Observatoire français des tornades et orages violents

Tornade EF3 à Trébeurden (Côtes-d'Armor) le 29 janvier 1836

Dans la nuit du 29 au 30 janvier 1836, une tornade meurtrière de forte intensité (EF3) traverse la commune de Trébeurden, dans le département des Côtes-d'Armor. Issu d'une trombe marine, le phénomène détruit notamment le sémaphore de l'île Milliau, avant d'entrer dans les terres. Quatre enfants d'une même famille périssent sous les décombres, ce qui fait de cette tornade, l'une des plus meurtrières de France. 
 

Principales caractéristiques de la tornade

Localisation de la tornade de Trébeurden (22) du 30 janvier 1836intensité maximale : EF3, soit des vents estimés entre 220 km/h et 270 km/h
* distance parcourue : 4 kilomètres (distance minimale certaine, dont 3 kilomètres sur la terre ferme) 
* largeur moyenne : indéterminée

* commune traversée : TRÉBEURDEN ( (île Milliau, Traou Meur, le Can)
* département : CÔTES-D'ARMOR (22)
* altitude moyenne du terrain : 45 mètres
* type de terrain : territoires artificialisés, territoires agricoles, zones humides

* principaux dégâts : talus, arbres et maisons renversés, déracinés, enlevés, dispersés ou détruits ; 19 chaumières détruites (pas plus d'informations) ; sémaphore de Milliau démoli

NB : l'intensité des tornades est déterminée sur l'échelle EF augmentée (English version) . Cette version de l'échelle EF, élaborée et mise en place par KERAUNOS depuis 2009, ajoute aux critères américains une série de spécificités propres à l'habitat européen et permet ainsi une notation précise des tornades, valable autant pour les tornades contemporaines que pour les tornades du passé, et homogène internationalement.
 

Trajectoire de la tornade

Trajectoire présumée de la tornade EF3 de Trébeurden (Côtes-d'Armor) du 29 janvier 1836 :

Trajectoire présumée de la tornade EF3 de Trébeurden (Côtes-d'Armor) du 30 janvier 1836. © Keraunos (fond de carte : Carte de l'Etat-Major de 1820-1866) © Keraunos (fond de carte : Carte de l'Etat-Major de 1820-1866)
 

Quatre enfants décédés et un sémaphore démoli

La tornade de Trébeurden du 29 janvier 1836 survient dans un contexte de traîne active (de l'orage est signalé le même jour à Saint-Brieuc et à Pordic). Son intensité est d'autant plus remarquable qu'elle survient en pleine saison hivernale. D'après les Feuilles d'Annonces des Côtes-du-Nord du 30 janvier, la tornade dévaste tout sur son passage* : "Cette trombe dépassant presqu'aussitôt la pointe de cette île (Milliau), entre sur la commune de Trébeurden qu'elle sillonne l'espace d'une demie-lieue, dans la direction du Nord-Est [Ouest] au Sud-Est. Talus, arbres, maisons, en un mot, tout ce qui se trouve sur le passage de cet effrayant météore, est en un clin-d'oeil renversé, déraciné, enlevé, dispersé ou détruit." Le sémaphore de l'île Milliau, situé dans l'axe du tourbillon, est également démoli (pas plus d'informations).

En traversant le hameau du Can, la tornade tue 4 enfants d'une même famille : "sous les débris d'une seule [chaumière], quatre enfants ont été écrasés. Le plus jeune a reçu la mort sur le sein de sa mère, si douloureusement affectée par la perte de ses enfants qu'elle est tombée dans un état qui fait craindre pour ses jours." [Feuilles d'Annonces des Côtes-du-Nord]. Les registres d'Etat Civil pour l'année 1836 confirment les 4 décès "à onze heures du soir par suite d'un ouragant [sic]" [Archives Départementales des Côtes-d'Armor].

En l'absence d'informations plus détaillées sur la structure du sémaphore et la nature de l'habitat dévasté, la tornade de Trébeurden est classée EF3 sur l'échelle de Fujita améliorée.

* des sources non vérifiées évoquent un raz-de-marée pour cette même journée. Aucune mention d'un tel phénomène n'a été retrouvée dans la presse régionale.

Analyse de la situation météorologique

La situation météorologique du 30 janvier 1836 a pu être reconstituée à partir des données du programme de réanalyses "20th Century Reanalysis" mené par la NOAA, l'ESRL et le PSD. L'approche ensembliste développée par ce programme permet de reconstruire par modèle les conditions météorologiques à tous les niveaux de l'atmosphère à partir d'un nombre restreint de données d'observations. Les résultats sont certes à considérer avec une certaine prudence compte tenu des périodes reculées auxquelles ils s'appliquent, mais ils présentent un bon degré de fiabilité qui permet une reconstruction pertinente de la plupart des épisodes météorologiques majeurs des 200 dernières années.

Même si les données présentent un caractère lissé sur des années aussi anciennes, il apparaît que la journée du 30 janvier 1836 est dominée par un flux polaire maritime instable, piloté par un minimum d'altitude circulant à proximité de la Scandinavie. Il s'ensuit un très rapide flux de nord-ouest sur la France, avec enfoncement d'un thalweg sur les régions du nord et du nord-est :


L'analyse des basses couches met en évidence une trace de front froid, étirée à la mi-journée des Charentes au Jura, et une configuration de traîne près de la Manche. Le front froid et la traîne sont actifs dans la réanalyse avec, en cours de nuit, des précipitations plus particulièrement soutenues d'une part entre Aquitaine, Limousin et Lorraine au niveau de la limite frontale, et d'autre part le long de la Manche dans la traîne. C'est au sein de cette traîne active que la tornade s'est développée.



 

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