et dont le passage est signalé par d'abondantes chutes de grêle, de gros dégâts dans les récoltes et des inondations dans les maisons. Le descriptif visuel du phénomène, ainsi que l'inventaire des dommages, permettent d'établir une trajectoire certaine de 13 kilomètres entre Coudun et Pimprez (en amont de cette première localité, on signale déjà des dommages entre Remy et Monchy-Humières, mais la nature tourbillonnaire du phénomène ne peut pas être établie avec certitude).

A Mélicocq, les témoins décrivent une "colonne tourbillonnante, d'une hauteur de 25 à 30 mètres, se dirigeant du Sud-Ouest au Nord-Est, en lançant des jets de flammes et anéantissant tout sur son passage." Le bruit caractéristique de la tornade est comparé à celui d'un train lancé à toute vitesse [Le Journal de l'Oise]. La largeur raisonnablement estimée du tourbillon semble être comprise entre 100 et 150 mètres, d'après les dommages observés en plusieurs points de la trajectoire.

Les premiers effets certains du tourbillon sont localisés dans les marais de Coudun, où les grands arbres sont brisés aux deux-tiers de leur hauteur. Plusieurs centaines d'autres présentent des déchirures au niveau du tronc. A proximité du marais, une petite construction en briques, attenante à une habitation, est démolie de fond en comble. Un peu plus loin, à Giraumont, une voiture vide et attelée de trois chevaux est enlevée et brisée.

En parcourant le territoire de Mélicocq, la tornade arrache des pommiers, dont certains sont transportés jusqu'à 70 mètres de distance. Fait remarquable, des moyettes de blé et d'avoine, ainsi que des meules entières, ont complètement disparu. On signale même que des betteraves sont arrachées de terre et dispersées au loin. Des oiseaux sont également retrouvés morts, probablement asphyxiés ou mutilés par des projectiles.

A Machemont, la tornade traverse surtout le flanc oriental du village. Des arbres de toutes espèces sont déracinés, tordus, ou brisés. Leurs têtes sont transportées à de grandes distances. Une dizaine de maisons sont découvertes. Une femme et sa petite fille de 3 ans sont retirées vivantes des décombres, grâce au dévouement des voisins. A Cambronne-lès-Ribécourt, le phénomène endommage principalement des arbres fruitiers.

A Ribécourt-Dreslincourt, on observe les dégâts les plus importants, en raison du nombre d'habitations atteintes. C'est dans cette localité que le préjudice est estimé le plus élevé : 35 bâtiments à usage de granges ou d'habitations sont entièrement découverts. Des cuviers plein d'eau sont lancés à plus de 20 mètres dans les jardins.

Enfin, à Pimprez, trois bâtiments en chaume sont renversés et de nombreux arbres arrachés. On ne signale plus de dégâts liés au vent au-delà de ce village.

En raison de projections à distance très importantes, et de sérieux dommages observés en particulier sur la végétation, la tornade de Ribécourt-Dreslincourt peut être classée en intensité EF3 sur l'échelle améliorée de Fujita.

Nous tenons à remercier Gwenaël Milcarek qui nous a transmis les informations relatives à cette tornade. 
 

Un outbreak franco-belge remarquable

L'outbreak du 23 août 1865 coïncide avec une importante dégradation orageuse qui circule entre le Nord de la France et le Sud de la Belgique, et plus particulièrement :

- dans l'Oise, l'Aisne, les Ardennes, la Marne, la Meuse, la Meurthe-et-Moselle et la Moselle pour la partie française,
- dans les provinces de Namur, de Liège et de Luxembourg pour la partie belge.

Entre 12 heures et 14h10, quatre tornades (dont trois presque simultanées) sont observées en Picardie et provoquent de nombreux dégâts, sans toutefois causer de victimes :

- tornade EF2 à Orry-la-Ville (Oise) à 12 heures locales,
- tornade EF1 à la Neuville-Bosmont (Aisne) à 13h30 locales,

- tornade EF2 à Sissonne (Aisne) à 13h50 locales,
- tornade EF3 à Ribécourt-Dreslincourt (Oise) à 14h10 locales.

En Belgique, entre 15h30 et 17 heures environ, des orages très venteux sont signalés dans trois provinces de la région Wallonne. A Theux (province de Liège), des arbres sont couchés sur la voie de chemin de fer. A Eneille (Durbuy, province de Luxembourg), des peupliers d'un mètre et demi de tour sont brisés net et les cimes projetées à de grandes distances. En province de Namur, les dégâts sont très importants dans le périmètre de Jannée, d'Haversin (Ciney) et de Sinsin (Somme-Leuze). Dans cette dernière localité, une tornade provoque des dégâts sur de la végétation : "A une demi lieue du village, un amas de vapeurs venait de l'Ouest et se dirigeait vers l'Est. Les nuages environnants semblaient venir se fondre dans un énorme cône de plus de trente mètres de diamètre. Il s'avançait avec une rapidité effrayante, animé d'un mouvement giratoire très remarquable et d'une violence incroyable. Il parcourait une zone de deux cents mètres de largeur environ. La trombe lançait la foudre et était accompagnée d'une pluie torrentielle. Soixante-deux peupliers très gros ont été cassés net à deux ou trois mètres de hauteur ; le craquement a duré à peine deux secondes. Les bois de Jannée et d'Haversin ont été également dévastés."

A ce jour, 5 tornades certaines ont pu être identifiées au cours de cet outbreak franco-belge remarquable. Plusieurs autres cas venteux peuvent être fortement suspectés, mais leur nature exacte n'a pas pu être identifiée à ce jour.

Carte synthétique des cinq tornades observées lors de l'outbreak du 23 août 1865 en France et en Belgique :

© Keraunos (fond de carte : Google Maps)

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