Observatoire français des tornades et orages violents

Tornade EF4 à Sète (Hérault) le 22 octobre 1844

Le 22 octobre 1844, à 16h25, une tornade meurtrière de très forte intensité (EF4), issue d'une trombe marine, traverse la ville de Sète et plusieurs communes situées au nord du Bassin de Thau (Hérault). La tornade, qui a fait l'objet d'une très grande médiatisation, est l'une des plus meurtrières recensées à ce jour en France.
 
Il est à noter que la ville de Sète présente une occurrence de tornades tout à fait remarquable à l'échelle nationale. Six cas, tous issus de trombes marines, y ont été recensés à ce jour : le 22 octobre 1844 (EF4), le 19 septembre 1893 (EF3), le 9 octobre 1907 (EF1), le 4 novembre 2005 (EF1), le 12 octobre 2014 (EF0) et le 15 septembre 2023 (EF0).
 

Principales caractéristiques de la tornade

Localisation de la tornade de Sète (34) du 22 octobre 1844* intensité maximale : EF4, soit des vents estimés entre 270 km/h et 320 km/h
* distance parcourue : 19,5 kilomètres (distance minimale certaine)
* largeur moyenne : indéterminée

* communes traversées : SÈTE (Fort Saint-Pierre, vieille ville, mairie, Chenal, bassin de Thau) ; FRONTIGNAN (bassin de Thau) ; BALARUC-LES-BAINS (bassin de Thau) ; BALARUC-LE-VIEUX ; POUSSAN ; COURNONSEC ; COURNONTERRAL (Mas de Fertalières)
* département : HÉRAULT (34)
* altitude moyenne du terrain : 50 mètres
* type de terrain : territoires artificialisés ; territoires agricoles ; surfaces en eau

* principaux dégâts : bateaux de cabotage coulés ; nombreuses avaries dans les coques, les matures et les grééments des bateaux ; embarcations soulevées, emmenées à distance ou détruites ; très nombreux débris portés à des distances considérables (20 km) ; toitures enlevées et transportées à grande distance ; arbres (feuillus) arrachés ou brisés ; pavillon du Génie renversé (façade écroulée jusqu'au sol, seuls quelques portions de murs on subsisté) ainsi que 2 maisons voisines ; clocher (en construction) de l'église écroulé ; une maison de quatre étages littéralement rasée ; nombreuses autres maisons du centre de Sète écroulées ; personnes emmenées dans les airs, parfois à des distances considérables ; arbres de la place de la mairie de Sète, retrouvés à des distances incalculables dans les garrigues ou dans l'étang ; objets lourds emmenés à très grande distance
 
NB : l'intensité des tornades est déterminée sur l'échelle EF augmentée. Cette version de l'échelle EF, mise en place par KERAUNOS depuis 2009, ajoute aux critères américains une série de spécificités propres à l'habitat européen.
 

Trajectoire de la tornade

 
© Keraunos (fond de carte : carte de l’Etat-Major de 1820-1866)
 
 Cette trajectoire, limitée à 19,5 kilomètres, pourrait se prolonger au-delà de Cournonterral, mais nous ne disposons pas d'informations précises qui permettent de l'attester.
 
 

Une trombe marine qui entre à Sète par le fort Saint-Pierre, et qui parcourt près de 20 kilomètres

Durant la journée du 22 octobre 1844, le temps est instable sur le département de l'Hérault. Déjà à midi, un orage de grêle éclate à Sète, et le baromètre poursuit sa baisse durant l'après-midi. Les rares informations disponibles sur cette journée permettent de supposer qu'un thalweg, ou un minimum dépressionnaire isolé en goutte froide entre Gascogne et Péninsule Ibérique, soit à l'origine d'un flux de sud très instable sur le bassin méditerranéen occidental. 
 
Au large de Sète, des nuages menaçants s'amoncèlent, s'abaissent et prennent la forme d'un cône renversé "dont la pointe arrondie touchait les flots démontés" [De la Tour Magne à Saint-Nazaire, 1942, THOMAS et SEGUI]. La trombe ainsi constituée, qui avance avec rapidité, prend la direction de Sète selon un sens de déplacement du sud-sud-est vers le nord-nord-ouest.
 
La trombe marine touche terre à l'est immédiat du Mont Saint-Clair, entre le fort Saint-Pierre et le Môle Saint-Louis. Marquée par un bruit  lugubre, "comme  celui  de  centaines de  charrettes chargées  de  fer  et  roulant sur  le  pavé", la tornade s'accompagne de pluie et d'une grêle abondante, ainsi que de coups de tonnerre et d'éclairs violacés [Recherches sur la météorologie et les météorologistes à Montpellier par Edouard Roche, 1898].
 
Après avoir longé le canal de Sète puis survolé le chenal, en provoquant d'incalculables dégâts, la tornade traverse le bassin de Thau et se dirige vers le territoire de Balaruc, où c'est surtout la campagne qui est dévastée. Toujours précédée par une averse de grêle, la tornade poursuit sa route dans la garrigue de Poussan, où elle est décrite comme un nuage très dense en forme de cône renversé, communiquant avec le sol par une large colonne de vapeurs où brillaient des lueurs rougeâtres.
 
La tornade porte ensuite ses ravages sur les territoires de Cournonsec et de Cournonterral. Les témoins disent avoir vu "s'avancer un nuage blanchâtre d'où se détachait une et parfois deux colonnes qui descendaient de la nue jusqu'à terre en tourbillonnant" [Journal de Toulouse politique et littéraire des 1er et 2 novembre 1844]. Ce descriptif pourrait laisser supposer que la tornade ait adopté une structure à multi-vortex, au moins transitoirement.
 
Au-delà du mas de Fertalières, commune de Cournonterral, la tornade endommage encore de la garrigue et des bois, avant de se dissiper. La trajectoire parcourue par le phénomène atteint ainsi près de 20 kilomètres, voire davantage compte tenu de dégâts signalés au-delà de Fertalières, sans que nous ne puissions en évaluer la distance précise.

Pertes considérables et débris retrouvés à grande distance

La tornade EF4 de Sète du 22 octobre 1844 est l'une des plus violentes et des plus meurtrières recensées à ce jour en France. Pendant plus d'une semaine, la presse écrite fait mention de l'événement et de nouveaux détails sont encore apportés jusque début novembre.
 
Dix jours après l'événement, le bilan humain a pu être dressé. Ce dernier est lourd : 20 personnes sont tuées. Celles qui n'ont pas été happées par le tourbillon sont mortes noyées, emportées dans leurs embarcations par un phénomène localisé de surcote causé par la tornade à proximité et dans le port de Sète.
 
Les pertes matérielles sont extrêmement importantes, notamment le long du canal de Sète, dans la vieille ville, dans le quartier du chenal, et ailleurs dans la campagne : 6 navires engloutis, de très nombreux autres endommagés ou détruits, 200 maisons écroulées, lézardées ou endommagées, pavillon du Génie renversé (façade écroulée jusqu'au sol, seuls quelques portions de murs ont subsisté) ainsi que deux maisons voisines ; clocher (en construction) de l'église écroulé ; une maison de quatre étages littéralement rasée, des centaines d'arbres (chênes, oliviers) déracinés ou brisés.
 
Les phénomènes d'aspiration et de projections à très grande distance témoignent également de l'intensité exceptionnelle de cet événement :
 
- individus portés à très grande distance, dont l'un, plié dans une voile, a été retrouvé à l'état de cadavre au-delà du Mont Saint-Clair,
- débris transportés à très grande distance (jusqu'à 20 kilomètres) : tuiles, briques, tôles et éléments d'embarcations ont été dispersés à l'ouest de la trajectoire, entre le Bassin de Thau et l'ouest de Cournonterral, en passant par Bouzigues (commune pourtant située à 2,5 kilomètres à l'ouest du passage de la tornade),
- un lit transporté du second étage au troisième étage d'une maison sinistrée,
- une nacelle entraînée dans les airs,
- certains arbres de la place de la Mairie arrachés et jetés dans le bassin du Thau ou dans la garrigue,
- plusieurs rochers du môle Saint-Louis soulevés par la tornade.
 
Ce type de dommages relève d'une tornade d'intensité EF4. Il est également à préciser qu'il s'agit de la tornade, issue d'une trombe marine, la plus violente à avoir été recensée en France à ce jour.
 

D'autres trombes marines survenues le même jour?

Parmi les très nombreuses sources d'information disponibles sur la tornade de Sète, un extrait emprunté à la presse locale semble faire mention d'une ou de plusieurs autres trombes marines qui seraient survenues presque simultanément :
 
"Le capitaine Legaillic, commandant l'Emilie, parti hier matin de notre port, s'est vu, à quelques lieues d'ici, poursuivi par la trombe, qui s'est formée, d'après son calcul, à près de huit lieues du port, et qui se dirigeait de l'est à l'ouest. Plusieurs fois il a dû virer de bord pour éviter ce dangereux contact ; enfin, par une nécessité bien constatée, il a dû songer à retourner à Cette [Sète] pour sortir de ce tourbillon dont il ressentait l'influence, et ce n'est qu'avec bonheur qu'il a été préservé d'une destruction complète. Il est rentré dans le port une heure après." Ce descriptif, qui ne permet pas d'établir un lien certain avec la tornade de te, peut toutefois faire référence à une autre trombe marine survenue au large.

"[...] On avait lieu de redouter une catastrophe semblable, puisqu'au dire de personnes qui se trouvaient sur le môle, on avait vu une trombe du même volume se diriger sur le fort Brescou, qu'elle a dépassé." Faute d'éléments complémentaires, cette information reste à l'état d'hypothèse.

Ces récits témoignent d'une situation particulièrement propice aux phénomènes tourbillonnaires en mer Méditerranée pour la journée du 22 octobre 1844. Egalement, l'hypothèse d'une structure de type supercellulaire peut être envisagée ici, compte tenu de la longueur de la trajectoire parcourue et de la sévérité des dégâts observés. 

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